





Trois mois après la Conférence de Paix de Goma, la paix n’est pas toujours revenue au Nord-Kivu. Les déplacés qui avaient fui leurs villages lors des combats sanglants de novembre et décembre 2007 sont toujours amassés dans des camps de fortune dans la brousse, sans une aide nationale ou internationale de grande envergure. Les images désolantes de ces 800 000 congolais déplacés, abandonnés leur triste sort, rappellent combien les politiques nationales et internationales en vigueur au Congo n’ont pas la personne humaine au centre de leurs préoccupations. En effet, lors de la conférence de Goma, les participants, toutes tendances confondues, n’avaient pas fait de déplacés du Kivu le centre des débats. Ce qui était au centre de pourparlers de Goma c’était le per diem des participants, les intérêts des hommes au pouvoir et de leurs complices internationaux. Aujourd’hui, cette absence de la personne humaine de l’agenda du projet Amani se fait voir à travers le financement et l’inauguration des gros projets à travers la province du Nord-Kivu. Mais aucun grand projet n’a été inauguré pour que les déplacés retournent dans leurs villages. A quoi sert donc ce développement qui n’a pas le congolais du Nord-Kivu au centre ? Pourquoi le programme Amani issu de la Conférence de Goma n’arrive pas encore à ramener les déplacés dans leurs villages ?
Selon des sources proches du Projet Amani, le blocage se trouverait au niveau des médiateurs internationaux qui ont visiblement un agenda différent de celui de la paix au Nord-Kivu. Selon ces mêmes sources, la partie congolaise vient de découvrir le jeu malsain des médiateurs internationaux au sein du projet Amani. Cette révélation est la première qui démontre que les grandes divergences entre les congolais sont entrain de s’aplanir petit à petit. Pour arriver à cette compréhension commune de la situation qui sévit au Nord-Kivu, il a fallu que la partie congolaise demande aux médiateurs internationaux qui représentent l’ONU de changer de méthode de travail. Au lieu que ces derniers rencontrent séparément et en huis clos les différentes parties au processus de paix, la partie congolaise a exigé la suppression des huis clos pour que toutes les rencontres deviennent des plénières avec toutes les parties au processus. Ainsi les médiateurs internationaux ne sont plus les seuls à connaitre ce que les uns et les autres disent. Les congolais qui se soupçonnaient entre eux de corruption ou de complicité, auraient commencé à découvrir par ce nouveau mode de rencontre l’origine de différents blocages qui ont émaillé le processus de paix au Nord-Kivu depuis la signature de l’accord de paix de Goma. Depuis lors, de l’avis de certains participants, les médiateurs internationaux divagueraient sur l’application immédiate des mesures prises ensemble lors des plénières, notamment le cantonnement des FDLR, les opérations conjointes de maintien de la paix entre les Fardc intégrées et la Monuc, le brassage des troupes du CNDP avec celles de l’armée nationale, etc.
Au contraire, les médiateurs internationaux font appel à l’application d’autres accords signés avant celui de Goma, notamment celui de Nairobi et d’Addis-Abeba, etc. Notez que les participants au projet Amani ne sont pas signataires des accords de Nairobi et d’Addis-Abeba. De son côté, le CNDP continue d’introduire de demandes qui sont contraires à l’accord de paix de Goma. A titre d’exemple, le CNDP aurait refusé d’envoyer ses troupes au brassage à Kisangani. Au lieu de Kisangani, le CNDP aurait demandé que le brassage de ses troupes se fasse dans le Camp de Rumangabo (Rutshuru) et de Nyaleke (Beni).
Pour les observateurs, accéder à cette demande de Nkunda reviendrait à entériner la thèse selon laquelle le Nord-Kivu ne fait plus partie du Congo et que les troupes de Nkunda n’ont pas d’ordre à recevoir de l’armée congolaise. Sachant que les camps de Rumangabo et de Nyaleke sont déjà sous l’influence militaire du CNDP de Nkunda, la proposition de ces deux camps indique bien que Nkunda veut que le projet Amani légalise par un décret ce que le CNDP a déjà obtenu par d’autres moyens.
Chaque fois les congolais se mettent d’accord pour mettre fin à leur crise, ils ont toujours été déçu par l’ONU ou ce qu’on appelle communauté internationale. On n’a vu cette déception à l’issue des élections de 1960 et de 2006 qui étaient censées mettre fin à la crise congolaise. Aujourd’hui c’est le projet Amani qui risque de subir le même sort avec l’apparition des nouveaux objectifs ou de nouvelles crises. Pour l’instant, l’objectif du projet Amani est le cantonnement des FDLR avant leur rapatriement au Rwanda, le brassage des troupes du CNDP avec l’armée congolaise, la sécurisation de tous les congolais du Kivu, etc. On n’a pas besoin d’autres accords pour mettre en application les mesures ci-dessus.
L’ONU doit être sommée par la partie congolaise de jouer son rôle et d’accomplir ses promesses pour la pacification du Nord-Kivu et la sauvegarde de l’intégralité territoriale de la R.D. Congo. Pour mener à bon port cette mission, l’unité de la partie congolaise au sein du projet Amani est un pas important. Les acteurs politiques au niveau national devraient emboiter le pas aux acteurs provinciaux du Nord-Kivu pour faire pression à l’ONU et démontrer à la face du monde qui s’il ne dépendait que du peuple congolais, il n’y aurait jamais eu une crise de cette ampleur au Congo, et en particulier au Nord-Kivu. Et si jamais l’ONU refusait d’accomplir ses promesses de paix au Congo, les congolais prendraient acte et se souviendront…
Rigobert Kanduki
Goma
Beni-Lubero Online





