La grande famille Beni-Lubero vient de s’enrichir d’un tout nouveau Docteur en Philosophie en la personne de PALUKU MAKOMERA HENRI qui a défendu sa thèse avec brio le Mardi 19 juin 2007, à l’Université Saint Thomas d’Aquin de Rome. Que l’heureux lauréat reçoive ici les vives félicitations de tous les Amis de Beni-Lubero Online.
Celui qu’on appelle désormais Docteur Makomera est un vrai bubolais, né à Furu/Butembo, diplômé de l’Institut Kambali, Licencié en Philosophie de l’UNILU. Avant de poursuivre ses études de troisième cycle dans la ville éternelle, Docteur Makomera était Assistant chargé des cours de Philosophie dans tous les Instituts Supérieurs de Beni-Lubero. Nombreux parmi les journalistes et correspondants de BLO sont ses anciens étudiants.
Docteur Makomera qui se prépare à retourner au pays est porteur d’un message de justice, de tolérance et de paix. En effet sa thèse porte sur les paradoxes et les enjeux de la justice selon le philosophe français Paul Ricœur. Dr Makomera qui sait que son pays natal, la R.D. Congo, a aujourd’hui besoin d’une justice juste et d’une paix véritable, a bien souligné dans sa thèse que la justice et la paix véritables passent par un renforcement “des stratégies éducatives de prévention des conflits et de promotion de la culture de la justice et de la paix dans les différents milieux, familiaux, scolaires, universitaires, médiatiques et religieux”. Le chemin vers la justice selon Docteur Makomera dépasse ainsi de loin les arrangements entre cavaliers ou seigneurs de guerre, la paix faite à l’étranger qu’on voudrait transmettre par colis fermé aux congolais. La justice juste, la paix véritable est celle que deux parties opposées se donnent et se promettent mutuellement, elle est l’apanage de tous, l’affaire de tous les êtres de l’univers. Docteur Makomera n’oublie pas la dimension écologique (ou cosmique) de la justice. En effet, la vraie justice est un équilibre et une harmonie entre les humains et leur environnement physique immédiat. Ainsi celui qui détruit l’environnement est aussi injuste que celui qui tue son frère humain. Cette conception de la justice qui allie les humains, la faune et la flore, bref tous les êtres vivants et non-vivants de l’écosystème, est tellement un passage obligé que feu Jean-Paul II avait demandé dans son message sur la crise écologique que les catholiques romains confessent aussi leurs péchés écologiques. En incluant cette dimension écologique dans sa conception de la justice, la thèse de Makomera se veut exhaustive dans son approche et interpellante pour son pays qui fait dans la douleur l’expérience des limites d’une justice sélective de ses bénéficiaires, les limites des superstructures qui veulent faire la paix à la place des concernés, les limites de la paix des délégués et dialogueurs qui n’écoutent pas la base et qui trouvent que l’intérêt supérieur de la nation peut passer par le sacrifice des provinces entières (le cas du Kivu) sur l’autel des intérêts partisans… La voie royale de la justice humano-cosmique que Docteur Makomera défend dans sa thèse est l’éducation, l’engagement, la responsabilisation de tous, y compris les philosophes comme lui qui ne doivent pas se limiter à enseigner des théories de justice et de paix mais qui doivent devenir des véritables “éveilleurs des consciences”, des « conseillers juridiques », des «éducateurs et thérapeutes sociaux».
Les congolais engagés dans la recherche de la justice et de la paix en R.D.Congo trouveront dans cette thèse combien pertinente et dans son auteur, l’outil dont ils ont besoin en ce moment précis de notre histoire. Pour s’enquérir de toutes les richesses de cette brillante thèse, contactez Dr Makomera en lui écrivant à : yvemak2002@yahoo.fr.
Beni-Lubero Online
ESSENCE, PARADOXES ET ENJEUX DE LA JUSTICE
SELON PAUL RICOEUR
UNE ARTICULATION ETHICO-MORALE ET JURIDIQUE
Résumé de la thèse de doctorat en philosophie
En commençant par répondre d’abord à la dernière question, une lecture croisée, verticale et horizontale des grandes étapes de l’itinéraire biographique et intellectuel de notre philosophe nous a révélé que ce dernier est un homme du long chemin. Un homme qui n’a pas seulement réussi dans sa carrière scolaire, estudiantine et professionnelle mais qui, dès son jeune âge, s’est également confronté à des situations tragiques de souffrance, d’échec, de violence, de guerre, de prison et d’injustice de toute sorte. Ce qui peut facilement justifier son intérêt pour des questions de justice sociale.
Homme de dialogue, il a également discuté, directement ou indirectement, avec plusieurs penseurs et plusieurs courants philosophiques et non philosophiques. Mais en même temps, avec chacun de ces courants, il a su maintenir une distance critique, grâce à sa méthode rigoureuse articulant principalement les trois procédés conjugués de l’analyse réflexive, de la phénoménologie herméneutique et de l’approche dialectique. Cette dernière s’exprimant précisément dans les figures de la dialogique et des conversations triangulaires, du refus d’un système clos, des apories et des paradoxes, de la spirale et des médiations imparfaites, de l’engagement théorique et pratique.
Sa pensée qui embrasse presque tous les domaines de la philosophie peut se laisser systématiser en quatre axes majeurs: une anthropologie philosophique avec les travaux sur la phénoménologie de la volonté. Une philosophie du langage qui s’articule sur une phénoménologie herméneutique de la symbolique du mal, des figures du récit et du temps. Une philosophie éthico-morale portant sur la politique, l’économie, la médecine, la justice et le droit. Enfin, la théologie et l’exégèse biblique, comme types de discours situés au de-là des frontières de la philosophie. Mais selon Ricœur, une distinction nette doit être maintenue entre ces deux domaines, au nom d’une certaine rigueur méthodologique, et sous peine de confusion de genre.
Mais en dépit des détours méthodologiques et des articulations ci-haut évoquées, il s’est avéré que le thème de la justice constitue le point de départ et le centre de la philosophie ricoeurienne de l’agir.
La spécificité de la conception ricoeurienne de la justice, s’enracine dans une vision anthropocentrique et relationnelle de la personne humaine. Celle-ci étant comprise, non pas seulement comme un composé de corps matériel et d’une âme spirituelle, mais aussi et surtout comme un sujet capable et fragile. La personne humaine est, en effet, capable de parler, d’agir, de raconter sa vie dans un récit cohérent, et de s’imputer la responsabilité de ses actes. Mais en même temps, ces capacités ci-haut évoquées sont constamment limitées ou contrariées par des incapacités également inscrites dans sa nature : l’incapacité du langage à tout dire, l’incapacité d’agir qui se traduit par la passivité, l’’incapacité de raconter sa vie dans un récit sensé. Enfin, l’incapacité de s’imputer la paternité de ses actes qui se traduit par la fuite de responsabilité. Ce sont ces incapacités ou ces fragilités qui expliquent la possibilité anthropologique du mal et de l’injustice.
Ces incapacités s’expliquent non seulement par le fait de la finitude de la personne humaine, mais aussi et surtout par le fait que celle-ci est le lieu d’intersection de différentes figures de la disproportion. Disproportion dans le pouvoir de connaitre, à mi-chemin entre la limitation perspectiviste de la sensibilité et l’infinitude du pouvoir de l’entendement à dire l’Absolu. Disproportion dans le pouvoir d’agir, à mi-chemin entre la finitude pratique ou corporelle du sujet humain et l’infinitude du pouvoir de la volonté en quête du bonheur. Dans le pouvoir de sentir, la disproportion s’exprime par des conflits entre l’intentionnalité et l’intimité du sentiment, la simplicité de la vie personnelle et la complexité de la nature humaine, enfin de la nature conflictuelle des passions dans le cœur déchiré d’une personne en quête de la paix perpétuelle. Toutefois, malgré ses différentes fragilités, la personne reste un sujet capable de mémoire et de promesse, et donc finalement capable d’auto-transcendance et d’espérance. Ce qui justifie l’optimisme encore possible pour l’instauration du règne du bien, de la justice, de la reconnaissance mutuelle, et finalement de l’harmonie sociale et cosmique.
De toutes ces considérations, Ricœur déduit une idée de la justice située à mi-chemin entre l’éthique, la morale et le droit.
1°. Dans le cadre éthico-moral, il fonde la justice sur une triple perspective : téléologique avec Aristote, déontologique avec Emmanuel Kant, et procédurale avec John Rawls. En prenant soin de distinguer rigoureusement l’éthique d’avec la morale, il définit la première comme visée d’une vie heureuse, avec et pour les autres, dans des institutions justes.
La morale se définit comme un ensemble de normes fondées sur le devoir: devoir du respect de soi au nom de la bonne volonté et de l’autonomie du sujet ; devoir du respect de l’autre et de l’universalité de la norme au nom de la règle d’or ; et devoir du respect de la loi grâce à l’institution du contrat social.
Dans la perspective procédurale, Ricoeur fonde son analyse sur la notion de conflit. En suivant cette fois-ci, le mouvement inverse allant du général au singulier, il met d’abord en évidence des situations de conflit au sein de l’institution conçue comme totalité. La visée de la sagesse est d’abord de concilier la prétention à l’unité institutionnelle avec le respect de la pluralité, et cette dernière avec des exigences d’autonomie et d’auto-législation du sujet personnel. Cela exige une éthique de la discussion en vue d’une compréhension partagée des convictions bien pesées. Ce qui permet de passer de la sollicitude naïve à la sollicitude critique, privilégiant le respect des personnes dans leur singularité plurielle.
2°.Dans la perspective juridique, Ricœur préfère partir « directement des problèmes internes au droit dans son double rapport à l’idée directrice du juste et à l’aporie du droit de punir.» La justice se trouve ainsi considérée par rapport aux conflits faisant appel à un ensemble des lois positives définies dans le cadre d’une institution publique avec ses juges, ses tribunaux et ses procédures impliquant un débat de paroles qui tranche le conflit en identifiant le coupable à sanctionner et la victime à dédommager. La procédure judiciaire ou pénale conjugue ici une double finalité. D’une part une finalité courte qui consiste à trancher un conflit entre deux parties à l’issue d’une procédure judiciaire qui vise à la réhabilitation relative des deux antagonistes par rapport à la loi et à l’institution. D’autre part, une finalité longue qui vise à contribuer à la paix sociale et à l’harmonie cosmique par des stratégies de prévention des conflits.
Mais aussi, l’approche ricoeurienne de la justice nous a révélé que les différentes procédures juridiques ne vont pas toujours de soi. Elles conduisent parfois à des apories quasi insurmontables qui, peuvent se traduire par des conflits de principes ou de normes à différents niveaux d’exercice de la justice (éthico-moral, juridico-politique, socio-économique et technico-scientifique, écologico-cosmique, onto-théologique, épistémologique et médico-social ; national et international.
Ainsi, au niveau éthico-moral, il y a le conflit entre la prétention à l’autonomie et les limitations liées à la fragilité humaine. Ce qui conduit aux apories de la responsabilité, laquelle peut être individuelle ou collective; passée, présente ou future.
Au niveau juridico-politique, il y a le conflit entre le souci du vouloir bien vivre et agir ensemble, à mi-chemin entre la rationalité et la violence. La démocratie pluraliste, participative et délibérative, à mi-chemin entre le consensus de la majorité et les droits de la personne. Enfin, le paradoxe de la sanction, à mi-chemin entre la violence et la réhabilitation, entre le pardon et l’impunité, entre la torture ou la peine de mort et le respect de la vie. Toutes ces antinomies ne peuvent être surmontées qu’au nom du respect de la dignité de la personne humaine, coupable ou victime.
Au niveau socio-économique, et technico-scientifique, il y a un conflit entre le souci d’accroissement du profit et du bien-être matériel inversement proportionnel à la perte du sens de l’humain. Ricœur introduit ici les concepts de choix collectif et de démocratisation économique dans la planification et la prévision rationnelle des activités de production. Cela exige l’éducation à la prise de conscience de l’importance de tels enjeux ainsi qu’à la nécessité de les articuler autour du respect de la dignité humaine.
Au niveau écologico-cosmique, il y a conflit entre le souci de maîtrise de la nature et l’ensemble des limitations physiques et intellectuelles de la personne humaine. Ce qui conduit aux paradoxes de la responsabilité individuelle, collective et future. A ce propos Ricoeur complète l’impératif kantien d’agir selon une maxime d’action qui peut être considérée comme un principe universel, par celui de Hans Jonas qui recommande d’agir de telle sorte que l’humanité future soit toujours possible. Cela suppose un certain degré de compréhension et de maîtrise de l’ordre cosmique. Car la morale et la justice impliquent ici non seulement le respect de l’individu à l’égard de lui-même, d’autrui et des institutions, mais aussi à l’égard de la nature et de toute la création entière.
Au niveau onto-théologique, il s’est révélé un paradoxe entre les exigences de la justice pénale et le commandement de l’amour. Ce qui entraine les conflits entre la conviction et la tolérance dans les relations interpersonnelles, interinstitutionnelles, interreligieuses et interculturelles. Mais pour Ricœur c’est l’éthique de la charité qui permet de surmonter métaphoriquement toute contradiction d’ordre existentiel.
Au niveau épistémologique, en partant du principe rawlsien selon lequel « La justice est la première vertu des institutions sociales comme la vérité l’est des systèmes de pensée » Ricœur pose le problème de conflit entre justice, vérité et bonheur. Par exemple, si au nom du principe éthico-moral de l’interdiction du mensonge, «il faut impérativement dire la vérité», et si par ailleurs, au nom de la sagesse pratique, « toute vérité n’est pas bonne à dire », comment, dans la vie pratique, concilier ces deux préceptes ?
Au niveau médico-social, Ricœur a voulu mettre en exergue la fonction thérapeutique de la justice, en démontrant que la procédure judiciaire devrait suivre analogiquement les articulations du jugement médical, lesquelles peuvent se ramener à une structure à trois niveaux: d’abord celui de l’expérience de la souffrance et du souci d’en être délivré. Ensuite, celui du contrat de soins entre le patient et le médecin. Enfin, celui de la prescription médicale. Ricœur a dégagé ici quelques paradoxes ou limites: entre le souci de guérir qui peut être limité par le coût financier et la gestion administrative des soins de santé, entre l’exigence du secret et le droit à la vérité, les exigences de la santé individuelle et celles de la santé publique. Le choix d’une décision juste devra être déterminé ici, d’une part, par la recherche d’un équilibre réfléchi entre la totalité et la pluralité singulière des individus ; d’autre part, par le consentement éclairé du patient dans une situation d’incertitude. La finalité dernière doit être de sauver la vie de la personne humaine, considérée dans sa dignité inaliénable.
Au niveau des relations internationales enfin, il s’est posé le problème du conflit entre le souci de préserver jalousement les identités nationales, et la nécessité d’ouverture à l’espace des relations internationales. Selon Ricœur il convient d’instituer de justes rapports sur base d’une reconnaissance mutuelle des identités personnelles et narratives, garantie par des institutions internationales dotées d’un pouvoir et d’une autorité reconnus par tous.
Au niveau de la problématique philosophique des rapports entre africanité, occidentalité et mondialisation, en partant des idéologies d’inféodation et de négation du statut anthropologique de l’homme africain et de la négation du statut philosophique de la pensée africaine par des philosophes comme David Hume, Heidegger et Hegel ; et des objections de Cheik anta Diop, Théophile Obenga et Grégoire Biyogo, grâce à la théorie ricoeurienne de la narrativité, nous avons conclu à l’idée qu’il ya aussi un problème de justice ou d’injustice dans la manière de raconter notre propre histoire ainsi que celle des autres. Ainsi en est-il par exemple du problème de l’origine égyptienne de la philosophie grecque.
Face à tous ces différents paradoxes ci-haut évoqués, la décision juste doit être déterminée, d’une part, par le principe du juste milieu, d’autre part, par l’estime et le respect de la personne, de sa dignité et de son humanité en vue du vouloir bien vivre et agir ensemble dans une communauté nationale et internationale. Mais cela ne va pas toujours de soi. Une telle perspective de la justice comporte aussi des limites ou des contradictions internes qui nous offrent comme l’occasion de poser de nouvelles interrogations qui ouvrent à de nouvelles perspectives de recherche.
Tout d’abord, si c‘est dans la dignité humaine que doit consister le principe du juste milieu ou de la juste distance dans toute prise de décision, il nous semble aussi bien que la difficulté demeure, celle de savoir quel en est le statut épistémologique. Par exemple, quelle peut être la juste mesure ou le point d’équilibre réfléchi dans la considération du principe du respect de la dignité humaine appliqué, d’une part, à un individu singulier et, d’autre part, à une communauté humaine, à une minorité ou à une majorité populaire, si du moins nous convenons que toute vie vaut, et qu’aucune ne doit être sacrifiée? En tout cas il nous a semblé qu’il y a ici une indétermination difficile à lever qui fait que la décision juste sera toujours objet de consensus-conflictuels ou de compromis toujours fragiles et provisoires.
En outre, si un des aspects pertinents de l’approche ricoeurienne est d’avoir montré que la justice ne doit pas se borner dans le cadre formel de la procédure judiciaire, du fait même qu’elle doit embrasser tous les plans de manifestation de la vie humaine, cela pose paradoxalement un autre problème, celui qui consiste à introduire dans la procédure pénale des catégories méta-juridiques, voire méta-éthiques. Ce qui se vérifie par le recours que fait Ricœur à la poétique de l’amour et du pardon pour résoudre en dernière instance les paradoxes de la justice et de l’injustice. Mais il se fait que Ricœur n’en détermine pas précisément et pratiquement la possibilité et la procédure.
C’est pour cette raison que nous avons insisté aussi sur la nécessité d’associer aux instances judiciaires des structures d’accompagnement psycho-pédagogique, médical et spirituel, pour pallier les insuffisances du formalisme de la logique juridique. Plus concrètement, afin de maintenir une continuité de l’espace civique entre le milieu public et le milieu carcéral, l’on institutionnaliserait la création des infrastructures minimum pour l’entretien de la culture intellectuelle, des ateliers d’apprentissage des métiers, des sales de lecture, des sales de spectacle, des services d’assistance médicale et des aumôneries pénitentiaires. Ces différents services seraient assurés par des personnes compétentes chargées d’accompagner des individus en difficulté, en vue d’une réhabilitation civique, sociale et humaine, au cours de la procédure judiciaire, allant de l’espace du tribunal à la prison et après la détention.
Dans le même sens, si Ricœur a eu le grand mérite de mettre en évidence la structure triadique du mouvement de la justice comme devant se fonder sur une éthique, une morale et une phronesis mettant en jeu le souci et le respect de soi, de l’autre et de l’institution, nous avons pensé élever systématiquement cette dialectique au niveau des relations internationales. En suivant la structure dialectique propre à la démarche ricoeurienne, nous pouvons décliner ici la justice dans un schéma également triadique articulé dans la promesse d’une cité heureuse, dans un réseau de relations régionales, nationales et internationales, régies par de justes institutions nationales et internationales. D’où l’importance évidente d’une bonne politique et d’une éthique des relations internationales dans un univers mondialisé.
Au niveau écologico-cosmique, nous avons repris le même principe en le reformulant de la manière suivante : «visée d’une vie bonne, avec et pour les autres, dans des institutions justes, et en parfaite harmonie avec l’ordre cosmique et divin». Cette nouvelle formule permet d’intégrer le principe responsabilité de Hans Jonas auquel Ricœur fait d’ailleurs allusion pour justifier la nécessité de respecter l’ordre entier de la création pour la pérennité de l’humanité.
Enfin, nous savons que la finalité de la justice consiste, non seulement à résoudre des conflits, mais aussi à les prévenir. Par conséquent, il s’avère aujourd’hui nécessaire d’associer aux instances politico-administratives, des commissions de consultation d’éthique qui seraient chargées d’évaluer la portée et les conséquences pratiques et socio-psychologiques des décisions juridiques et des procédures pénales. Ces comités seront représentés dans les différentes institutions et dans les différents secteurs de la vie publique, aux niveaux régional, national et international. Et pourquoi ne pas instituer carrément dans les gouvernements politiques une place pour le ministère des affaires éthico-morales et religieuses s’il est vrai que l’on croit en la personne humaine et en sa dignité?
Mais si la première source du conflit réside dans le cœur du sujet humain il va de soi que la première arme pour s’en prévenir consistera à cultiver les vertus de la tolérance et de la non-violence active par le moyen de l’éducation. C’est pourquoi nous accordons aussi une attention particulière à la nécessité de renforcer des stratégies éducatives de prévention des conflits et de promotion de la culture de la justice et de la paix dans les différents milieux, familiaux, scolaires, universitaires, médiatiques et religieux. Les institutions d’enseignement philosophique devraient pour cela contribuer efficacement à l’éveil des consciences en formant des philosophes « conseillers juridiques » et des philosophes «éducateurs et thérapeutes sociaux». Ce serait là un moyen de «démocratiser et de responsabiliser la philosophie» en la rendant proche de la société et de ses problèmes concrets.
Dr. Paluku Makomera Henri
Rome
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