





L’entrée des militaires rwandais au Nord-Kivu depuis le 18 janvier 2009, suscite plus d’inquiétude que d’espoir pour l’avènement de la paix dans cette partie de la RD Congo. Entrée "officiellement" après un accord signé clandestinement à Goma le 05 décembre 2008 par un groupe proche du président Joseph Kabila et les émissaires de Paul Kagame, l’armée rwandaise devrait participer à une opération conjointe avec les forces armées congolaises. Objectif, désarmer et arrêter les hutu des FDLR. Cette expédition militaire n’inspire pas confiance car elle aurait été décidée sans y associer le parlement congolais qui était en vacances. Pire, le chef d’Etat-major de l’armée congolaise, le général Didier Etumba a déclaré à nos confrères de la voix de l’Amérique, n’avoir pas été non plus associé à la préparation de cette opération. Et la Monuc, cet observateur qui évolue sur le terrain, n’aurait pas non plus été associée.
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Au regard de cette situation, on peut se demander quel genre des militaires congolais vont participer à l’exécution de cette opération si leur chef hiérarchique estime ne pas connaître les contours de l’opération. Bien que le commandement suprême des armées appartienne au chef de l’Etat, cette situation frise la trahison étant donné qu’il y a tout de même un parlement élu en RDC. Même si cette assemblée, n’est qu’une caisse de résonnance du parti présidentiel, l’AMP (Alliance pour la Majorité Présidentielle), son information sur les objectifs de l’opération, bien qu’elle ne constitue qu’une formalité, était quand même nécessaire.
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Mensonge d’Etat
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" Nous avons lancé une invitation à l’armée rwandaise qui est venue avec des officiers de renseignements. C’est ça leur mandat. C’est une opération menée conjointement par les FARDC appuyées par la Monuc" a déclaré Lambert Mende, Ministre RD Congolais de l’information. Faux. Le porte parole militaire de la Monuc, le lieutenant colonel Jean Paul Dietrich a confié:" Nous ne sommes pas associés à cette opération". Il confirme par ailleurs le mouvement des troupes rwandaises qu’il aurait évalué entre 1500 et 2000 éléments armés des Forces de Défense du Rwanda, qui ont traversé la frontière congolaise dans la zone de Munigi et de Kibati en direction du nord, sur l’axe Goma -Rutshuru. D’autres sources encore, parlent de 6 à 7000 militaires rwandais qui auraient franchi la frontière congolaise, une information relayée par RFI.
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Qui peut encore croire que les troupes rwandaises viennent seulement maintenant en RDC pour traquer les rebelles hutu alors que ce motif justifie depuis plus de dix ans la présence des éléments de l’APR sur le sol congolais! Une autre imposture de cette opération, c’est qu’elle devrait durer quinze jours d’après les concepteurs. Quel mensonge! On sait toujours quand une opération militaire commence mais on ne sait jamais quand elle finit même si on peut se permettre de minimiser l’adversaire.
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Ce qui conforte le doute sur la sincérité de cette opération, est qu’elle intervient après que Joseph Kabila ait reçu son "frère" James Kabarebe à Kinshasa, l’actuel vrai chef d’état-major de l’armée rwandaise et ancien faux chef des forces armées congolaises lors de l’entrée de l’AFDL à Kinshasa. Les congolais comme toujours et surtout les kinois, ont la mémoire courte. Ils lui ont déroulé le tapis rouge. Un des redoutables bourreaux lors du massacre qui avait suivi les affrontements de Kisangani contre l’armée ougandaise, sans oublier les massacres des hutu de Tingi-Tingi de triste mémoire. Ceux des congolais qui s’employaient à expliquer que les rwandais étaient leurs frères et que James Kabarebe était congolais, ont eu la preuve et devraient éprouver la pire honte de leur vie devant cette ignoble tragédie qui ne cesse de se traduire par la tragédie du Kivu. Il en est de même pour ceux qui ont fait voter massivement Kabila en expliquant au peuple du Kivu qu’il allait leur apporter la paix. Aujourd’hui, à travers cette opération voulue par ses mentors Kagame et Museveni dont les troupes sont également à Dungu et à Faradje, Kabila a montré son vrai visage et au service de qui il est véritablement.
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Il serait donc naïf de la part des RD Congolais de croire que le "comeback" des troupes ougandaises et rwandaises serait sans intérêt économique bien que superficiellement motivé par la neutralisation des groupes armées. Qu’elles soient LRA ou FDLR, ces forces armées négatives, ne sont pas cantonnées dans des lieux préalablement identifiés pour que l’on parle des délais pour la fin des opérations. Il n’y qu’à voir les zones de stationnement des troupes pour se rendre compte qu’elles n’ont pas été choisies par hasard. A Dungu, l’armée ougandaise ne pourchasserait plus les rebelles de la LRA et aurait repris des activités liées aux divers trafics des minerais et autres produits à forte valeur ajoutée. La preuve, c’est que 620 congolais ont été massacrés à Dungu dans une église le jour de Noël par les bandits de Joseph Kony sans aucune intervention de l’armée ougandaise ni congolaise car là aussi les opérations sont supposées être menées conjointement. D’ailleurs le capitaine Akiki, chef des opérations à Dungu, a confié à l’un des envoyés spéciaux de RFI dans la région, que la protection des citoyens congolais incombait aux autorités militaires congolaises. Et curieusement, cette armée ougandaise demande à Kinshasa de prolonger son séjour sur le territoire congolais. Pour quoi faire? Alors que les insurgés de la LRA continuent de tuer les pauvres innocents à Faradje!
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Tous ces faits démontrent à suffisance que toutes ces opérations militaires échappent complètement au contrôle du gouvernement congolais et dont les vraies motivations sont ailleurs. Et les rares témoignages qui viennent de Dungu où la chasse aux rebelles de la LRA est supposée être conjointe, rapportent que les factions congolaises font figure de parent pauvre à côté des campements ougandais visiblement bien ravitaillées et militairement bien équipés.
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Curieuses coincidences
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Pour que ce redéploiement militaire rwandais n’attire pas l’attention, tout a été planifié au moment où l’opinion internationale était préoccupée par l’investiture du Président Obama et par la guerre de Gaza. Puis les surprenantes propositions de paix de Sarkozy pour le Nord-Kivu où tout se résume en partage des richesses et de l’espace avec les rwandais et l’intégration de la minorité tutsi. Il convient de souligner que le Président Sarkozy n’a pas parlé en l’air. Cette opinion est répandue dans les milieux politiques de la communauté européenne et curieusement le belge Louis Michel à qui on reproche de trop voyager en RDC, défendrait la même idée. Or ces européens oublient qu’il n’ ya pas de"no man’s land" en RDC et que la meilleure des propositions devrait être celle de nous permettre tout d’abord de profiter de nos richesses avant de nous demander d’en partager avec les rwandais. Mais attention! Si Sarkozy devient subitement défenseur de Kagame, c’est parce que les relations entre Paris et Kigali ne sont pas au beau fixe depuis le génocide de 1994 mais aussi après l’arrestation mouvementée de Rose Kabuye, responsable du protocole de l’homme fort de Kigali. Celle-ci aurait été citée dans l’enquête sur la mort de Juvénal Habyarimana dans l’explosion de son falcon le 6avril 1994, qui avait déclenché le génocide. Rose kabuye aurait été utilisée comme monnaie d’échange contre la normalisation des relations entre Paris et Kigali. Libre sous contrôle judiciaire, elle s’est même rendue à Kigali le 22 décembre 2008 avec l’obligation de rentrer en France avant le 10 janvier. Les indiscrétions laissent croire qu’elle serait rentrée de Kigali avec un cahier des charges. Recoupés avec les conclusions de l’émissaire de M. Sarkozy auprès de Kabila, M. Bruno Joubert, son conseiller pour l’Afrique, ces propositions auraient motivées les déclarations de Sarkozy qui ne sont pas sans rejoindre les visées de Kigali sur le Nord-Kivu à travers cette opération militaire décidée précipitamment. Un autre fait non moins important, c’est que les autorités rwandaises ont décidé, depuis le 14 octobre 2008, de remplacer le français par l’anglais comme langue d’enseignement et d’administration. Un allié linguistique de moins au profit des anglophones dont l’influence ne cesse de croître en Afrique et dans les anciens pays de la francophonie.
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Enfin, les déclarations simultanées de cessez-le-feu des factions rebelles du CNDP et l’annonce de "l’arrestation" de Nkunda. Arrestation pour la consommation extérieure car Kigali a déjà prévenu qu’il ne sera pas extradé vers Kinshasa. Il est chez lui à Gisenyi. Sous bonne garde de James Kabarebe et aux petits soins pour avoir rempli sa mission. La préparation de l’occupation du Nord-Kivu tant psychologique que militaire. D’ailleurs, à en croire son porte-parole, Bertrand Bisimwa, Nkunda reste le patron du CNDP et c’est lui qui aurait désigné Ntaganda pour participer au commandement de l’opération conjointe FARDC-APR. Tant qu’il sera entre les mains de ses frères tutsis, il ne sera pas en état d’arrestation car il n’y a pas de cour pénale internationale au Rwanda.
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En attendant, Kabila organisera toujours des messes noires au service de ses maîtres à qui il doit son pouvoir et au détriment des congolais. Et surtout les ressortissants du Nord-Kivu, qui ont du mal à se trouver un leader pour préparer l’alternance. Car pareille trahison ne saurait être acceptée si ce n’est se moquer de la mémoire de plus de six millions de congolais tombés sous les balles, les viols et autres exactions des rwandais hutu et tutsi confondus qui exploitent et occupent le Kivu pendant plus de dix ans.
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Faustin MBUSA KAHUNDIRA
Rennes /France
Beni-Lubero Online





