Les ONG internationales opérant au Nord-Kivu sont accusées par les patriotes Mai-Mai de transporter des armes vers les localités où s’infiltrent les rwandais. L’ONG Allemande AAA vient d’être la première victime de ces accusations..
Dans la journée de samedi 10 septembre 2011, précisément à 9h30 du matin, un véhicule de l’ONG allemande AAA en provenance de Kirumba pour Butembo est tombé dans les mailles des patriotes Mai-Mai commandés par un certain MWENYE UDONGO à Kaseghe, à quelques 10 km de la cité de Lubero. Le chauffeur du véhicule ainsi que 5 agents de l’ONG AAA ont été kidnappés par la bande du commandant MWENYE UDONGO, un sobriquet qui veut dire « Propriétaire du Terrain » en Swahili ou « Mokolo Mboka » en Lingala.
D’après un sms parvenu à la rédaction de Beni-Lubero Online, voici les noms des agents de l’ONG AAA kidnappés par les Patriotes Mai-Mai de MWENYE UDONGO qui les accusent de complicité avec l’ennemi de la R.D. Congo :
- Mr SIWAKO
- Mr Kambale MUYISA
- Mr. John KISOMERYA
- Mr. Joseph LUSI
- Mlle Aimée KAVUGHO, Etudiante en G2 Economie, UCG/Butembo).
Jusqu’au soir du dimanche 11 septembre 2011, une équipe des Fardc continuait de négocier la libération des otages ci-hauts cités auprès du Commandant MWENYE UDONGO.
Les Patriotes Mai-Mai de MWENYE UDONGO accuseraient au moins 4 ONG de transporter des armes et minutions de guerre vers les localités du Nord-Kivu où l’infiltration rwandaise est intense. Il s’agit de :
– HCR (Haut Commissariat pour les Réfugiés)
– Croix Rouge International (CICR)
– NRC (Norvegian Refugees Council)
– AAA (Agro Action Allemande)
Paysage de Kiribata-Vuholu en Territoire de Lubero
Le kidnapping de Kaseghe sur la route Butembo-Goma aurait été une surprise car les accusations des ONG internationales comme cinquième colonne de l’occupation rwandaise de l’Est de la RDC sont plus répandues plutôt dans la région de BUNYATENGE où le climat serait déjà très tendu entre les Mai-Mai d’une part, les ONG internationales et les infiltrés rwandais d’autre part.
Les rumeurs qui circulent à Bunyatenge font état de l’imminence d’une conquête armée du Nord-Kivu par les infiltrés rwandais au lendemain de l’annonce des résultats des élections du 28 novembre 2011. Les infiltrés rwandais à qui les armes seraient destinées sont ceux que les ONG internationales à la barre avaient choisi d’appeler tantôt « retournés du Rwanda », tantôt « refugiés congolais du Rwanda », etc.
Ces rumeurs sont prises au sérieux d’autant plus que le Gouverneur de la Province, Mr Julien Paluku Kahongya a dit sur la Radio Onusienne OKAPI qu’il craignait une guerre civile au Nord-Kivu. Mais comment peut-on parler de guerre civile si seulement une partie des civils est armée ? Au lieu de guerre civile, plusieurs observateurs craignent plutôt un génocide au Nord-Kivu et dont les victimes seraient les populations congolaises autochtones. Les exécutants de ce génocide seraient les forces d’occupation rwandaise en action depuis septembre 1996 et les infiltrés rwandais bénéficiaires des armes que certaines ONG seraient entrain de disséminer dans la région en même temps que les kits de réinsertion de soi-disant retournés du Rwanda. Les armes feraient donc partie des outils de réinsertion. Une première dans l’histoire.
Les lecteurs de Beni-Lubero Online se rappelleront que la suspicion des ONG internationales ne date pas d’aujourd’hui comme on peut le lire dans les dépêches suivantes :
- Des ONG soupçonnées de poursuivre la guerre d’occupation de Lubero
- Traces de l’USAID au camp des envahisseurs rwandais au Sud de Lubero
3. Révélations des envahisseurs rwandais au Sud de Lubero
4. Où est passé le premier contingent des rwandais aperçus à Kirumba ?
5. L’ONG Merlin nie avoir hébergé des rwandais à Kirumba
6. Occupation rwandaise en marche: 1er contingent à Kirumba/Lubero
7. Révélations d’un déserteur du CNDP sur les Caches d’armes au Nord-Kivu
La participation des ONG, des Humanitaires, des Journalistes, etc. à la guerre d’expansion du capitalisme sauvage à travers le monde est bien documentée par les experts. Les chefs des programmes de ces ONG sont souvent d’anciens officiers de renseignement ou d’anciens militaires dans leurs pays d’origine.
Parlant des guerres américaines secrètes en Afrique, le chercheur américain Wayne Madsen, révèle, par exemple, que la firme de securité britannique DSL ( Defense Systems Limited) appui les équipes du Comité International de la Croix Rouge ( CICR) et que très souvent la Croix Rouge est utilisée comme couverture pour expédier des armes dans les pays en conflits en Afrique Centrale. Ces armes seraient apparemment cachées parmi les stocks de nourriture et de médicaments[1]
L’historien Français Gérard Prunier dans un de ses livres décrit la manie de l’occident de laisser pourrir les conflits en Afrique, tel le problème des refugiés rwandais au Kivu entre 1994 et 1997, en le traitant non comme un problème politique mais comme une crise humanitaire[2]. Mobutu avait beau dire que son pays était agressé par le Rwanda et l’Ouganda, aucun des décideurs du monde ne l’écoutait. Leur grande préoccupation était de trouver une solution au problème des refugiés Hutu rwandais. Ainsi, au lieu de convoquer sur une table les chefs d’Etat du Zaïre, du Rwanda et de l’Ouganda ou d’envoyer des troupes militaires pour aider Mobutu à protéger l’intégrité territoriale de la République du Zaïre, la communauté internationale lui envoyait des bataillons d’humanitaires avec des tentes à plastic, des kits de nourriture d’urgence, des infirmiers et infirmières pour les soins de santé enfin d’alléger la souffrance humaine.[3] Entretemps, le problème ne faisait que s’aggraver à l’avantage de ceux qui voulaient tirer profit de la présence des réfugiés au Kivu. C’est ainsi que les puissances qui se réglaient des comptes sur le sol zaïrois amplifiait la question humanitaire des refugiés pour se donner du temps mais aussi pour attirer la sympathie de leurs citoyens, et pousser leurs parlements respectifs à voter des budgets pour soulager les pauvres rwandais dans la jungle du Zaïre.
L’historien belge Ludo Martens s’intéresse à la bataille autour du nombre de ces refugiés Hutu. Les Français voulaient les garder au Kivu pour pouvoir forcer le FPR de Paul Kagame aux négociations politiques lors d’une conférence internationale sur la paix dans la région des Grands Lacs. Les USA qui soutenaient le FPR de Paul Kagame voulaient que les camps soient demantelés le plus vite possible et ne voulaient pas entendre parler d’un dialogue avec les Hutu qu’ils qualifiaient indistinctement des génocidaires.
Quand le FPR de Paul Kagame avec l’appui des USA démantela les camps des refugiés Hutu au Kivu, chaque partie au conflit donna un chiffre de son choix sur le nombre de ceux qui étaient encore au zaïre ou de ceux qui étaient retournés au Rwanda. Ainsi par exemple, le 17 novembre 1996, l’américain William Perry, Secrétaire d’Etat à la Défense dira que 750 000 refugiés Hutu Rwandais étaient déjà retournés au Rwanda.
Le 21 novembre 1996, le nombre des refugiés Hutu encore au Zaïre est estimé entre 800 000 et 900 000 par Médecins sans Frontières et par la Belgique, à 700 000 par la France, à 500 000 par l’Allemagne, à 300 000 par le Canada[4], et à quelques dizaines des milliers par les USA[5]. Ludo Martens trouve que la fourchette entre 900 000 et quelques dizaines de milliers reflète l’ampleur des manipulations possibles des chiffres des refugiés Hutu restés au Zaïre après le démantèlement de leurs camps par le FPR de Paul Kagame.
Au-delà de cette guerre des chiffres des refugiés Hutu, Gérard Prunier fait remarquer que cette crise humanitaire des refugiés s’est transformée par la suite en une grande guerre internationale qui embrase l’Afrique Centrale jusqu’à nos jours.
En ce moment, les signes d’une grande guerre sont visibles au Kivu avec à la base la question des soi-disant réfugiés congolais vivant au Rwanda. On voit le même décor. La seule différence est que ce qu’on appelle « communauté internationale » s’aligne derrière l’action du Rwanda qui seul connaÎt le chiffre de ces soi-disant refugiés. Les bataillons d’humanitaires sont de nouveau en charge de la question au moment où il s’agit d’une question politique et militaire. Ces humanitaires sont accusés de transporter des armes et munitions de guerre vers les endroits accueillant ceux qui se disent réfugiés congolais venant du Rwanda. C’est le temps de traiter cette crise du Nord-Kivu pour ce qu’elle est, notamment une agression armée de l’Est de la RDC par le Rwanda.
© Beni-Lubero Online
[1] Cfr. Wayne Madsen, Genocide and Covert Operations in Africa 1993-1999, The Edwin Mellen Press, Ontario, Canada, 1999, pp 293-296.
[2] Cfr. Gerard Prunier, « From Genocide to Continental War, The Congolese Conflict and the crisis of contemporary Africa, Hurst & Company, London, 2009, p. 58.
[3] Idem, p. 47
[4] Cfr. Ludo Martens, Kabila et la Révolution Congolaise, Panafricanisme ou néocolonialisme, Tome 1, Editions EPO, Anvers-Belgique, 2002, p196 et Le Soir du 22 novembre 1996.
[5] Cfr. Idem p196 et Human Rights Watch Africa, octobre 1997, vol. 9, numéro 5 A, p. 35.