





Il y a une histoire d’après laquelle, un jour, Mobutu, alors président de la République du Zaïre, appela les gens de son entourage pour un test. Il leur montra l’eau du fleuve et leur dit que l’eau était devenue verte. La majorité de ses « acolytes » qui étaient soumis au test s’exclama et dit : oh oui, Monsieur le Président, en effet l’eau est devenue verte ! Un seul parmi ces hommes prit le courage de dire : non, Monsieur le Président, l’eau n’a pas changé de couleur, elle est toujours la même. Mobutu limogea immédiatement ceux qui l’avaient soutenu dans son erreur et leur dit : voilà comment vous m’avez aidé à gouverner le pays. Vous m’avez aidé à tromper le peuple et non à le servir dans la vérité.
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Le plus important dans cette histoire n’est pas que Mobutu ait dit toutes ces paroles qui lui sont attribuées ici. Le message est clair en ce jour d’élections en République Démocratique du Congo. Le vote ne sera pas décisif à cause de ce que les grands de la cour 1+4 auront dit ou fait. Le vote sera décisif à cause de la voix de chaque citoyen qui aura voté, tout citoyen, si petit, si pauvre qu’il soit. Chaque voix compte dans l’exercice auquel se consacrent les congolaises et congolaises en ce jour. Le vote sera décisif dans la mesure où chaque personne aura voté selon sa conscience, et non selon ce qu’on lui aura dicté. L’eau ne change pas de couleur pour toute une république à cause du défaut des lunettes de ses dirigeants. Et si par malheur le Président voit rouge ce qui est bleu, il nous faudra des personnes capables de lui dire la vérité : non, Monsieur le Président, l’eau n’a pas changé de couleur ! Ces personnes ne viendront pas de l’extérieur, mais bien de son entourage. Ces personnes seront tous les congolaises et congolaises par la voix de ce qui vont les représenter.
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Il est donc important de noter que ce jour d’élections démocratiques en République Démocratique du Congo n’est pas une fin en soi. Il s’agit du début d’un long processus, non seulement pour ceux qui seront élus, mais pour tous les citoyens. Par le vote, nous exprimons notre souveraineté comme peuple. Par le vote, nous confiions à quelques représentants que nous choisissons la responsabilité d’organiser le bien commun. Par le vote, le peuple ne se débarrasse pas de sa souveraineté ni de sa responsabilité. Il serait donc faut de penser que notre devoir de citoyen s’achève avec l’acte de voter. Au contraire, avant, pendant et après les élections, la souveraineté appartient au peuple. Pour cela, les congolaises et congolaises sont appelés à constituer à contre-pouvoir dès le lendemain des élections pour s’assurer que celui qui sera élu gouverne selon notre contrat commun qui s’appelle Constitution. Si on peut comparer le contrat entre le peuple et son président avec le contrat du mariage (il s’agit uniquement d’une comparaison !), le devoir de la population après les élections consistera à veiller à ce que chaque partie reste fidèle à ses engagements. Le mariage ne s’achève pas le jour du mariage, nous le savons tous. Il commence avec les promesses des mariés. Mais il y a une différence. Alors que le mariage est indissoluble, selon sa compréhension dans le christianisme, le peuple peut décider de mettre fin au contrat avec ses chefs si ces derniers ne respectent pas leurs engagements.
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Par le vote de ce jour, les congolaises et congolais ne se débarrassent pas de leur souveraineté ni de leur responsabilité. Au contraire, comme peuple, tous s’engagent, d’une part, à soutenir le nouveau leader dans la tâche de reconstruction du pays et d’autre part ils s’engagent à dire au chef que l’eau n’a pas changé de couleur chaque que les lunettes du chef en question auront besoin de correctif. Le rôle d’un contre-pouvoir ne consiste donc pas à boycotter (qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende !) le processus que nous aurons inauguré aujourd’hui, mais plutôt à l’accompagner pour qu’il se déroule selon la base de notre contrat, la Constitution. Pour cela, il n’est pas tard de lire ou relire la Constitution qui va gouverner la nouvelle République. Au contraire, le vote décisif serait trahi si le peuple oubliait son devoir de continuer à se former en permanence. S’il y a un souhait à formuler en ce moment c’est le souhait de voir les ateliers de formation continuer et même s’intensifier pour que, plus qu’avant les élections, tout congolaise ou congolaise connaisse ses droits et ses obligations. Cette formation permanente de la conscience politique du peuple est une condition nécessaire pour notre participation à la réalisation du bien commun. Avec le vote de ce jour, c’est donc un long processus qui commence ! Engageons nous donc dans ce processus, non comme des boycotteurs, mais comme un peuple éduqué pour défendre ses droits et accomplir ses devoirs.
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Syauswa Musondoli , SJ
Kinshasa
Beni-Lubero Online





