





La première partie de cet article posait la question de savoir si au lieu d’attendre 2011 nos populations ne pouvaient pas se liguer ( à travers leurs organisations de la société civile, leurs partis politiques et leurs mouvements de résistance et de pression) derrière les députés du Sud Kivu ayant des preuves de la complicité du pouvoir de Kinshasa avec l’ennemi du peuple congolais pour lui demander, démocratiquement, de rendre le tablier. Cette proposition venait appuyer l’idée selon laquelle les élections ne sont pas la seule voie de légitimation politique.
Certains de nos lecteurs ont réagi à cette proposition en formulant plusieurs remarques. En voici quelques-unes :
1. La société civile congolaise est noyautée par « ses bailleurs de fonds » ; ces derniers participent du complot de la balkanisation du Congo et de son pillage. Les ONG américaines, branches civiles de la CIA, donnent aux ONG congolaises la fausse impression qu’elles travaillent pour le bien des Congolais(es) ;
2. Plusieurs partis politiques congolais sont des partis alimentaires créés pour avoir une place à « la mangeoire publique » ; sans idéologie, sans projet de société, sans programme politique, ils sont instrumentalisables et manipulables à souhait. La guerre d’usure entretenue par « ces tueurs tutsi » et leurs collabos en a fait des proies faciles entre les mains du « raïs » ;
3. Les mouvements de résistance et de pression congolais vivent dans le monde virtuel de l’Internet et n’ont pas pignon sur rue. Après deux marches dans les rues de Bruxelles et trois débats sur les radios/Internet, ils croient pouvoir révolutionner le Congo ;
4. Il n’y a pas grand-chose à attendre du débat à l’Assemblée nationale. Le départ de Kamerhe de la tête de cette Assemblée et son remplacement par Boshab n’a pas été le fait d’un hasard. Il fallait couper de l’herbe sous les pieds d’un Président de l’Assemblée nationale qui en faisait à sa tête en donnant la parole à « certaines grosses gueules de l’opposition » afin qu’elles abordent « les questions tabouisées ». Les dés sont pipés.
Ces critiquent ont leur part de vérité. Néanmoins, elles ne prennent pas en compte toutes ces brèches ouvertes par certaines synergies créées entre de la société civile et les partis politiques. Aussi, y a-t-il encore de ces partis politiques qui osent, contre vents et marées, se lever pour dire qu’il y en a marre. Citons un exemple très récent. « En effet, le lundi 24 août 2009, écrit Freddy Mulongo, l’opposition extraparlementaire a organisé à Kinshasa, une marche pacifique avec pour thème » Congo Pasi Eleki » qui a été réprimée et dont les acteurs politiques ont fini au poste de police de Kalamu.
Christian Badibangi, président de l’Union Socialiste Congolaise (USC), Gaston Dindo, président du Mouvement pour la démocratie et le changement (MDC), Gabriel Mokia, président du Mouvement des démocrates Congolais (MDCO) qui a été libéré du Centre pénitentiaire et de rééducation, ex-prison de Makala, le samedi 13 juin 2009 après 10 mois et 15 jours pour atteinte au chef de l’Etat, et Paka Bissel de l’ODAC ont été arrêtés à 12h15 au niveau de la place de la Victoire alors que les manifestants se rendaient vers le Boulevard triomphal pour déboucher au niveau du Palais du Peuple, siège du parlement godillot-AMP.
Les leaders de l’opposition extraparlementaires ont été enfermés au cachot de la Commune de Kalamu. Cédant aux fortes pressions, ils ont été relâchés à 17h40. » (« Congo pasi eleki », la marche de l’opposition extraparlementaire réprimée à Kinshasa sur www.reveil-fm.com)
La dernière libération conditionnelle de Golden Misabiko après le sit-in organisés par ses compères, responsables des ONG des droits de l’homme, témoigne de la capacité d’action de notre société civile malgré « le noyautage ». Peut-être qu’il faudra aux partis politiques de la résistance et à la société civile un peu plus de moyens matériels et spirituels pour couper le cordon ombilical de la dépendance qui rend le suivi des actions à mener difficile ! A ce point nommé, il y a encore du boulot…
Cela étant, il y a ces autres mouvements politico-sociaux naissants dont les actions menées de bouche à oreille constituent, petit à petit, une tactique pouvant tirer notre pays du bourbier où il se trouve. Ces mouvements de conscientisation des masses congolaises ne sont pas connus du grand public. Et pourtant, leur travail souterrain semble porteur d’un autre avenir pour notre pays. Il est possible que la venue au grand jour de leur travail apporte un nouveau souffle à l’espace politico-social congolais.
Pour tout prendre, avouons que la guerre d’agression et d’usure imposée aux Congolais(es) à éveiller chez plusieurs d’entre eux un sens de la patrie et un nationalisme dont les fruits seront entre autres une lutte acharnée, à plusieurs niveaux, contre toute forme de colonisation, d’occupation, de dictature ou de totalitarisme. Peut-être qu’il leur faut encore un petit effort de fédération et/ou de coordination des forces luttantes ! Donc, il n’y a pas à désespérer. La lutta continua ! Même à la fameuse Assemblée nationale.
Revenons aux probables élections de 2011. Se remémorant l’aventure de 2006, deux Sénateurs Congolais ont écrit à la CEI pour tirer une sonnette d’alarme. Ils notent que les élections de 2006 se sont déroulées « dans des conditions inédites. En effet, ces élections n’avaient pas été précédées d’un recensement de la population congolaise et étrangère ; il n’existait pas de carte d’identité fiable pour les Congolais et les Congolaises. Les conséquences négatives sur le scrutin furent nombreuses : faute d’identification, des moins de dix-huit ans, des militaires, des agents de la police nationale, des étrangers furent enrôlés en masse. Les candidats à l’élection présidentielle avaient, en son temps, attiré l’attention de la Commission électorale indépendante sur ces irrégularités ; rien n’y fit. » Qui avait orchestré cet enrôlement ? Pour quel objectif ? A notre avis, cela ne pouvait être que le fait du pouvoir organisateur tenant à se légitimer par les élections.
Aujourd’hui, plus de trois ans après, il n’y a pas eu de rapport sur ces élections et nos deux sénateurs constatent que « l’enrôlement en cours s’effectue pratiquement dans les mêmes conditions : ni recensement, ni identification de la population congolaise. » Ils remarquent « que des mineurs sont enrôlés parce qu’ils auront dix-huit ans en 2011. Cette situation soulève quelques interrogations : pourquoi enrôler uniquement pour 2011 ? Doit-on penser que les élections n’auront pas lieu en 2010 ? A supposer que la CEI se décide à respecter le processus électoral et à organiser lesdites élections, comment évitera-t-elle que les mineurs enrôlés en 2009 ne participent au scrutin ? » Toutes ces questions posées par Florentin Mokonda et Vincent de Paul Lunda-Bululu – pour ne pas les citer- depuis le 08 juillet 2009 n’ont pas encore eu un début de réponse. Finiront-elles par avoir une réponse ? Nous en doutons. Nous ne croyons pas dans la bonne foi des initiateurs de ce processus.
Qui aurait orchestré ce nouvel enrôlement ? Pour quel objectif ? La réponse nous paraît simple : la tricherie aux élections de 2011 est déjà programmée par « le pouvoir organisateur ». Encore une fois, il veut se re-légitimer par les urnes.
Voilà ce qui arrive à un peuple occupé quand il accepte de faire le jeu de l’occupant.
Voilà pourquoi, à notre avis, un peuple occupé ne peut aller voter avec l’occupant sur son dos. Il doit s’organiser autrement ici et maintenant pour s’en débarrasser et après, le traduire en justice. 2011 risque d’être tard.
J.-P. MBELU





