





Le Général Amisi est à féliciter car il a eu le courage de dire la vérité. Tous les Nord-Kivutiens savent que les Fardc dont Amisi a la charge, ont capitulé depuis longtemps devant les FDLR et les Brigades de Nkunda. En homme responsable et connaisseur du Nord-Kivu, Amisi sait de quoi il a parlé. Mais comme toute vérité n’est pas bonne à dire, sa déclaration courageuse est aujourd’hui au centre d’une controverse entre les états-majors des commanditaires et complices de la crise au Nord-Kivu.
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Les commanditaires de la crise nord-kivutienne ne manquent pas de créativité pour faire avaler la pilule amère de l’occupation rwandophone aux congolais du Nord-Kivu. C’est depuis un certain temps que ces commanditaires nationaux et internationaux tentent de tribaliser une crise qui visiblement est politique et militaire. Par manque de réaction appropriée des autorités locales à ce plan machiavélique, la Province du Nord-Kivu est de plus en plus sur une pente raide.
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Que les congolais ne se laissent pas flouer par les coups de gueule de Chikez Diemu de son salon feutré de Ngaliema à l’encontre de Nkunda ou ceux de Mayala et de William Swing cherchant à démentir sur le tard la déclaration d’Amisi après avoir pris connaissance des réactions négatives de la population. Tous ces bons monsieurs chargés de la réalisation du plan machiavélique sur le Kivu utilisent la méthode d’essais et erreurs pour avancer. En outre, ils ont acheté toutes les institutions du pays capables de démasquer leur mauvais jeu, raison pour laquelle ils avancent dans leur projet de balkanisation du Kivu malgré leurs contradictions notoires. L’argument massue qu’ils utilisent pour tromper les naifs c’est l’organisation des élections démocratiques de 2006 après 47 ans de dictature. Mais dans la pratique, ils ont réduit au silence toutes les institutions issues de ces élections, se passent des élus du peuple et dirigent le pays par un gouvernement parallèle, un « shadow cabinet » comme disent les anglais.
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C’est ainsi que le Général Amisi peut débarquer à Goma de Kinshasa, faire des déclarations abracadabrantes, sans prendre langue avec le Gouverneur de Province, l’Assemblée Provinciale, voire le Commandant de la Huitième Région Militaire,… Trois jours après, le Commandant de la Huitième Région Militaire peut démentir sans convaincre personne les propos de son chef hiérarchique…Et tout continue normalement comme s’il n’y avait rien eu… Heureusement que, malgré la crise, les congolais savent garder les écrits et les sons. La déclaration d’Amisi ne peut être démentie que si les Fardc prouvent le contraire sur terrain en protégeant les populations dans les villes, cités, villages, camps des déplacés, etc.
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L’annonce de la capitulation des Fardc fasse aux FDLR a été une confirmation de ce que les populations du Nord-Kivu savaient déjà. En opposant à tout prix les tribus, les unes aux autres, les commanditaires de la crise du Nord-Kivu cherchent à couvrir les colonies de peuplement des rwandophones attendues au Nord-Kivu selon plusieurs sources, pour occuper les terres et villages abandonnés par les milliers des déplacés congolais. Les exactions des brigades mixées sur la population sous-prétexte de faire la guerre aux FDLR n’auraient ainsi comme but de forcer les congolais qui échappent par chance aux razzias de Nkunda à l’exil et créer de l’espace pour les rwandophones en provenance des pays de la région. Selon plusieurs sources, les voies d’infiltration de ces rwandophones au Nord-Kivu sont maintenant dégagées, opérationnelles et sous contrôle des troupes de Nkunda. C’est le cas de la frontière d’Ishasha en Territoire de Rutshuru, qui, selon les habitants chassés du coin, est devenue la voie d’entrée officielle des troupes étrangères au Nord-Kivu pour prêter main forte à Nkunda… S’il y avait des opérations crédibles des Fardc au Nord-Kivu, on les verrait bien à Ishasha, Jomba, Kateguru, Nyamilima, lieux de transit des nouveaux rebelles étrangers au Nord-Kivu.
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L’annonce de capitulation des Fardc au Nord-Kivu au seul motif que les Fardc ne savent pas distinguer les hutu congolais de hutu rwandais signifie que l’occupation est dans la phase d’intégration de hutu rwandais au Nord-Kivu. Ceux qu’on appelait hier « rebelles étrangers » ou FDLR, personne au sein des Fardc ne sait les distinguer de citoyens congolais. C’est à peine croyable qu’un tel constat sorte de la bouche d’un responsable de l’armée dont la mission première est la défense de l’intégrité territoriale.
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La déclaration d’Amisi montre bien que le projet funeste sur le Nord-Kivu est entré dans une nouvelle phase, celle de la réconciliation des Hutu congolais avec les Hutu rwandais pour constituer le socle de la République des Volcans. La suspension de la guerre aux FDLR, une guerre qui d’ailleurs n’a jamais vraiment eu lieu, signifie la reconnaissance tacite que les FDLR ne sont pas ennemis des brigades mixées de Nkunda, mais ses partenaires.
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Suspendre les opérations des Fardc au Nord-Kivu parce que les Fardc ne savent pas distinguer les hutu congolais de hutus rwandais, c’est aussi ignorer l’existence des autres tribus au Nord-Kivu qui sont toujours victimes des rebelles étrangers et qui en ce sens, ont droit de la protection des Fardc. Si tel n’est pas le cas, on serait en droit de conclure que les Fardc sont au Nord-Kivu pour protéger seulement les rwandophones.
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Suspendre les opérations des Fardc contre les Hutu pour ne pas donner l’impression d’un génocide, c’est dire qu’on s’oriente vers l’installation ou l’implantation au Nord-Kivu des Hutu rwandais. En effet, si les Fardc étaient une armée républicaine congolaise, elles ne pouvaient ménager des hutus rwandais qui opéreraient sur son territoire.
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Suspendre les opérations contre les « hutu rwandais » qui « tuent » veut dire capituler devant des étrangers qui tuent les congolais. Pendant qu’Amisi était à Goma, ces hutu rwandais étaient en train de piller le village de Vuhimba près de Luofu, en Territoire de Lubero, une localité où il n’y a pas lieu de faire une confusion entre les Hutu rwandais et hutu congolais car aucune de ces deux tribus n’existe à Luofu.
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La déclaration d’Amisi fait craindre que les Fardc au Nord-Kivu assisteront sans intervenir aux exactions des FDLR contre ceux qu’un lapsus linguae d’ Amisi appelle les « Nande d’autres tribus », les Kano, Kumu, Hunde, Kusu, Nyanga, Tembo, Bambute (Pygmées), Nande, etc.… C’est contre ces tribus qu’un génocide est à craindre au Nord-Kivu pas contre les Hutu dont les milices tribales n’ont jamais été démantelées ni par les Fardc ni par la Monuc pour des motifs aujourd’hui facile à deviner.
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En réduisant le conflit Nord-Kivutien à un duel Hutu-Tutsi, Amisi a ainsi confirmé la thèse avancée depuis toujours que les rwandophones sont ceux qui endeuillent le Nord-Kivu en transportant sur le sol congolais des problèmes du Rwanda, dont par exemple le génocide de tutsi par les hutu ou vice versa.
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Comme nous l’avions relevé dans nos analyses précédentes, les FDLR est un arbre qui cache la forêt. Ils constituent un véritable fonds de commerce pour les concepteurs de l’occupation rwandophone du Nord-Kivu. On peut chercher à démentir la déclaration d’Amisi mais il parait qu’Amisi a dit la vérité. Seulement il est allé vite en besogne, sans mettre les masques et les gants comme le voudraient ses maitres à penser. Les réactions multiples à sa déclaration permettront ainsi aux commanditaires de réajuster la présentation de leur plan machiavélique sur le Nord-Kivu.
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Comme ses prédécesseurs, Amisi est venu au Nord-Kivu pour jouer tant bien que mal sa partition de la même musique funèbre sur le Nord-Kivu. De Denis Kalume avec sa table ronde intercommunautaire, à Amisi avec la suspension des opérations des Fardc contre les FDLR, en passant par John Numbi , négociateur des accords de la mort du Nord-Kivu avec Nkunda, et par Chikez Diemu, l’homme du plan quinquennal de la sécurisation du Kivu, on ne voit pas l’action d’un pays qui se dit démocratique, avec des institutions citoyennes et une régime qui se dit décentralisé. Au contraire on assiste à une prise des décisions au sommet de l’Etat sans participation des organes intermédiaires, sans calendriers d’actions, et sans mesures d’application sur terrain.
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Les déclarations de Kinshasa sont à chaque fois faites par une personne différente sur un même sujet pour éviter aux premiers annonciateurs l’exercice douloureux d’un mea culpa public. La stratégie consiste à changer d’interlocuteur à chaque coup bas. C’est ainsi qu’après Amisi, on s’attendait à ce qu’un autre mousquetaire du pouvoir de Kinshasa vienne annoncer une autre décision pour distraire les congolais. Et cet autre mousquetaire qui n’a pas tardé s’appelle bien Mayala qui s’est évertué ce matin à démentir la déclaration de son chef hiérarchique. Au lieu qu’Amisi s’explique lui-même sur ce qu’il a dit, c’est Mayala qui est apparu pour démentir la déclaration d’Amisi. Visiblement, Amisi est allé trop vite… Où était Mayala, le patron de la Huitième Région Militaire quand Amisi venu de Kinshasa a fait sa déclaration ? L’élève Amisi n’avait pas bien assimilé par cœur la leçon de ses maîtres à penser. C’est triste…. Après Mayala, on s’attend à un autre émissaire de Kinshasa… Et comme il n’y a pas de débat contradictoire avec les élus locaux, ces émissaires de Kinshasa spécialistes du monologue, ont toujours eu la tâche facile.
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Quand on analyse bien ce phénomène d’émissaires venant de Kinshasa pour régler les problèmes du Nord-Kivu, on constate que ce phénomène date de l’échec des rwandophones aux dernières élections générales, lequel échec les a faits partir du gouvernorat de la Province. Depuis lors, toutes les grandes décisions concernant la securité du Nord-Kivu tombent de Kinshasa et sont annoncées à la base par des émissaires du Président de la République. Dans une province où les droits humains sont les plus bafoués, les ministres des droits humains, des affaires humanitaires, du développement rural, de la Justice, etc. brillent par leur absence comme si le Nord-Kivu n’était pas de leur ressort.
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Les élus du Nord-Kivu disent hors-micro que Kinshasa prend toutes les décisions à leur place depuis qu’il a institué un gouvernement parallèle dans toutes les institutions de la Province. Les populations se rappellent dans un passé qui n’est pas lointain des déclarations intempestives d’un certain Obedi Rwabasira ci-devant Commandant de la Huitième Région Militaire ; ou alors de l’agenda chargé d’un certain Kanyamuhanga ou encore d’Eugène Serufuli, ci-devant Gouverneurs de Province… A l’époque, personne ne venait de Kinshasa pour décider à la place des gouvernants du Nord-Kivu. On ne parlait pas non plus de gouvernement parallèle dans les provinces du Kivu. Kinshasa n’est donc pas prêt à la démocratie. En effet, on avait vu comment Kinshasa s’était précipité à conclure des accords avec Nkunda mettant devant un fait accompli l’Assemblée Provinciale et le Gouvernement Provincial qui allaient se mettre en place. C’est cette attitude qui explique l’agenda à peine caché de Kinshasa sur le Nord-Kivu, une attitude anti-démocratique qui fait que tous ses émissaires ont perdu toute crédibilité au Nord-Kivu.
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Nous pensons que l’Assemblée Provinciale du Nord-Kivu sortira de sa torpeur pour se faire entendre sur les conséquences incalculables de l’approche de Kinshasa vis-à-vis de la securité de la Province. La déclaration du Général Amisi, qui non seulement crée une autre tribu, à savoir, « les Nande d’autres tribus », mais présente les Fardc comme une armée sectaire qui ne s’occuperait désormais que de la securité des Hutu et des Tutsi, n’est qu’un iceberg de ce qui peut se produire au Kivu.
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L’Assemblée Provinciale du Nord-Kivu doit exiger le départ des brigades mixées vers d’autres provinces où il n’y a ni hutu ni tutsi… Elle doit aussi exiger que les Fardc qui seront affectés au Nord-Kivu pour mener des opérations contre les rebelles étrangers, collaborent avec les autorités provinciales pour que ces dernières rassurent les populations locales en mettant en place des structures d’encadrement et de communication pendant les opérations. Mais tant que les opérations militaires au Nord-Kivu seront une chasse gardée des hommes en uniforme sans compte à rendre aux élus locaux, et sans une participation et approbation des civils qui sont sensés en être les bénéficiaires, ces opérations militaires, menées par des militaires brassées ou mixées, seront d’avance vouées à l’échec. Il est en effet étonnant de constater que dans une province où Kinshasa prône le dialogue comme solution à la crise, les émissaires de Kinshasa se distinguent par le monologue et la pensée unique. Quelle contradiction !
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Rigobert Kanduki
Goma
Beni-Lubero Online





