




Le Diocèse de Butembo-Beni est en deuil à la suite du décès de l’Abbé Alphonse Mavondo retrouvé mort dans son lit à Musienne le vendredi 25 mai 2007 vers 19h00 heure locale. L’abbé Mavondo était au repas de midi avant de faire la sieste méritée pour un serviteur de son âge. A l’heure du repas du soir, l’abbé Mavondo n’était pas au rendez-vous, lui qui toute sa vie durant a été ponctuel à tous les exercices communautaires. Un confrère prêtre qui était allé s’enquérir de ce retard inhabituel, le trouva couché paisiblement dans son lit et plongé dans un profond sommeil duquel il se réveillera le jour de la résurrection des morts. En serviteur bon et fidele, l’abbé Mavondo est donc retourné au père en un moment secret que lui seul connait et que Dieu, dans son plan insondable a choisi pour lui.
Né à Vitungwe en 1933, l’abbé Mavondo avait 74 ans d’âge, et 44 ans de ministère sacerdotal. Sachant que le Diocèse de Beni a été érigé en 1938 avant d’être appeler Diocèse de Butembo-Beni en 1967, on peut dire que l’abbé Mavondo était de la première génération des prêtres congolais du Diocèse de Butembo-Beni. Né de la famille royale de Muhiyi-Mushakulu, du clan Bashu, à Vitungwe, chef-lieu du groupement Bunyuka, l’Abbé Mavondo (que les gens de son village natal appellent plutôt Mavunda) a fait ses études sacerdotales à Moba, au Nord-Katanga. Nommé vicaire paroissial à la paroisse de Luotu, le jeune abbé s’intéresse à l’agriculture mais surtout à l’élevage des lapins et des porcs. Pour développer cette unité de production de la paroisse, il prend conseil auprès des Pères Assomptionnistes belges de Mulo qui l’aident techniquement à en améliorer le rendement. Quand le premier évêque du diocèse demandera d’étoffer le personnel de la procure par des prêtres autochtones en préparation du remplacement des missionnaires vieillissant, les assomptionnistes belges qui connaissaient Mavondo grâce à son initiative sans précédent dans un domaine traditionnellement réservé aux frères convers (religieux non-prêtres) s’empressèrent à soutenir, contre tout entendement de la part du clergé autochtone, la candidature de ce jeune prêtre qui surprenait tout le monde en passant des longues heures au champ et entre des étables d’animaux de basse-cour. Pour les missionnaires belges, l’abbé Mavondo était le modèle de l’ascèse sacerdotale et de l’autofinancement du diocèse, un exemple que les missionnaires voulaient imposer aux prêtres autochtones pour les préparer à subvenir eux-mêmes à leurs besoins matériels. Cette mission n’était pas facile surtout à l’époque de la lutte pour l’indépendance quand, demander à un prêtre autochtone d’aller planter des choux pour sa subsistance pouvait être interpréter comme une sous-estimation du prêtre autochtone par le missionaire belge. L’abbé Mavondo, homme de son temps et prophète, a senti en lui ce charisme de l’autofinancement par le travail manuel en une époque où plusieurs congolais pensaient que l’indépendance « Tcha-Tcha » allait mettre fin au travail manuel comme à toutes sortes de corvées… Mgr Piérard qui se faisait des soucis d’argent pour les œuvres de son diocèse, ne pouvait pas ne pas nommer ce jeune prêtre amoureux du travail manuel dans l’équipe de la procure diocésaine. A partir de cette nomination, l’Abbé Mavondo gravira tous les échelons de son domaine pour devenir Procureur et Econome du Diocèse de Butembo-Beni pendant plus de trente ans.
Dans les années 70 quand Rome fit le contrôle des finances des diocèses du Congo, les missionnaires assomptionnistes rapportent que le diocèse de Butembo-Beni était sorti modèle de bonne gestion des biens de l’Eglise grâce à la sagesse pratique de cet homme de Dieu qui a tenu la caisse du Diocèse de main de fer pour s’assurer que les biens du diocèse étaient mis au service de la pastorale et rien que la pastorale. Ceux qui ont travaillé avec l’abbé Mavondo rapportent combien pour lui l’intention du donateur était sacrée et ne pouvait être changée. Sa rigueur dans la gestion économique du diocèse lui a valu tous les surnoms des hommes chiches au point que tous les économes qui lâchent difficilement un billet de banque sont surnommés jusqu’à nos jours « Mavondo », « Croco » à la suite du patriarche Alphonse Mavondo que le Seigneur vient de rappeler auprès de lui. Loin d’être un défaut, la rigueur et l’ascèse dans la gestion du bien commun constitue le plus bel héritage que l’abbé Mavondo lègue aux économes diocésains de tout temps et de tout lieu.
Quand j’ai rendu une visite de courtoisie à l’illustre disparu au mois de Février 2003 au Petit Séminaire Tumaini Letu de Musienene, je lui ai posé la question de son intégration dans la communauté du Petit Séminaire après près de 40 ans passés dans la haute sphère de la gestion économique diocésaine. Sa réponse était que la transition était facile et qu’il avait la paix du cœur, non seulement parce qu’il avait derrière lui une carrière bien accomplie mais parce que, pendant sa retraite, il avait eu l’occasion de voir ceux qui critiquaient ses méthodes de travail se rendre à l’évidence, après expérience, qu’il n’y a pas de bonne gestion du bien commun sans une bonne dose de rigueur et d’ascèse.
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Du point de vue économique, on peut dire sans peur de se tromper que l’abbé Mavondo est un des fondateurs du diocèse de Butembo-Beni. Le diocèse gardera de lui un souvenir de l’amour du travail, la discipline, la rigueur, le respect de l’intention du donateur, le respect du bien communautaire, l’ascèse dans les relations, etc.…
Dans un pays comme le Congo où socialement le prêtre fait partie de la classe moyenne, les amis et les membres de famille attendent souvent de lui une aide matérielle en cas de besoin. L’abbé Mavondo bon élève de l’enseignement social de l’Eglise, était respectueux du bien commun du diocèse ou des paroisses. Il savait très bien distingué sa poche de la caisse diocésaine en maintenant méticuleusement une comptabilité séparée pour chaque œuvre diocésaine.
La rigueur de l’abbé Mavondo était impartiale car elle réglementait ses relations avec tous sans distinction aucune. Les prêtres pour qui il était le trésorier diocésain ne recevaient de lui qui ce qui leur revenait. Les membres de famille avaient appris de lui qu’ils ne pouvaient pas compter beaucoup sur lui pour des aides matérielles car, leur disait-il, les biens qu’ils géraient appartenaient non a lui mais au diocèse. Ainsi, par exemple, il n’acceptait pas qu’un membre de famille lui amène une facture à payer, etc.… Quand il avait quelque chose, il pouvait donner de son gré à quiconque était dans un besoin réel. . Ainsi, l’abbé Mavondo a su démontrer à ses amis ainsi qu’aux membres de sa famille que comme Procureur et Econome du diocèse, il n’était pas propriétaire des biens qu’il gérait au nom du diocèse et que par conséquent, il ne fallait pas espérer recevoir de lui des biens ou de l’argent supérieur a son argent de poche. Pour avoir été clair du début à la fin, l’abbé Mavondo était en paix vis-à-vis da sa famille qui avait compris le sens de la pauvreté évangélique et du bien commun.
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En ce sens, l’abbé Mavondo est un exemple à imiter. Que là où il repose auprès de Dieu, il intercède pour tous les abbés, les religieux et les religieuses qui peinent à rester fidèles aux exigences du bien commun dans un contexte de pauvreté ! Abbé ou Saint Mavondo, Prie pour nous ! Prie pour les économes ! Prie pour les gestionnaires du bien commun ! Et que ton âme repose dans la paix du Seigneur en attendant le jour du Seigneur!
Vincent K. Machozi, a.a.
Boston University, MA (USA)
Beni-Lubero Online
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