








Léopold II et le monopole religieux de l’enseignement au Congo
by Guy DeBoeck
Une des conséquences les plus durables de la colonisation léopoldienne aura été le statut des missions dans la colonie et, en particulier, le monopole des religieux dans le domaine de l’enseignement. Celui-ci est demeuré intouché jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Autrement dit, ce fut un des phénomènes les plus durables de la brève histoire coloniale du Congo.
Il n’est donc pas inutile de se demander quelle fut la raison principale de cette attitude. S’est-il agi de recourir à « l’opium du peuple » pour rendre les Congolais dociles ? D’épargner des frais en mettant à charge des Missions le budget de l’Education ? De plaire aux milieux catholiques belges et en particulier à leur relais politique, le parti catholique de Mr. Woeste ? Ou était-ce tout simplement le reflet de convictions personnelles du Souverain, dans l’Etat le plus absolu qui ait jamais existé ?
C’est cette dernière hypothèse surtout que je me propose d’examiner, ce qui m’expose immédiatement et de plein fouet à la critique de faire de l’histoire à partir d’incertaines hypothèses psychologiques… Et, non moins d’emblée, j’accepte la critique, en ceci du moins que le danger guette et que le terrain est glissant. Quant à savoir si je déraperai ou non, je suggère que nous nous posions la question, non à la première, mais à la dernière page de cet opuscule.
On se sent toujours un peu mal à l’aise, quand on envisage de regarder des faits historiques sous l’angle du rôle qu’ont pu y jouer, non pas seulement une personne individuellement mais, de plus, les convictions et le caractère de cette personne. « L’Histoire expliquée par les Grand Hommes » a mauvaise presse. En outre, si en général on a quelques déclarations sur les motifs officiellement mis en avant pour expliquer des décisions importantes, elles ont précisément le défaut d’avoir été concoctées à notre usage (puisque faites « pour la postérité », et la postérité, c’est nous !) et de passer sous silence précisément les pensées et motivations moins avouables. C’est comme ces portraits de famille qu’on laisse à ses petits enfants, et sur lesquels l’aïeul a toujours l’air noble et bon.
Pourtant, comment ne pas prendre un compte la personnalité d’un roi, quand il a exercé un pouvoir personnel absolu ? Or, en ce qui regarde le Congo, le règne de Léopold II a été de cette nature. Dans l’appréciation des événements de son règne en Belgique, où il fut d’ailleurs le monarque constitutionnel le plus exemplaire de la dynastie, une foule d’événements, de personnes et de mécanismes s’interposait entre le roi et l’événement. Cela ne l’a pourtant pas empêché de manifester, dans certains cas, son mécontentement par de petites cruautés savamment calculées. Je pense ici, par exemple, au renvoi de Beernaert. Au Congo, il a agi seul et a tenu à conserver entre ses mains le contrôle de tous les rouages essentiels. Son pouvoir dans l’EIC était plus absolu que celui de Louis XIV. Si donc l’on considère, avec Michelet, qu’une fistule à l’anus de celui-ci pouvait influer sur sa politique, le même raisonnement s’applique à Léopold II, au moins pour les affaires congolaises.

Léopold II jeune.
Il ne laissera sa célèbre barbe pousser qu’à partir de 1864, en voyage. En effet, cet ornement était proscrit par le règlement de l’Armée belge, dont il était, au moins théoriquement, officier.
Des traits de caractère affirmés
Ce roi a vécu longtemps. 74 ans pour être précis, de 1835 à 1909. C’est un avantage quand il s’agit de se hasarder dans la psychologie d’une personne. La longueur des années permet de faire la distinction entre les tendances durablement implantées et les caprices momentanés.
Il faut d’ailleurs remarquer à ce propos que, si la colonisation était déjà le rêve de jeunesse de Léopold, l’accomplissement de ce rêve a été l’œuvre de sa maturité, et la reprise de la colonie par la Belgique, celle de la vieillesse. Il y a, dans l’histoire de cette dernière période, des épisodes où le roi a des attitudes que l’on ne peut appeler autrement que « des entêtements de vieux monsieur ».
L’obstination était un trait important de son caractère. On dirait volontiers qu’il était têtu comme une mule, si cet animal n’était pas un piètre coursier royal. Obstination ne veut pas dire rigidité. Léopold II était intelligemment diplomate, manœuvrier et tacticien. La duplicité et la pensée à tiroirs multiples ne lui sont nullement étrangères. On le voit au fil du temps opérer des volte-face, se montrer parfois souple. C’est vrai. Il est conscient des réalités et s’y adapte en fin tacticien.
Mais, précisément, c’est de la tactique. La stratégie, la ligne de force qu’il suit, ne change pas. La souplesse de Léopold II, c’est celle de l’homme qui va d’un point à un autre et rencontre un obstacle. Va-t-il le surmonter ? Va-t-il le briser ? Tentera-t-il peut-être de passer au-dessous ? Trouvera-t-il un moyen de le contourner ? Une chose est sûre, il continuera de progresser vers l’endroit où il va ! La souplesse tactique, chez Léopold II, est au service d’une stratégie qui ne varie pas, parce que les objectifs sont fixes, parce qu’ils sont assis sur des certitudes. Et certaines de ces certitudes sont en fait des dogmes.
Il est connu qu’il se battit toute sa vie avec le « pacifisme » de ses ministres pour armer la Belgique et signa sur son lit de mort la loi instaurant le service militaire obligatoire. Ceci parce qu’il prévoyait que la neutralité belge ne serait pas éternellement respectée et que tôt où tard nous ferions les frais d’une guerre entre nos grands voisins. En l’occurrence, les prévisions rationnelles du roi valaient mieux que l’électoralisme à courte vue de ses ministres.
Il mit non moins d’obstination à déshériter ses filles. Il en résulta la « Donation Royale ». Là, son obsession était que les biens des princes mâles resteraient entre des mains belges, cependant que les parts d’héritage revenant aux princesses par le jeu normal de la succession allaient tomber entre les mains des princes étrangers qu’elles épouseraient. Il tenta longtemps, mais en vain, d’y pallier en obtenant le vote, par le Parlement, d’une exception, en ce qui concernait la famille royale, aux dispositions habituelles du code civil [1]
qui aurait avantagé les Princes mâles, puis, en désespoir de cause, créa la Donation Royale. A ce jour les drames familiaux qu’il prévoyait ne se sont pas produits et force est donc de penser que Sa Majesté était à côté de la plaque…
De toutes ses convictions, le fameux « Il faut à la Belgique une colonie », gravé sur le marbre est certes la plus connue. Et, quant au principe de la colonisation, si Léopold II se trompait, il était à tout le moins en bonne compagnie. Beaucoup d’hommes politiques, de chefs d’état et de gouvernement de son époque pensaient comme lui et, quand il mourut, le colonialisme était encore une idée couramment admise et l’anticolonialisme était embryonnaire et, pour ainsi dire, encore dans l’œuf [2].
A première vue, donc, il n’a fait que partager une des idées qui, de son temps, étaient « dans l’air ».
Mais il y a une remarquable continuité, on pourrait même parler de rigidité, des idées de Léopold II sur la colonisation, alors que les idées, sur ce plan là aussi, évoluaient et changeaient. Les premières expressions qu’on en ait conservées datent d’une époque où il avait à peine atteint sa maturité. Quand il est devenu Souverain de l’EIC, il avait 50 ans. Quand il a dû faire face aux révélations de la Commission d’Enquête, il était septuagénaire. Ses idées étaient exactement les mêmes. Il n’avait pas, en vingt ans, bougé intellectuellement d’un iota !
Le Roi considérait comme un fait acquis et démontré, comme une sorte de « postulat d’Euclide de la colonisation », qu’une colonie était toujours une bonne affaire. Si une chose l’étonnait, c’était d’avoir tant de peine à faire partager cette conviction, et par le gouvernement belge, et par les hommes d’affaire de son pays. Il a été le Souverain absolu du Congo. Ce pouvoir personnel, absolu, c’est une chose qu’il n’avait pas voulue à l’origine. Son intention de départ, c’était de donner l’impulsion initiale à un mouvement colonial et colonisateur que les Belges (ceux qui comptent : les gens d’argent) et leur gouvernement suivraient. Dans bien des cas, la colonisation par un état avait pris le relais d’une initiative prise par des hommes d’affaires[ 3].
Disons que Léopold II résolut d’être lui-même cet homme d’affaire, en espérant que très bientôt Léopold Roi des Belges apprendrait que le gouvernement de son pays voulait soutenir les affaires de Léopold le Financier[4].
Sans doute même a-t-il supposé alors que la Belgique, ou les milieux financiers, lui emboîteraient le pas plus rapidement.
En fait, s’il y a bien une chose qu’il n’a pas recherchée, c’est celle qu’on lui reproche pourtant le plus fréquemment : le Congo est « sa chose », son « domaine privé »[5]… Oui, par défaut ! Bien sûr, quand il sera question de reprise, il défendra son pouvoir personnel, auquel il aura fini par prendre goût. L’appétit vient en mangeant ! Toute autre supposition reviendrait à supposer que le Roi prit le départ, pour son œuvre congolaise, dans un état confiant à la folie douce. En fait, en démarrant avec sa seule fortune personnelle pour créer de toute pièce un état de grande taille, il ne pouvait ignorer qu’il allait se trouver rapidement le dos au mur. Ce que coûtent les finances d’un état, il était payé pour le savoir ! Dans son cas, cette formule n’était même pas une image !
Léopold II fut « sur le sable » en 1890. L’héritage de son père – en chiffres ronds, une dizaine de millions – avait fondu. Il fut alors forcé d’emprunter 25 millions à la Belgique. A partir de là, il fut dans la situation d’un endetté aux abois, et cela pour plusieurs années. Il alla, d’ailleurs, jusqu’à des « économies de bout de chandelle » de débiteur aux abois obsédé par la pensée de ses créanciers. Au Palais Royal, les invités s’attablèrent devant des menus de plus en plus sobres ! C’est alors que la hausse fantastique des cours du caoutchouc vint lui sauver la mise… et que le « caoutchouc rouge » marqua son nom d’une flétrissure ineffaçable.

Mais, s’il ne fut pas seul à vouloir coloniser, Léopold II fut obstinément fidèle à l’idée qu’il s’était forgée de la colonisation dans sa jeunesse. Il resta toujours fidèle à la fascination qu’exerça sur lui, alors, son modèle : la colonisation hollandaise de Java[6], alors que les « coloniaux en chambre »[7] belges subissaient avant tout l’influence de la littérature coloniale française, ou du modèle qu’offraient les « Champions de la Colonisation » : les Britanniques.
De ses lectures sur Java, Léopold II avait tiré une certitude inébranlable, une conviction qu’aucune critique ne pouvait entamer, il n’est pas exagéré de dire un dogme. Il était convaincu que posséder une colonie rapporte toujours à la métropole et qu’il doit en être ainsi. Les critiques qui lui furent faites, vers 1900, se basaient, elles, sur l’opinion qui montait alors, parmi les experts en matière coloniale. Les profits coloniaux devaient profiter à la colonie elle-même, non à la métropole, thèse que Léopold II ne voulut jamais admettre.
A ses yeux, les bienfaits apportés par le colonisateur meritaient une « juste récompense » [8]
Ici, comme dans l’admiration pour Java, il resta fidèle aux idées de sa jeunesse, alors qu’autour de lui les conceptions coloniales évoluaient.
Il ne s’agit pas, notons-le bien, de reconstitutions hasardeuses basées sur quelques fragments de documents. Comme les dix dernières années de la sa vie n’ont guère été autre chose qu’une longue suite de polémiques au sujet du Congo, et qu’il était souvent son propre porte-parole, voire son propre polémiste, on a de cette pensée invariable de multiples expressions, tant officielles que privées. Voici ses propres termes : « Soutenir que tout ce que le Blanc fera produire au pays doit être dépensé uniquement en Afrique et au profit des Noirs est une véritable hérésie, une injustice et une faute qui, si elle pouvait se traduire en fait, arrêterait net la marche de la civilisation au Congo. L’Etat qui n’a pu devenir un Etat qu’avec l’actif concours des Blancs doit être utile dux deux races et faire à chacune sa juste part. »
Juste part ? Lorsque Léopold II mourut en 1909, il possédait entre autre des dizaines de propriétés immobilières à Bruxelles, l’équivalent de plusieurs dizaines de millions dans une « Fondation de Niederfulbach » en Allemagne, des propriétés sur la Côte d’Azur. L’état belge récupéra la majeure partie de ces fonds, contrairement au Congo, qui n’en a pas vu un franc.
Etant ainsi établi que Léopold II était fidèle, constant et même obstiné dans ses convictions, qu’en était-il de ses convictions religieuses ?
Léopold II âgé.
En 1831, le Gouvernement Provisoire avait offert la couronne du nouvel état belge à Léopold de Saxe-Cobourg Gotha, prince luthérien. Mais on l’avait marié avec Louise-Marie d’Orléans, princesse catholique. Cela permettait au Roi de ne pas se convertir et garantissait que les rois des Belges suivant seraient élevés dans la religion catholique. Il s’agissait, à la fois, de manifester à la face du monde que la Révolution belge n’était pas un mouvement républicain, voltairien et athée, et de conformer l’appartenance religieuse de la royauté à la même église que le peuple et surtout la bourgeoisie belges. Il ne fait aucun doute que la Reine Louise-Marie, qui eut la haute main sur l’éducation de ses enfants, était une catholique fervente et que l’éducation des Princes fut rigoureusement chrétienne.
Officiellement, donc, la famille royale belge est catholique et manifeste, aux grandes solennités, son appartenance à cette église. Certains usages, même, sont de nature à faire froncer le sourcil à ceux qui tiennent à la séparation de l’Eglise et de l’Etat, comme par exemple le « Te Deum » de la fête de la Dynastie. Le fait, donc, que Léopold II ait participé à un certain nombre de cérémonies de ce culte, signifie simplement qu’il faisait son boulot. Cela n’a pas grande signification quant à sa vie personnelle.
Certains épisodes de sa vie privée ont mérité la qualification de « pas très catholiques », et inspiré à certains l’idée que l’auteur de ces actes ne devait pas l’être très fort lui-même… L’argument est des plus faibles ! Il y aurait même quelque hypocrisie à « chercher la femme » pour établir l’incroyance, comme si, en cherchant chez les catholiques, on ne la trouvait jamais !

L’avis du baron Carton de Wiart, qui fut son dernier secrétaire, était que le roi, comme bien d’autres, avait des convictions, mais ne les suivait pas toujours… En d’autres mots, il trouvait la vertu bien belle, mais le péché si doux…
Un indice important dans ce sens est son mariage in articulo mortis avec la baronne Vaughan[ 10]
(photo ci-contre). Ce sacrement n’avait d’autre effet que spirituel puisqu’il ne s’accompagnait d’aucun acte civil. Il ne changeait rien au statut de la dame, qui fut chassée comme une malpropre dès le dernier soupir rendu. Le souci qu’eut le roi, jusque dans son agonie, ne pouvait avoir qu’un sens : régulariser afin d’obtenir le pardon divin pour leurs péchés à tous deux.
D’autre part, la reine Victoria qui, comme on sait, était une grande épistolière et échangeait une abondante correspondance avec son oncle, Léopold I°, adressa des mises en garde à celui-ci au sujet du fanatisme religieux de son fils et héritier. « Léo est terriblement intolérant », écrit-elle à ce propos.
Soit dit en passant, à l’usage des lecteurs qui ont peu lu de documents du XIX° siècle, le mot « intolérant » est à prendre dans un sens très fort, et ceci vaut pour tous les camps en présence. L’invective, raide et verte, sévissait journellement dans les journaux entre les tenants de « l’obscurantisme » et ceux des « lumières » et, en période électorale, envahissait les murs à coup d’affiches[11]. Traiter l’adversaire de « légume nauséabond » était une bagatelle, presque une gâterie ! Ajoutons encore que, du côté chrétien, si bien entendu on vouait les libres penseurs à la rôtissoire de Satan, on n’était pas plus tendre pour les autres églises chrétiennes. Dans chaque église, c’était « Hors de l’Eglise, point de salut ! » Il faut donc prendre le mot de Victoria[12] dans un sens très fort.
Compte tenu de ce qui précède, je veux dire la tendance de cet homme à ne pas changer d’opinion, on est en droit d’admettre comme une hypothèse douée de bonnes chances d’être vraie, l’idée que les convictions de Léopold II, « intolérantes » dans sa jeunesse et encore capables de le mouvoir sur son lit de mort, n’ont guère dû varier durant sa vie !
La Reine Victoria à 18 ans
Cela admis, quelles en sont les conséquences pour la politique de Léopold II au Congo ?
Rôle supplétif
Avant la reprise du Congo par la Belgique, celle-ci et l’EIC sont deux états différents. C’est entendu. Encore faudrait-il, tout de même, ne pas se comporter comme s’ils avaient été situés sur deux planètes différentes[13] ! Léopold II fut fatalement influencé, dans ce qu’il décida pour le Congo, par des idées qu’il puisait dans son environnement immédiat, c’est-à-dire en Belgique.
Or, les premières années de son règne sont marquées par une « guerre scolaire ». C’était là un événement récurrent dans la vie politique belge, jusqu’au Pacte scolaire de 1959, qu’on a appelé « un armistice noyé dans les subsides ».
Jean Luc SOETE[14] en décrit l’origine de la manière suivante : « Au XIXe siècle, dans la lutte qui divise les libéraux et les catholiques sur le terrain de l’enseignement primaire, ce qui passionne le plus les deux adversaires, ce qui excite le plus leur ardeur et leur acharnement, c’est le désir de voir se perpétuer leur projet de société dans les générations qui se lèvent, de former des prosélytes en plus grand nombre possible pour assurer le triomphe définitif de leurs idées et la suprématie de leur opinion. Après la période d’unionisme, les deux partis antagonistes se sont résolus à signer un compromis: la loi de 1842[15]. Transaction opportuniste entre des principes apparemment incompatibles, la loi de 1842 est un compromis entre la thèse libérale de la primauté du pouvoir civil et du monopole d’Etat dans l’instruction publique et la thèse catholique de l’incompétence ou du rôle supplétif de l’Etat dans l’organisation scolaire considérée comme une affaire purement privée. Aux catholiques, elle reconnaît l’obligation de l’enseignement religieux et moral ainsi que la faculté laissée aux communes d’adopter une école privée. Aux libéraux, elle donne la satisfaction de voir l’Etat, organisateur de l’enseignement, capable d’instaurer une école communale là où l’initiative privée fait défaut. La majorité des communes recourt à l’adoption ce qui entraîne une confessionnalisation de l’enseignement primaire qui déplaît aux libéraux. Les catholiques se montrent insatisfaits de la fragilité des garanties reçues. L’idée d’une révision voit le jour dans les deux partis. ». Transaction opportuniste entre des principes apparemment incompatibles, la loi de 1842 est un compromis entre la thèse libérale de la primauté du pouvoir civil et du monopole d’Etat dans l’instruction publique et la thèse catholique de l’incompétence ou du rôle supplétif de l’Etat dans l’organisation scolaire considérée comme une affaire purement privée. Aux catholiques, elle reconnaît l’obligation de l’enseignement religieux et moral ainsi que la faculté laissée aux communes d’adopter une école privée. Aux libéraux, elle donne la satisfaction de voir l’Etat, organisateur de l’enseignement, capable d’instaurer une école communale là où l’initiative privée fait défaut. La majorité des communes recourt à l’adoption ce qui entraîne une confessionnalisation de l’enseignement primaire qui déplaît aux libéraux. Les catholiques se montrent insatisfaits de la fragilité des garanties reçues. L’idée d’une révision voit le jour dans les deux partis. ». Transaction opportuniste entre des principes apparemment incompatibles, la loi de 1842 est un compromis entre la thèse libérale de la primauté du pouvoir civil et du monopole d’Etat dans l’instruction publique et la thèse catholique de l’incompétence ou du rôle supplétif de l’Etat dans l’organisation scolaire considérée comme une affaire purement privée. Aux catholiques, elle reconnaît l’obligation de l’enseignement religieux et moral ainsi que la faculté laissée aux communes d’adopter une école privée. Aux libéraux, elle donne la satisfaction de voir l’Etat, organisateur de l’enseignement, capable d’instaurer une école communale là où l’initiative privée fait défaut. La majorité des communes recourt à l’adoption ce qui entraîne une confessionnalisation de l’enseignement primaire qui déplaît aux libéraux. Les catholiques se montrent insatisfaits de la fragilité des garanties reçues. L’idée d’une révision voit le jour dans les deux partis. ».
Aux Congrès de Malines de 1863, 1864 et de 1867[16], les catholiques définissent leur programme. Ils désirent la rénovation de la société par l’esprit religieux et la défense de l’Eglise sur le plan politique. Ils souhaitent la généralisation de l’enseignement privé adopté et affirment le rôle supplétif de l’Etat. Pour les ultramontains, « l’Etat hors de l’école » parait la seule thèse acceptable[17].
Les escarmouches préliminaires, le texte même de la loi Van Humbeeck et ce qui s’ensuivit ne nous intéressent pas ici. Par contre, on y voit apparaître une notion importante, celle de « caractère supplétif ».
Cette notion traverse tout le siècle, dont un des problèmes qui le préoccupe est de délimiter la sphère « légitime » de l’intervention de l’Etat. Celui-ci était assez embryonnaire sous l’Ancien Régime, où l’on considérait comme normal que l’Education, la Santé et ce qui est aujourd’hui du ressort des CPAS relevât de l’Eglise. Depuis la Révolution française, il étend beaucoup plus largement sa sphère d’activité. Il semble avoir atteint un sommet vers le milieu du XX° siècle, et reculé depuis lors.
A peu près dans toutes les écoles de pensée, qu’elles soient philosophique et politique, on a délimité certains terrains, chasses gardées de l’initiative privée, sur lesquels l’Etat ne saurait empiéter. L’ennui (on s’en doute bien, sans quoi il n’y aurait point eu dispute) c’est que ces « champs sacrés inviolables » ne sont pas les mêmes d’un parti à l’autre.
L’économie libérale avait commencé par faire sienne la formule de Brissot « En matière d’économie, tout ce qu’on peut dire de l’Etat, c’est qu’il ne saurait, en aucun cas, intervenir ».On avait déchanté, entre autres à propos de chemins de fer ! S’il s’était trouvé des entrepreneurs pour en construire dans le plat pays flamand, où la pose des voies rencontrait peu d’obstacles et où la consommation d’énergie était modérée donc la rentabilité vite atteinte, il fallut créer les « Chemins de Fer de l’Etat » pour attaquer les reliefs tourmentés de la Wallonie, alors même que c’était d’une liaison entre la mer et l’industrie wallonne que le pays avait avant tout besoin. On parlera plus tard de « privatisation des bénéfice et socialisation des pertes ». Sur le moment il fut question du « rôle supplétif » de l’état, autorisé à sortir de sa sphère quand des besoins collectifs évidents n’étaient pas satisfaits par l’initiative privée.
On ne peut que constater une chose, le milieu catholique belge, auquel appartenait le Roi, était alors soit entièrement hostile à l’existence même d’un enseignement officiel (c’est la thèse ultramontaine : « L’Etat hors de l’école »), soit tout juste disposé à tolérer son intervention « supplétive ». Encore faisait-on des pieds et des mains pour le priver de toute occasion de « suppléer », en bâtissant des écoles à tour de bras. Le souci de « l’âme de l’enfant » se manifestait, chez le catholique belge, au moyen de la fameuse brique qu’il a dans le ventre !
Il faut mentionner encore, à ce propos, un détail de la « guerre scolaire » des années 1870, qui semble avoir eu, quelques années plus tard, des « retombées » coloniales.
La guerre scolaire déclencha, comme on l’a dit, une grande frénésie de construction d’écoles chez les catholiques. A Rumillies, le comte Albert de Robiano (qui fut le grand organisateur de la « résistance » catholique dans le Tournaisis et même au-delà) décida d’ériger à ses frais une école libre. Une famille du village fit don du terrain[18]. Œuvre de l’ingénieur Cloquet[19], l’école est de style néo-gothique, sans doute sous l’influence du baron de Bethune[20]. Le bâtiment comprenait une habitation pour l’instituteur et deux classes. Il était conçu de telle manière qu’il pourrait être transformé en hospice[21] . Cette école respectait toutes les prescriptions légales[22] mais, bien sûr, au plus juste. De plus, son coût relativement faible : 11.000 francs[23] répondait aux exigences des petits "budgets de guerre"[24]. Ce premier bâtiment servira ensuite de modèle pour beaucoup d’autres écoles, dans nombre de petites communes rurales. Mais tout qui a visité, fût-ce brièvement, le Congo, aura aussi remarqué que la définition « bâtiment scolaire néo-gothique réalisé à bas prix »[25] est la définition même de beaucoup d’écoles missionnaires !
Pour revenir au fond du débat, ces combats autour de l’école cristallisent un conflit sur un choix de société. Dans le dernier quart du XIX° siècle, les nouvelles formes économiques, sociales et politiques que revêt la société suscitent, chez tous ceux qui sont attachés à l’ordre ancien, ou qui souffrent des changements, l’anxiété, la peur ou la colère : nouveaux modes de vie qu’engendrent le progrès technique et la société industrielle, exode rural et exploitation ouvrière, difficultés causées aux entrepreneurs et aux commerçants par le capitalisme en plein développement, par « la dure loi des banques », la misère des uns et la ruine des autres, l’écrasement de tous par un système économique inhumain et insolent. Pour certains, les causes de ces maux sont dans le refus de Dieu, dans le principe de laïcité, dans la destruction des vertus chrétiennes et l’ébranlement de l’influence catholique[26], dans les valeurs libérales qui caractérisaient le siècle des lumières, dans l’utopisme dont s’était nourrie la pensée européenne jusqu’à la Révolution, la souveraineté de la science et de la raison, la foi dans le progrès nécessaire des sociétés. Provenant de couches sociales très diverses, ces réactions n’ont pas de cohérence. Les unes viennent de forces vraiment conservatrices et nostalgiques de l’Ancien Régime, des valeurs et des hiérarchies regroupées autour du Trône et de l’Autel. D’autres traduisent seulement la peur des bouleversements qu’imposent la société industrielle et la concentration urbaine.
L’école est un enjeu parce qu’elle transmet des valeurs, et qu’il faut savoir si ce seront les valeurs anciennes (vite vues comme « éternelles ») ou au contraire les nouvelles. Dès lors, comme le dit Soete, ce qui excite le plus leur ardeur et leur acharnement, c’est le désir de voir se perpétuer leur projet de société dans les générations qui se lèvent, de former des prosélytes en plus grand nombre possible pour assurer le triomphe définitif de leurs idées et la suprématie de leur opinion.
Dans l’idée que les Libéraux se font de l’Etat, celui-ci doit être le Grand Educateur, afin de répandre les vérités nouvelles. Pour les Catholiques, au contraire, il doit être, en matière éducative, tout au plus un bouche-trou, car l’école doit au contraire redorer le blason des vérités « éternelles » dont les dépositaires sont les membres du clergé. On ne peut exclure que le roi, dont on peut raisonnablement penser qu’il était, sinon un catholique exemplaire, du moins un catholique croyant, ait partagé ces vues d’intervention minimum de l’Etat dans l’enseignement, qui étaient celles de ses coreligionnaires. Et, en tous cas, il n’oubliera certainement pas que c’était là l’option de base d’une partie de l’opinion auprès de laquelle il sera amené à chercher le soutien de sa politique coloniale, et aussi du parti qui sera presque constamment aux affaires pendant toute la partie « congolaise » de son règne.

Une salle de classe au XIX° siècle
En effet, il faut prendre très au sérieux, dans la dénomination « Etat Indépendant du Congo », le mot « état ». Léopold II eut à cœur, dès 1885, de donner à son EIC les apparences d’un état complet, moderne, avec tous ses organes ayant au moins l’apparence de fonctionner. Cela signifie surtout que l’EIC eut un organigramme complet, même aux pires périodes d’impécuniosité du Roi, quand le nombre de postes effectivement occupé par l’Etat, au-delà des cataractes, se trouva réduit à… trois !
Félicien Cattier fit paraître Droit et Administration de l’État Indépendant du Congo en 1898, dans lequel il admire l’édifice juridique de l’EIC, mais souligne aussi ses failles : insuffisances du statut des fonctionnaires[27], danger de l’organisation du système, absence de réglementation de l’impôt pouvant conduire à tous les excès. Il intervint également dans Le Petit Bleu en 1899, en vue de dénoncer les abus.
Ce n’était pas là un jeu gratuit, ni un coup spontané d’esbroufe (encore que Sa Majesté fût bien capable de l’un comme de l’autre). La Conférence de Berlin avait en effet stipulé que les revendications territoriales en Afrique devraient s’appuyer dorénavant sur une possession réelle et un contrôle véritable des régions revendiquées[28]. Il ne suffisait donc plus d’avoir planté son drapeau. Il fallait avoir véritablement le contrôle et de ses possession et les administrer, ou au moins en avoir l’air…
En pratique, un peu suivant le principe qu’une boutique n’est jamais vraiment tout à fait minable si elle a au moins une vitrine qui en jette, l’Etat Indépendant du Congo eut donc un organigramme très « à la page », avec par exemple un pouvoir judiciaire et un Procureur de l’Etat, siégeant à Boma, censé veiller au respect de la Loi sur un espace sans routes, grand comme 80 fois la Belgique, et ne disposant d’aucun agent de police…
Moi-même, j’ai écrit à ce propos : « La fonction de Cd est un véritable métier d’homme orchestre puisqu’il est censé exercer toutes les fonctions administratives, judiciaires, fiscales, etc… sur le territoire relevant de sa juridiction. Encore en 1908, l’inspecteur d’Etat Mahieu constatait, à propos du poste de Kanda-Kanda (Lualaba-Kasaï) : ‘le chef de poste est un sous-officier de l’armée belge qui n’assiste qu’aux séances de tir faute de temps… Il est non seulement chef du détachement et du poste, mais officier de police judiciaire, officier d’Etat-civil, chargé de la perception des prestations et du service des transports’[30]. Précisons que l’administration de l’EIC était, même en ces temps héroïques, extrêmement paperassière… »[31]
On ne s’étonnera donc pas d’apprendre que le commissaire de district s’occupait uniquement des grandes lignes politiques. C’est-a-dire qu’il s’en mêlait le moins possible et recevait les rapports politiques mensuels quand on pensait à les lui envoyer. Cette formalité ne s’accomplissait pratiquement jamais.
Bref, en réalité, on eut affaire à un simple décor de théâtre[32], au sujet duquel Félicien Cattier écrivait en 1906 : « La vérité est que l’Etat du Congo n’est point un Etat colonisateur, que c’est à peine un état : c’est une entreprise financière… La colonie n’a été administrée ni dans l’intérêt des indigènes, ni même dans l’intérêt économique de la Belgique ; procurer au Roi-Souverain un maximum de ressources, tel a été le ressort de l’activité gouvernementale »[33]
A l’époque de l’AIA ou dans les premières années de l’EIC, on n’en est cependant pas encore là, et Léopold II va, pendant des années, présenter en vitrine, en particulier aux Belges, le bel organigramme de son Etat Indépendant du Congo, véritable état « comme en Europe »…
De plus, surtout à partir de la « croisade antiesclavagiste » (cfr infra) , c’est avant tout sur l’opinion catholique qu’il va s’appuyer. Autant donc lui présenter cet Etat comme inspiré de bons principes, c’est-à-dire laissant « l’âme de l’enfant » entre les mains des missionnaires…
Pourtant, curieusement, le début de son aventure africaine provoquera un cri d’alarme dans l’Eglise !

Armoiries de l’Etat Indépendant du Congo
Guy De Boeck
Bruxelles
Beni-Lubero Online
( A suivre)
[1] Cela donna lieu à des échanges épistolaires aigre-doux, le Chef du Cabinet écrivant pour demander au Roi s’il voulait voir une princesse déshéritée obligée de s’établir couturière ou modiste, et Léopold II répliquant qu’il voyait en pensée un prince royal établi « cordonnier à Laeken avec pour enseigne ‘A l’Imprévoyance de mes Ancêtres ‘ »
[2] A condition qu’on ne donne le nom d’anticolonialisme qu’à une école de pensée qui considère la colonisation, en elle-même, comme un MAL, parce qu’elle fait fi du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et revient au pillage, par le plus fort, du plus faible qu’il domine. Il ne s’agit donc pas de combattre l’idée coloniale parce qu’elle coûterait trop cher à la métropole, d’en réprouver uniquement les excès ou de proposer une méthode de colonisation plus douce ! Dans ce sens restreint, ni Georges Lorand, ni Edmund Morel, ni Vignier d’Octon ne sont de vrais anticolonialistes.
[3] Ce fut notamment le cas des Indes, où la Grande-Bretagne prit le relais de la East India Company,après la révolte de 1857, de l’AfriqueOrientale Allemande où le Kaiser dut reprendre, de façon assez similaire, la situation laissée par la DOAG (Deutsche Ost-Afrikanische Gesellschaft)
[4] Et c’est précisément de ce CUMUL que vont sortir les atrocités du « système léopoldien. Léopold II actionnaire principal des compagnies, va leur faire exploiter les Congolais avec l’appui de l’Etat, qui est soumis à son autorité absolue, libre de toute espèce de contrôle.
[5] On a abusé de cette solitude dans deux sens opposés. Certains ont sculpté, à la gloire de la Dynastie, la statue du « géant solitaire » qui avait attendu pendant plus de vingt ans que la Belgique comprenne sa grande œuvre coloniale. Puis, quand on s’est résigné à évoquer le vrai visage de la colonisation, on l’ fait en traçant une frontière infranchissable. Avant 1908 : les crimes de Léopold II, imputables a lui seul ; après 1908, les bienfaits de la Belgique. Faut-il le dire, tout cela manquait un peu de nuances !
[6] Système qui est décrit dans un classique de la littérature néerlandaise : « Max Havelaar » de Multatuli (Edward Douwes Dekker)
[7] Ces termes ne sont, à l’époque, nullement péjoratif. Ils s’appliquent alors à toutes les personnes qui s’intéressent, de façon théorique ou scientifique, à la colonisation.
[8] On se battit ferme, pendant et après la reprise du Congo par la Belgique, autour de cette notion, entre le Roi d’une part, le Gouvernement et le Parlement d’autre part. Et il faut bien reconnaître que, si le Roi avait les doigts crochus et lâchait difficilement prise, il défendait moins ses intérêts (il ne lui restait d’ailleurs plus longtemps à vivre) que son grand programme de constructions et d’embellissements, pour lequel il craignait la pusillanimité et les vues étriquées de la Belgique. Léopold II fut en partie ce personnage paradoxal : un pillard désintéressé.
[9] Lettre aux Secrétaires Généraux du 3 juin 1906, in Baoni, Annexe VIII page 384. (Comme souvent, la date est fausse. Matériellement, la lettre n’a pu être achevée avant le 4 juin. Mais il plaisait à Léopold II de la dater de ce jour-là, qui était celui de la Pentecôte) Stengers, op.cit., page 73
[10] Il n’y en a pas de traces documentaires. Mais on sait que le prélat accourant pour les dernier sacrements rencontra sur la route le curé de Laeken qui lui dit que « tout est en ordre ». Pour un couple de pécheurs publics, cela ne peut avoir qu’un sens !
[11] Or, pendant tout le régne de Léopold II, les élections opposaient presque toujours la Droite catholique à la Gauche libérale, puis libérale et socialiste. La religion (souvent d’ailleurs sous le forme d’âpres polémiques au sijet de lenseignement) était donc souvent au centre du débat.
[12] Et peut-être rappeler aussi que l’Eglise d’Angleterre, dont elle était le chef, ne trouvait pas « intolérant » alors encore de fermer certaines fonctions publiques aux catholiques.
[13] Dans le même ordre d’idées, si beaucoup d’ouvrages sur le Congo belge mentionnent la levée de boucliers missionnaires qui accueillit les écoles du ministre Buisseret, on mentionne rarement que Buisseret était ministre dans le gouvernement Collard, contre lequel se déclencha, en Belgique, la « guerre scolaire » de 1954. Il est évident que les événements de la colonie et ceux de la métropole ont, dans un cas pareil, interagi.
[14] La résistance catholique face à la loi VAN HUMBEECK dans l’arrondissement de Tournai (1878-1884) BTNG-RBHC, 11, 1980, 1-2, pp 119-169
[15] Cf. le texte de la loi du 23 septembre 1842 : Moniteur belge, 24 septembre 1842, pp. 1-2;Pasinomie, 3e série, XII, 1842, pp. 463-468. Sur la loi proprement dite et sur ses répercussions, cf. J. LORY, Les libéraux et la réforme de l’Instruction primaire en Belgique, de la loi de 1842 à la loi de 1879. Introduction à l’étude de la "guerre scolaire" de 1879 à 1884, dissert, dactyl., Louvain, 1971, passim (publié sous le titre : Libéralisme et instruction primaire, 1842-1879. Introduction à l’étude de la lutte scolaire en Belgique, 2 vol., Louvain, 1979 (Recueil de travaux de Philologie et d’Histoire, 6e série, fascicules 17-18).. A. MELOT, "L’enseignement en Belgique depuis 1830", Histoire de la Belgique contemporaine, 1830-1914, III, Bruxelles, 1930, pp. 24-28; A. SIMON, Le Cardinal Sterckx et son temps, I, Wetteren, 1950, pp. 365-400; P. GOUY, La guerre à l’enseignement chrétien en Belgique, nouvelle législation de l’enseignement primaire et mouvement dans les écoles catholiques libres, Paris, 1880, pp.13-57; P. VERHAEGEN, La lutte scolaire en Belgique, Ire éd., Gand, 1905, pp.1-53 et 2e éd., Gand, 1906, pp. 21-40.
[16] Léopold II, peut-être est-il bon de le rappeler, monta sur le trône en décembre 1865.
[17] En 1867, conséquence du renforcement de l’influence de l’Etat dans l’enseignement primaire, de l’action des groupes de pression laïques et de l’appui indirectement fourni par l’encyclique Quanta cura et le Syllabus aux tendances ultramontaines en matière scolaire, la thèse du "rôle supplétif" perd manifestement du terrain au profit de "l’Etat hors de l’école".
[18] Cf. ARCH. CROIJ, A5 varia I, Intérêts catholiques, lettre de Alphonse Martin à Albert de Robiano du 5 septembre 1879.
[19]CLOQUET (Louis), né à Feluy, le 10 janvier 1849 et décédé le 11 janvier 1920. Ingénieur honoraire des ponts et chaussées des Ecoles spéciales du génie civil de Gand. Voir sur ce personnage : R. CAMPUS, "Louis Cloquet", dans Biographie Nationale, XXIX, 1957, col. 458-461. Sur la construction de l’école de Rumillies, cf. : ARCH. CROIJ, A5 varia I, Intérêts catholiques, lettre de M. de Bruynfer, entrepreneur à Ledeberg, au comte de Robiano.
[20] (91) BETHUNE (Jean-Baptiste, baron de), ne’ à Courtrai, le 25 avril 1821 et décédé à Marke, le 18 juin 1894. Protagoniste du style néo-gothique en Belgique. Cf. J. LAVALLEYE, "Je an-Baptiste de Béthune", dans Biographie Nationale, XXXVII, 1971-72, col. 56-60; L. DE VLIEGHER, "Béthune, Jean de", dans Nationaal Biografisch Woordenboek, I, 1974, col. 188-191; J. UYTTERHOEVEN, "Baron J.-B. de Béthune en de neogotiek", Handelingen van de Koninklijke Geschied- en Oudheidkundige Kring van Kortrijk, XXXIV, 1965, pp. 3403; C. BELIEN, De beginselen van de neogotiek, mem. dactyl., Leuven, 1957
[21]Cf. P. VERHAEGEN, op.cit., Ire éd., 1905, p.208 et 2e éd., 1906, p. 129.
[22]Cf. Bulletin des écoles catholiques, 11.9.1879, p. AS; Ibidem, 29.9.1879, pp. 57-58. Sur le Bulletin des écoles catholiques, voir : M. DE VROEDE, Bijdragen tot de geschiedenis van het pedagogisch leven in België — Deel II : De periodieken 1878-1895, Gand-Louvain, 1974, pp. 83-84.
[23] Un franc or équivaut à environ six euros.
[24] Cf.Bulletin des écoles catholiques, 29.9.1879, pp. 57-58.
[25] Qu’on me comprenne bien. Ni les bâtiments « Cloquet », ni les constructions missionnaires n’étaient des cahutes ou des taudis. Mais ils répondaient à des impératifs de coûts minimum, alors que, à la même époque, les constructions officielles, empruntes d’un certain triomphalisme et de l’idée que l’école laïque était le « temple des Lumières » étaient des bâtiments coûteux et non dépourvus d’une certaine prétention. "… L’école est le sanctuaire démocratique, car la démocratie que chacun réclame n’est possible et vraie que si elle est éclairée…". Cf. La Vérité, 28.12.1883, p.l, col.3-4. Pour les libéraux, ces constructions grandioses et asymétriques évoquent les cathédrales médiévales. La construction d’une école officielle coûte, en moyenne, 27.000 francs. Cf. Rapports de la deputation permanente du Hainaut de 1879 à 1884. SOETE, op.cit, p. 142
[26] Ce qui devait être d’autant plus sensible que, au milieu du siècle, on vécut l’alternance au pouvoir de majorités catholiques et libérales, l’une détruisant systématiquement l’ouvrage de l’autre. Léopold II lui-même commenta la chose en disant qu’il avait des gouvernements « libéraux qui se conduisaient comme s’il n’y avait plus un catholique en Belgique, puis catholiques qui agissaient s’il n’existait plus de libéraux (Emerson, op.cit.)
[27] Les fonctionnaires, y compris les magistrats, n’étaient engagés qu’à terme, exactement comme les employés du secteur privé. C’était donc pire que la révocation « ad nutum » : il suffisait de ne pas renouveler le contrat des « empêcheurs de danser en rond » parvenus en fin de terme.
[28] Ces dispositions de l’Acte de Berlin avaient surtout pour but de « dégonfler » les prétentions du Portugal, qui montrait un grand appétit pour l’hinterland à partir de la possession de quelques ports alors que cet état déliquescent n’était plus guère en état de conquérir ou contrôler quoi que ce soit. Y avait-il un quelconque contrôle du respect des exigences de l’Acte, ou un système de sanctions ? Il n’y a rien d’aussi explicite dans les textes. Mais il est vrai aussi que, précisément à propos de l’EIC, au moment des scandales du « caoutchouc rouge », des voix se sont élevées pour réclamer l’intervention des Puissances signataires de l’Acte de Berlin, considérant que le Congo avait été « confié à Léopold II par les Puissances ».
[29] Commission d’Enquête :PV (no 12, AE 349-I) du 18 octobre 1904 à Boma; Témoin Stanislas Lefranc, 46 ans, Substitut faisant fonction de Procureur d’Etat à Boma
[30]FP page 69
[31]BAONI, page 38.
[32] Et parfois au sens propre. Les photos du XIX° siècle sont toujours « posées » : il fallait un moment d’immobilité pour obtenir l’image, d’où l’apparence figée des personnes qui y figurent. Mais cela encourageait à la mise en scène. Les messieurs ont l’air grave et nobles, et son entourés des attributs de leur fonction, de préférence dans un bureau, etc… Or, on se rend parfois compte, en comparant les dates, que le bâtiment n’était pas encore construit et que l’homme posait sans doute bien dignement, devant une oile peinte sans doute tenue par deux Congolais qui devaient se marrer ferme !





