





Du Carnet de Colette Braeckman du 30 Décembre 2015 :
« Actuellement encore, c’est l’Ouganda qui héberge ce qui reste du mouvement rebelle M23, des Tutsis congolais qui furent défaits en 2012 après avoir occupé de larges zones du Nord Kivu voisines de la frontière. Durant des années, le contrôle de la frontière entre l’Ouganda et le Nord Kivu échappa à l’Etat congolais, ce qui permit le fructueux transit des produits miniers et des denrées agricoles. De tous temps, les Nande, l’un des groupes ethniques les plus industrieux et les plus prospères du Nord Kivu, ont été les meilleurs alliés de l’Ouganda et l’un de leurs chefs politiques, Mbusa Nyamwisi, aujourd’hui opposé à Kinshasa, a établi sa base arrière en Ouganda. L’ingérence militaire et politique de l’Ouganda au Nord Kivu, qui se traduit par des bénéfices économiques évidents, est souvent justifiée par la nécessité de mettre hors d’état de nuire le mouvement rebelle ougandais ADF Nalu, qui se présente comme islamiste et lié aux shebabs somaliens. Mais en réalité, les combattants des ADF Nalu se montrent plus cruels, plus acharnés du côté congolais de la frontière qu’en Ouganda leur pays d’origine. C’est aux environs de Beni qu’ils multiplient les décapitations et entretiennent une instabilité chronique qui empêche la reconstruction de l’Etat congolais. »
Une lecture critique des affirmations de Colette Braeckman
Le peuple Nande est depuis 1996 victime d’un génocide perpétré par une force d’occupation dirigée par le Rwanda, opérant sous des prête-noms des rebellions des pays voisins (ADF/NALU, FDLR, LRA, Mbororo), des milices locales (Mai-Mai, NYATURA, NDC, PARECO, UPDI), et jouissant de la complicité des éléments infiltrés dans l’armée, la police, l’ANR, et le gouvernement de la R.D.Congo.
Selon Keith Harmon SNOW, un chercheur américain spécialiste des Grands-Lacs Africains, dans son blog du 18 novembre 2013, aucun « des reportages récents dans les principaux titres occidentaux raconte quelque chose qui s’avoisine de la vérité sur le génocide en cours et le dépeuplement de l’Afrique » et que ce qu’on appelle habituellement rebelles étrangers en R.D.Congo (ADF/NALU, FDLR, LRA, M23, CNDP, RCD) ne sont pas en réalité des rebelles mais «des troupes gouvernementales rwandaises ».
Le carnet de Colette Braeckman du 30 décembre 2015, plus précisément son paragraphe sur le Nord-Kivu et la communauté Nande, contient des demi-vérités pernicieuses sur le peuple Nande et des affirmations gratuites qui semblent apporter de l’eau au moulin du plan de Kinshasa et de Kigali sur le Yiraland. En ce sens, ses propos sont comme les reportages des occidentaux dont Keith Harmon Snow parle ci-dessus !
1. Colette Braeckman : «De tous temps, les Nande, l’un des groupes ethniques les plus industrieux et les plus prospères du Nord Kivu».
Vrai mais tendancieux ! Le peuple Nande est le groupe ethnique le plus industrieux et le plus prospère du Nord-Kivu. Colette Braeckman a oublié de dire que le peuple Nande est le plus nombreux démographiquement. En effet, c’est cette donne démographique qui dérange Kigali et Kinshasa. De toute évidence, c’est la double résistance du peuple Nande à l’occupation rwandaise ainsi qu’à la balkanisation de la R.D.Congo, laquelle résistance est renforcée par sa supériorité numérique, qui est à la base de son génocide actuel. Pour éliminer l’obstacle principal à la réalisation du projet d’occupation et de balkanisation du Kivu-Ituri, il faut anéantir les Nande sur tous les plans : numérique, économique, social, politique etc. D’où le génocide pour casser son influence démographique, l’augmentation des tarifs douaniers au poste frontalier de Kasindi pour asphyxier son économie, la libéralisation de la vente des boissons fortement alcoolisées pour détruire sa jeunesse, la réduction au silence des leaders politiques Nande pour empêcher tout soulèvement populaire ainsi que toute prise de conscience, le manque d’entretien des infrastructures routières ainsi que les braquages meurtriers sur toutes les routes d’accès à Beni-Lubero pour isoler le peuple Nande, etc.
Un peuple qui se trouve dans cette situation d’anéantissement systématique peut-il encore être appelé le plus industrieux et le plus prospère au Nord-Kivu ? Ces deux caractéristiques positives que Colette Braeckman reconnaît aux Nande du Nord-Kivu ne dissimulent-elles pas leur anéantissement systématique en cours aux yeux de l’Occident mais aussi des Nande eux-mêmes qui peuvent trop écouter les sirènes de leur prospérité d’hier et oublier qu’ils sont en voie de disparition? Celui qui égorge les Nande au Nord-Kivu voudrait qu’on écrive que les Nande sont toujours les plus industrieux, les plus prospères au Nord-Kivu mais qu’on ne dise pas qu’ils sont victimes d’un génocide car on risque de demander « qui est l’auteur de ce génocide ? » pour gâcher sa fête.
Colette Braeckman semble aussi faire un saut dans le futur en présentant déjà le groupe le plus industrieux et le plus prospère comme l’un des groupes les plus industrieux et les plus prospères. Avec l’immigration clandestine rwandaise en cours au Nord-Kivu, il n’est pas impossible que les Nande soient demain un des groupes les plus industrieux et les plus prospères du Nord-Kivu. En effet, le génocide en cours vise la réduction de la supériorité numérique du peuple Nande au Nord-Kivu. Colette Braeckman semble avoir une longueur d’avance sur les événements du Nord-Kivu tels que planifiés par l’occupant et le balkanisateur du Kivu-Ituri.
2. Colette Braeckman : « De tous temps, les Nande ont été les meilleurs alliés de l’Ouganda »
Faux et choquant ! De tous temps, les Nande considèrent l’Ouganda comme un passage obligé pour accéder aux ports de Mombasa et de Dar-es-Salam.
L’achat du seul de cuisine de Katwe en Ouganda et la vente du café aux ougandais font partie du petit commerce normal entre deux pays partageant une frontière commune.
Ayant accueilli plusieurs fois sur son sol des réfugiés ougandais pendant les multiples guerres et coups d’Etat qui ont émaillés l’histoire récente de l’Ouganda, les Nande ne pouvaient pas prendre l’Ouganda en guerre et en faillite comme son meilleur allié.
La vérité est que les Nande ont fait leur début en commerce en vendant les produits agricoles de Beni-Lubero sur les marchés de la R.D.Congo, notamment, Kisangani, Bukavu, Kinshasa, … en échange des produits manufacturés. De tous temps, les Nande se considèrent comme partie intégrante de la R.D.Congo. Ils n’ont jamais conclus une quelconque alliance avec l’Ouganda.
Dans les années 90, c’est-à-dire avant la guerre d’agression de la R.D.Congo par le Rwanda, l’Ouganda, le Burundi, et alliés, la Ville de Butembo était la capitale économique de l’Est de la R.D.Congo. Plusieurs provinces de la R.D.Congo dépendaient économiquement de Butembo pour la simple raison que les Nande étaient les premiers congolais à découvrir le marché asiatique. Les produits asiatiques arrivaient au Zaïre (R.D.Congo) par Butembo. C’est donc plutôt l’Asie qu’on peut considérer aujourd’hui comme le meilleur allié économique des Nande.
Du point de vue politique, on ne peut pas parler d’alliance des Nande avec l’Ouganda même si le mouvement rebelle de Mbusa Nyamwisi avait été soutenu par l’Ouganda. L’alliance de Mbusa Nyamwisi avec l’Ouganda était privée. Les Nande l’appelaient justement « rebelle » car ils étaient restés rattachés à Kinshasa. Cet élan patriotique des Nande pour une R.D.Congo unie et indivisible poussera le mouvement rebelle de Mbusa Nyamwisi à être le premier à signer sa réunification avec Kinshasa. Ainsi, quand Colette Braeckman dit que « De tous temps, les Nande ont été les meilleurs alliés de l’Ouganda, on se demande de quelle sorte d’alliance il s’agit.
Depuis le début de l’agression territoriale de la R.D.Congo en 1996 jusqu'à nos jours, l’Ouganda est perçu par les Nande et par tous les congolais dignes de ce nom, comme un pays agresseur, peut-être pas au même titre que le Rwanda. En effet, si on demandait à un sinistré Nande de choisir un pays d’accueil entre le Rwanda et l’Ouganda, il y a 99% de chance qu’il choisisse l’Ouganda pour la simple raison que l’Ouganda n’a jamais manifesté une volonté d’occupation territoriale de la R.D.Congo comme c’est le cas pour le Rwanda.
Pourquoi alors Colette Braeckman présente un peuple agressé comme le meilleur allié de son agresseur. Encore moins en ce moment où des tueurs dits ougandais égorgent les Nande en Territoire de Beni.
Il est vrai que, selon certaines sources, le plan d’occupation du Yiraland par les rwandais prévoirait les routes reliant le Yiraland à l’Ouganda comme couloir d’évacuation des réfugiés Nande vers l’Ouganda et la Tanzanie. Certains humanitaires vont jusqu'à dire que les camps devant accueillir les réfugiés Nande du Kivu-Ituri seraient déjà prêts en Ouganda et en Tanzanie. Le projet serait de remplacer les Nande du Nord-Kivu par des rwandais du Rwanda et les refugiés rwandais de Tanzanie. Selon les mêmes sources, mis à part l’Ex mouvement rebelle du M23, les éléments constituant la force d’occupation rwandaise encerclant actuellement BENI-LUBERO seraient des ex-réfugiés rwandais de Tanzanie à qui on aurait promis le Kivu-Ituri en partage, à condition d’accepter d’y déloger les occupants actuels par les armes.
On comprend aussi la propagande autour des réfugiés congolais présents dans les pays voisins, des réfugiés dont le nombre exponentiel dépasse tout entendement. Combien sont-ils exactement ? Seul le Rwanda le sait. Où vivaient-ils en R.D.Congo avant leur départ en exil ? Seul le Rwanda, le HCR et le PNUD le savent. Le Yiraland compte bien sûr des milliers des déplacés mais pas des réfugiés qui auraient besoin du HCR et du PNUD pour retrouver chez eux. Les réfugiés politiques qui sont en Ouganda en attendant leur départ pour l’Occident ne sont pas à classer dans cette catégorie de ceux qui sont impatients de rentrer de l’Ouganda, de la Tanzanie, et du Rwanda vers une région de la R.D.Congo a feu et a sang. Le PNUD s’était fait prendre a son grand mensonge du retour des réfugiés congolais en donnant une carte des zones de retour de ces réfugiés, lesquelles zones n’avaient jamais connu de mouvement de population vers les pays voisins (cas de Kyondo, Kisunga, Isale (Kyavisale), Kanyihunga, Vurondo, Muhangi, etc. Depuis l’indépendance, les zones de retour ci-haut citées n’ont jamais connues de mouvement de population vers les pays voisins. On peut donc conclure que parmi les réfugiés congolais attendus en R.D.Congo il y en a qui retourneront dans des zones d’où ils n’étaient pas partis. Ou alors, parmi eux, il y a des occupants immigrants pour qui il faudra trouver des zones d’accueil et non des zones de retour.
3. Colette Braeckman : Parlant des Nande elle écrit « L’un de leurs chefs politiques, Mbusa Nyamwisi, aujourd’hui opposé à Kinshasa, a établi sa base arrière en Ouganda »
Faux ! Son Excellence Antipas Mbusa Antipas, l’opposant congolais le plus radical au régime de Joseph Kabila Kabange n’a pas de base arrière en Ouganda. On ne peut pas être opposant à Joseph Kabila et s’installé chez son grand-père et mentor Kaguta Yoweri Museveni ! C’est faire le crocodile qui, craignant la pluie, se réfugie dans le fleuve.
Cette affirmation de Colette Braeckman n’est pas cependant gratuite. Elle peut faire partie d’une certaine propagande que le camp du Président Joseph Kabila a lancée durant sa tournée de décembre 2015 à l’Est de la R.D.Congo. Du camp présidentiel, et du gouverneur du Nord-Kivu, Julien Kahongya, on apprend que c’est l’Ouganda qui serait derrière les tueurs ADF/NALU de Beni et que Kinshasa viendrait bientôt chasser ces ADF/NALU de Museveni. Comme arguments, le camp de Joseph Kabila dit détenir des preuves que les malades et les blessés ADF/NALU se font souvent soigner dans les hôpitaux en Ouganda où ils sont supposés être persona non grata. Sachant que Jamil MUKULU, Président des ADF/NALU est emprisonné en Ouganda, Comment Kinshasa qui le présentait comme son ennemi au front de Beni peut-il maintenant tout à coup considéré le geôlier de Jamil MUKULU, en l’occurrence le Président Ougandais Museveni, comme son nouvel ennemi ? L’emprisonnement de Jamil MUKULU en Ouganda fait-il peur à Kinshasa ? Le geôlier de mon ennemi n’est-il pas automatiquement mon ami ?
L’annonce à peine voilée du camp Kabila d’une imminente offensive de Kinshasa contre les ADF/NALU de Yoweri Museveni et l’octroi d’une base- arrière inexistante en Ouganda à l’opposant Nande Mbusa NYamwisi, est un arbre qui cache la forêt.
Le mensonge ci-dessus rappelle les fausses accusations récurrentes de Kinshasa que c’est Mbusa Nyamwisi qui tue ses frères et sœurs à Beni à partir de l’Ouganda. Ces fausses accusations ne visent-elles pas à faire porter le génocide de Beni à un Nande pour disculper ses vrais auteurs et commanditaires rwandais? L’Ouganda va-t-il envaliser ce mensonge pour permettre une culpabilisation des victimes Nande d’un génocide made in Kigali/Kinshasa ?
Quand Museveni avait dit à Kinshasa en juin 2015 qu’il était disponible, si on faisait appel à lui, d’aider Kinshasa à mettre en déroute les tueurs ADF/NALU car il en avait l’expérience (en effet l’ADF/NALU n’ose plus jamais attaquer l’Ouganda), Kinshasa avait refusé l’offre mettant en avant sa légendaire souveraineté nationale. Entretemps, les massacres des civils congolais continuent avec plus de violence. Six mois après, Kinshasa accuse l’ami qui voulait l’aider hier d’ennemi. Que se passe-t-il au juste ? Pourquoi Kinshasa avait-il refusé l’offre de l’Ouganda pour anéantir ensemble les ADF/NALU ? A qui profite le crime des tueurs ADF/NALU sinon à celui qui refuse l’aide pour leur démantèlement?
4. Colette Braeckman : « L’ingérence militaire et politique de l’Ouganda au Nord Kivu, qui se traduit par des bénéfices économiques évidents, est souvent justifiée par la nécessité de mettre hors d’état de nuire le mouvement rebelle ougandais ADF Nalu, qui se présente comme islamiste et lié aux shebabs somaliens. Mais en réalité, les combattants des ADF/Nalu se montrent plus cruels, plus acharnés du côté congolais de la frontière qu’en Ouganda leur pays d’origine. C’est aux environs de Beni qu’ils multiplient les décapitations et entretiennent une instabilité chronique qui empêche la reconstruction de l’Etat congolais ».
Dans ce paragraphe, Colette Braeckman montre toute l’ambigüité des rebellions à l’Est de la R.D.Congo. L’Ouganda a souvent expliqué son intervention en R.D.Congo par la nécessité d’anéantir les ADF/NALU ayant la R.D.Congo comme leur base arrière pour déstabiliser l’Ouganda. Mais dans la réalité des faits, depuis 2010, les ADF/NALU se montrent plus cruels, plus acharnés du côté congolais de la frontière qu’en Ouganda, leur pays d’Origine, comme le fait remarquer Colette Braeckman. Et quand Museveni veut aider la R.D.Congo à se sécuriser contre l’ADF/NALU, Kinshasa refuse. Maintenant que les faits sur terrain démontrent qu’en fait les soi-disant ADF/NALU sont des rwandais ex-M23 et ex-réfugiés rwandais de Tanzanie, Kinshasa sort de son silence pour accuser l’Ouganda. Colette Braeckman ne vient-il pas au secours du Rwanda et de Kinshasa en octroyant à Mbusa Nyamwisi une base arrière en Ouganda pour motiver une guerre contre l’Ouganda ? En effet, une guerre contre l’Ouganda permettrait à Kinshasa de ne pas aller en guerre contre ses invités ou mercenaires ADF/NALU qui tuent à Beni. Il faut absolument que Kinshasa déplace la ligne de front au-delà de la zone occupée par ses invités pour faire parler sa poudre et son canon contre un nouvel ennemi Museveni ou Antipas Mbusa Nyamwisi. L’arrestation de Jamil Mukulu et son emprisonnement en Ouganda semblent faire perdre le latin au tandem Kabila/Kagame. On a l’impression que, depuis le démantèlement de l’ADF/NALU par feu Général BAUMA, et l’arrestation suivie de l’emprisonnement de Jamil MUKULU chef des ADF/NALU, il y a un anneau manquant dans la chaîne de fabrication mensongère de l’identité du tueur de Beni.
5. Colette Braeckman, comme d’autres medias pro-Kinshasa/Kigali, tentent depuis un certain temps de présenter les tueurs de Beni en islamistes liés aux shebabs somaliens. Il est vrai que Jamil Mukul et sa troupe originelle sont musulmans. Aucune enquête crédible connue n’a jamais fait le lien entre ces musulmans ougandais et AL-Shebabs somaliens. Une fois, une ONG congolaise pro-Kinshasa basée à Beni avait même prétendu que l’ADF/NALU était liée à BOKO HARAM du Nigeria. Toutes ces qualifications non vérifiées et vérifiables semblent vouloir dissimuler la vraie identité des tueurs et la vraie nature du conflit au Kivu-Ituri. Les instigateurs et cerveaux-moteurs du génocide en cours à Beni-Lubero et de l’apocalypse en préparation au Kivu-Ituri se démènent comme un diable dans un bénitier pour se trouver un bon parapluie, un bouc émissaire qui les fera échapper à la justice internationale qui tôt ou tard jugera ceux qui endeuillent aujourd’hui l’Est de la R.D.Congo.
Colette Braeckman a révélé dans son blog plusieurs morceaux du cocktail molotov qui attend embraser le Kivu-Ituri ! Nous recommandons une lecture prudente et très critique de ses écrits sur l’Est de la R.D.Congo en général et sur le peuple Nande en particulier. Nous ne doutons pas de ses réseaux d’information, mais ses informations gratuites et tendancieuses semblent, dans le cas d’espèce, apporter de l’eau au moulin du plan de Kinshasa et de Kigali sur le Kivu-Ituri.
©Beni-Lubero Online
Le carnet de Colette Braeckman
30/12/2015 : Médiateur dans la crise burundaise, Yoweri Museveni est aussi un pompier pyromane
Désigné comme médiateur dans la crise burundaise, le président ougandais Museveni a convoqué tous les protagonistes à Kampala où il s’efforce de promouvoir un dialogue entre l’opposition, la société civile et les représentants du président Nkurunziza qui campent sur leurs positions.
Mais le président ougandais est-il réellement le mieux placé pour tenter de trouver une solution à la crise de légitimité qui ébranle le Burundi ?
Celui que les Américains considéraient naguère comme l’un des symboles d’une « renaissance africaine » fondée sur le néo libéralisme se prépare lui-même à une nouvelle échéance électorale. Ce ne sera pas la première : arrivé au pouvoir par les armes en 1986, Yoweri Museveni, lors des élections de 1996 et 2001, était relativement populaire et les taux de participation dépassaient les 70% ; en 2006, ils chutèrent à 69% puis 59% en 2011. Le cinquième terme, qui sera pratiquement acquis lors des élections de février prochain, risque aussi de confirmer l’usure du régime : selon un sondage d’opinion publié par le quotidien The Guardian, 45% des Ougandais ne croient pas que les élections mèneront à l’alternance politique et qu’elles donneront une chance au principal rival du président, l’ancien Premier Ministre Amama Mbabazi. Mais surtout, les principales préoccupations des Ougandais portent sur le chômage qui frappe 70% des jeunes, sur le fait que 20% de la population vit au dessous du seuil de pauvreté…
Longtemps considéré comme l’un des « nouveaux leaders africains » et bénéficiant d’une aide étrangère importante, le président Yoweri Museveni, se présentant comme l’un des favoris des Américains, a toujours voulu faire figure de « sage » dans la région, damant le pion à son voisin rwandais Paul Kagame dont les performances économiques sont cependant bien plus évidentes.
Dans le cas du Burundi cependant, comment oublier qu’il fut souvent partie prenante dans les crises sui secouèrent le pays : après avoir soutenu, à la fin des années 80, le dictateur Bagaza qui fut accueilli à Kampala après son renversement, l’Ouganda, en 1993, fut mêlé à l’assassinat du président hutu Melchior Ndadaye et offrit l’asile à l’un des militaires putschistes le colonel Bikomagu.
Par la suite, c’est le CNDD et l’actuel président Pieter Nkurunziza que Museveni décida de soutenir, au point de financer la campagne électorale de 2011, ce qui obligea le chef de l’Etat, sitôt élu, à vendre son avion Falcon afin de rembourser la dette contractée à l’égard de l’Ouganda…
Plus encore que dans le cas du Burundi, les relations entre Yoweri Museveni et le Congo sont très équivoques. En effet, après avoir soutenu Laurent Désiré Kabila alors qu’il était en lutte contre le président Mobutu, l’Ouganda, aux côtés de son allié rwandais, fut profondément impliqué dans les deux guerres du Congo (1996-1997 et 1998-2002) et le pillage des ressources de son voisin. Au point d’être condamné par la Cour internationale de Justice à devoir rembourser Kinshasa à la suite de la « guerre des six jours » qui, en 2000 détruisit Kisangani, lors des affrontements entre les armées rwandais et ougandaise qui se disputaient le contrôle des comptoirs de diamants.
Actuellement encore, c’est l’Ouganda qui héberge ce qui reste du mouvement rebelle M23, des Tutsis congolais qui furent défaits en 2012 après avoir occupé de larges zones du Nord Kivu voisines de la frontière. Durant des années, le contrôle de la frontière entre l’Ouganda et le Nord Kivu échappa à l’Etat congolais, ce qui permit le fructueux transit des produits miniers et des denrées agricoles. De tous temps, les Nande, l’un des groupes ethniques les plus industrieux et les plus prospères du Nord Kivu, ont été les meilleurs alliés de l’Ouganda et l’un de leurs chefs politiques, Mbusa Nyamwisi, aujourd’hui opposé à Kinshasa, a établi sa base arrière en Ouganda. L’ingérence militaire et politique de l’Ouganda au Nord Kivu, qui se traduit par des bénéfices économiques évidents, est souvent justifiée par la nécessité de mettre hors d’état de nuire le mouvement rebelle ougandais ADF Nalu, qui se présente comme islamiste et lié aux shebabs somaliens. Mais en réalité, les combattants des ADF Nalu se montrent plus cruels, plus acharnés du côté congolais de la frontière qu’en Ouganda leur pays d’ origine. C’est aux environs de Beni qu’ils multiplient les décapitations et entretiennent une instabilité chronique qui empêche la reconstruction de l’Etat congolais.
Médiateur dans la crise burundaise, le président Museveni peut se targuer d’une longue expérience politique et d’une bonne connaissance de tous les acteurs en présence. Mais le rusé pompier pyromane jouit-il pour autant de la confiance générale/





