




Mercredi en pleine nuit, le tam-tam de Miriki a résonné fort et vite en signe d’alerte: il fallait fuir, des hommes en armes incendiaient des dizaines de cases de ce village perdu en pleine forêt dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).
"A 02H00, j’ai entendu le tam-tam. Je suis sorti et j’ai vu le feu à la maison voisine. J’ai dit à ma femme «vite, il faut partir, ça va être nous maintenant", raconte Valentin Paluku, 59 ans.
Dans cette localité lovée au sommet d’une petite colline verdoyante, à l’écart des grands axes de la province du Nord-Kivu (est), plus de 130 cases ont brûlé cette nuit-là à l’entrée du village.
De la plupart des maisons, il ne reste plus que de petits amas de boue séchée, de tiges de roseaux et de paille calcinées. Les bananiers plantés derrière ont les feuilles noircies par les flammes.
"Ils étaient cinq militaires, en uniformes, avec sac à dos et armes comme s’ils étaient de passage. Sans rien dire, ils ont pris de la paille en feu de la case d’à côté et ont incendié la nôtre puis les suivantes", détaille Abel Muhindo, 35 ans, encore choqué, presque tremblant.
Au milieu des cendres de sa case gisent deux carcasses de lampes à pétrole et un bidon en plastique fondu, apparemment utilisé pour transporter l’eau. A quelques mètres, la petite cabane abritant son moulin à manioc a été épargnée. "Je ne comprends pas pourquoi ils ont fait ça", souffle-t-il.
Selon des habitants, les incendiaires portaient des uniformes des Forces armées de la RDC (FARDC), probablement des ex-rebelles congolais du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), aujourd’hui ralliés à Kinshasa et intégrés depuis peu dans l’armée régulière.
Mais pour les FARDC, les coupables sont les rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), très présents dans la région où ils ont longtemps vécu avec la population. Aujourd’hui, ils sont traqués par l’armée congolaise dans les forêts environnantes où ils se cachent.
Le drame s’est noué à la faveur d’une relève des éléments FARDC stationnés non loin du village. L’unité remplacée comptait des ex-CNDP et l’entente avec la population n’était pas bonne.
"Nous espérons que cela va changer avec les nouveaux. Nous leur avons demandé de faire des patrouilles. Nous avons peur des incendies. Nous sommes délaissés", s’emporte nerveusement le chef du village, Gervais Paluku.
Déjà, le 17 avril, des hommes armés avaient brûlé 90 cases de Miriki. Deux civils étaient morts. Depuis mercredi, Abel, sa femme et leurs six enfants âgés d’un an et demi à 15 ans, ont trouvé refuge dans la brousse, sous une bâche.
Il lui faudra six mois pour réunir les 200 dollars américains nécessaires pour rebâtir une nouvelle maison.
Valentin, lui, habitait la première des quelque 5.000 habitations du village. T-shirt blanc noirci et troué, pieds nus sous son pantalon, il sue à grosses gouttes sous le chaud soleil de midi. Coupe-coupe à la main, il tente de récupérer des bouts de roseaux encore intacts.
"J’espère reconstruire ma maison. Maintenant nous vivons sous un arbre au centre du village. J’ai tout perdu, je n’ai plus que ça", explique-t-il en montrant son t-shirt et son pantalon.
Vendredi matin, le Comité international de la Croix rouge (CICR) est venu recenser les victimes et évaluer leur besoins. Valentin et Abel les ont ratés. Ils étaient dans la brousse.
Article de Emmanuel Peuchot



