





Deux semaines après le lancement des opérations militaires conjointes Rwanda-Congo contre les FDLR, la population du Sud du Territoire de Lubero reste sur le qui-vive. En effet, les FDLR disparaissent dans la nature et les militaires qui arrivent pour les traquer sévissent sur la population déjà traumatisée par 13 ans d’occupation rwandaise. D’où l’insistance de l’appel au gouvernement congolais de prendre toutes ses responsabilités pour mettre de l’ordre dans cette opération militaire contre les FDLR qui jusqu’aujourd’hui fait plus de mal qu’elle ne résout. Aussi la possibilité de la paix d’ici fin février 2009 comme l’a annoncé le Président Joseph Kabila, apparait comme un rêve, une déclaration d’intention, si rien ne change dans la façon de gérer cette operation dont la réussite est le souhait de tous les congolais.
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S’il n’ ya pas de changement d’approche au démantelement des FDLR, et à l’allure où se déroulent les combats sur terrain, même après la chute des FDLR, les congolais du Nord-Kivu risquent de souffrir davantage sous ceux que d’aucuns appellent " Fardc-Nord-Kivu". Cette appellation de "Fardc-Nord-Kivu" veut insinuer l’idée que les militaires déployés au Nord-Kivu aujourd’hui constituent une réalité étrange. Ils sont en effet une force militaire armée issue du mixage des congolais et des rwandais des Fardc, du RCD-Goma, CNDP aile Nkunda, CNDP aile Ntangada, des milices du RUD, des Résistants Pareco-aile Museveni, Pareco-aile Lafontaine, Mai-Mai Ruwenzori, Mai-Mai, armée rwandaise, etc. Cette configuration donne une image d’un monstre militaire à plusieurs têtes. Or pour être efficace, un corps militaire n’a besoin qu’une seule tête bien faite. Parlant des chiffres, les "Fardc-Nord-Kivu" contiennent ainsi plus d’anciens rebelles et milices jadis opposés au gouvernement congolais que les Fardc loyalistes eux-mêmes. Pour aggraver ce fait malheureux, Kinshasa a décidé contre toute attente une intégration accélérée des milices du CNDP au sein des "Fardc du Nord-Kivu". Les congolais trouvent que cette décision de Kinshasa est irresponsable car elle n’a tenu compte ni de l’histoire ni du contexte actuel du conflict.
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Comme les miliciens du CNDP avaient un agenda d’occuper le Nord-Kivu, leur intégration accélérée au sein des Fardc devrait se faire dans une province autre que le Nord-Kivu, une province qui n’a pas de frontière commune avec le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi. Les conséquences de cette décision malheureuse de Kinshasa se font sentir sur le terrain des opérations militaires contre les FDLR. Le risque est très grand que ces ex-miliciens, rebelles et agresseurs poursuivent leur mission macabre sous la bannière des Fardc.
En effet, depuis le début des opérations, il n’y a pas encore eu de victoire éclatante contre les FDLR par la coalition militaire Rwanda-Congo. Et pourtant le Rwanda disait que les FDLR étaient au Congo parce que l’armée congolaise était faible. Aujourd’hui, on voit la coalition Rwanda-Congo recourir aux mêmes stratégies que les Fardc, la Monuc, des stratégies improductives tant décriées par les observateurs congolais. Devant ces combats au pas de tortue, les observateurs trouvent que Joseph Kabila a tout simplement voulu amuser la galerie des journalistes en disant que d’ici fin février 2009, l’opération contre les FDLR serait terminée.
Les nouvelles du front selon des sources militaires et non vérifiées par des sources neutres et indépendantes, font état de la fuite des FDLR de plusieurs de leurs positions, de la récupération des quelques armes, de la mort ou la capture de quelques FDLR, etc.
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Cette semaine, au Sud du Territoire de Lubero, les localités de Fatua, Kitoa et Ngumba seraient passées entre les mains des « Fardc-Nord-Kivu ». D’après le Colonel KYUMA, le bilan de ces combats serait de six éléments FDLR tués et quatre armes récupérées. La semaine passée c’était la localité de Masekeseke qui était tombée entre les mains des « Fardc-Nord-Kivu ».

Colonel Kyuma, Camp militaire de Kasugho (Lubero)
La fuite des FDLR de ces localités avec leurs femmes et enfants laisse les congolais sceptiques sur la crédibilité des attaques. On a l’impression de revivre le moment de la stratégie de la coalition Fardc-Monuc, de triste mémoire, qui consistait à avertir les FDLR ou les Mai-Mai qu’ils seraient attaqués, leur donnant le jour et l’heure de l’attaque foudroyante. Au matin du jour prévu, cette coalition faisait une démonstration de tirs aux armes lourdes à plusieurs kilomètres du camp des FDLR. Si ces tirs effrayaient la population civile congolaise qui se terrait dans les maisons, ils permettaient aux FDLR de se volatiliser dans la nature. Après la fuite, la coalition Fardc-Monuc entrait au camp déserté avec cameras et walkie-talkie pour informer l’hiérarchie de la réussite de l’opération. Pour le besoin du tapage médiatique, quelques cases ou huttes étaient incendiées pour planter le décor d’un vrai combat meurtrier. Puis, c’était la fouille des lieux. Quelques effets militaires étaient emportés sous les feux des cameras, etc. Après ce show médiatique, la coalition Fardc-Monuc se repliait dans les villages ou cités congolaises, loin de la ligne de front. Le lendemain, les populations des ces villages assistaient aux pillages de leurs biens, aux viols de leurs femmes et filles, etc. Entretemps, les FDLR reprenaient le contrôle de leurs positions, en attendant une prochaine descente de la coalition Fardc-Monuc. Dans tout ceci, c’est la population civile congolaise qui souffrait plus des opérations conjointes Fardc-Monuc.
Ce scenario macabre est malheureusement ce à quoi on assiste encore aujourd’hui au Sud du Territoire de Lubero, notamment à Kasugho, Kagheri et Kitsumbiro. Dans ces trois localités, les éléments des « FARDC-Nord-Kivu » se comportent comme des agresseurs, sans discipline, profitant de tout pour sévir contre la population civile.
Samedi dernier, un élément des forces armées de la RDC a abandonné ses effets militaires chez un habitant de KAGHERI, une localité située à plus d’une dizaine de kilomètres de KASUGHO. Il s’agissait d’une arme et d’une tenue militaire. Craignant pour lui-même, cet habitant a alerté les « Fardc-Nord-Kivu » qui au lieu de le remercier pour son acte de patriotisme l’ont menacé verbalement, l’accusant de complicité avec les FDLR.
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Deux jours après, dans la même localité, trois boutiques ont été pillées par un Lieutenant des «Fardc-Nord-Kivu » en provenance de KASUGHO et accompagné de ses gardes. Cette soldatesque a emporté, selon des témoins, plusieurs articles parmi lesquels un poste de radio, des lampes torches et une importante somme d’argent.
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Non loin de là, à KITSOMBIRO sur la route BUTEMBO-GOMA, les militaires des « FARDC-Nord-Kivu » sèment la désolation parmi la population, commettent plusieurs exactions, pillages, vols, viols des femmes, tapages nocturnes, sévisses corporelles sur les jeunes garçons qu’ils accusent injustement de Mai-Mai, etc. Notez que les Mai-Mai du coin ont déjà intégré les « Fardc Nord-Kivu ». Selon plusieurs témoignages, les Mai Mai qui se rendent se disent maltraités par les « FARDC Nord-Kivu » dont ils font partie. Le week-end dernier, un jeune homme, jadis combattant « Mai Mai », a été battu à mort par les militaires basés à KITSUMBIRO quand il s’y était rendu pour intégrer la coalition. Aux dernières nouvelles, cet ex-Mai-Mai a été transféré dans une structure sanitaire en dehors du village de Kitsombiro où il lutterait entre la vie et la mort. Aussi dans ce village de Kitsombiro qui se trouve très loin des positions FDLR, les « Fardc-Nord-Kivu » ont instauré un couvre-feu. Personne n’est donc autorisé de sortir au delà de 19h00. Absurde ! A Kasugho qui se trouve à quelques encablures des positions FDLR, il n’y a ni couvre feu ni une grande concentration des militaires… Cette indiscipline apparente ne rassure guère la population du Territoire de Lubero.
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Pour que les opérations en cours ramènent la paix, les anciens éléments du CNDP et des milices qui réintègrent les Fardc doivent être déployé ailleurs qu’au Nord-Kivu. Leur réarmement moral dans un camp militaire pendant trois mois serait le minimum requis pour que ces éléments qui ont massacré des congolais au Nord-Kivu dans une impunité totale redeviennent normaux et crédibles porteurs d’armes.
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Le parlement congolais doit sortir de son silence pour exiger la discipline et la Justice au sein de l’armée congolaise. Les commandants au front du Nord-Kivu ne doivent pas être les mêmes que ceux qui ont collaboré dans le temps avec Nkunda et la Monuc, de triste mémoire.
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La stratégie d’attaque des camps FDLR doit changer. Les congolais sont fatigués d’apprendre que les FDLR ont fui dans la brousse sans autre précision. Pour éviter que demain la coalition Rwanda-Congo ne dise que les FDLR ont fait une apparition dans une autre province, les militaires au front doivent changer de stratégie pour contenir les FDLR en fuite et les empêcher de se disperser partout au Congo pour donner au Rwanda l’alibi de les chercher demain au Kasaï et au Bandundu. Aussi, le parlement congolais doit exiger que les forces combattantes restent jusqu’à leur remplacement par des forces de relève. Le retour du front doit être encadré par des commandants disciplinés et responsables pour éviter les pillages et les tracasseries des populations civiles. La securité dans les villages doit revenir aux forces de la police congolaise et non aux éléments du mixage contre nature qui s’opère avec une célérité déconcertante au Nord-Kivu.
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Ne pas répondre aux préoccupations ci-dessous renforcerait les congolais dans leur crainte d’une occupation rwandaise du Nord-Kivu avec la complicité du Président Joseph Kabila et du Gouvernement de Muzito.
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Correspondance particulière de Kasugho et de Kitsumbiro
Territoire de Lubero
Beni-Lubero Online





