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n ville de Matadi, chef-lieu de la Province du Bas-Congo, des jeunes regroupés dans une petite ONG bénévole baptisée « Fraternité Plus » prennent soin de malades mentaux qui errent par-ci par-là dans les rues : ils les coiffent et les lavent. Ils mènent « l’opération fou propre ». Leurs efforts sont louables. Il faut un courage exceptionnel pour en arriver là. Nous savons tous que, d’habitude, un fou est évité même par les membres de sa propre famille.
Tout est parti du passage d’un fou dans un des parkings de la ville. Celui-ci laisse derrière lui une odeur nauséabonde qui indispose tout le monde. Interpellés et/ou indignés, les jeunes de ce coin de la ville se décident de prendre soin de lui. « Nous l’avons déshabillé malgré cette odeur et l’avons lavé », rapporte l’un d’eux. L’opération « fou propre » a surpris et réjoui ceux qui en étaient témoins. Encouragés par la population, ces jeunes ont poursuivi ce boulot inattendu que personne n’avait osé imaginer auparavant. Les jeunes sont capables de bien d’inventions rénovatrices ! Nous sommes aujourd’hui témoins des réalisations de la « génération facebook » en Tunisie, en Egypte et ailleurs dans le monde (…).
Interpellé et « touché » littéralement par l’initiative de ces jeunes, un homme de bonne volonté et soucieux du bien-être social a décidé spontanément de les soutenir. Il crée une petite ONG locale baptisée « Fraternité plus » qui regroupe tous ceux qui sont animés de la bonne volonté de s’occuper de la propreté de fous. Pour matérialiser sa bonne volonté, il a acheté des gants, de l’alcool, des lames de rasoirs, des vêtements pour les malades et un peu à boire comme signe d’encouragement de l’initiative de jeunes laveurs. Aujourd’hui on dénombre plus de soixante dix malades lavés, coiffés et nourris.
Une vue de la ville de Matadi
L’errance des malades mentaux est vécue presque partout dans la ville de Matadi. Les autres villes de la RD Congo ne sont pas épargnées du vagabondage de ces malades qui sont nos frères et sœurs. Ils sont de plus en plus nombreux, hommes et femmes dans les rues, aux coins de la route, des chaussées, dans des caniveaux. Certains trimballent avec eux des sacs remplis d’ordures, voire des matières fécales qui dégagent une odeur fétide. A leur approche on ne peut s’empêcher de boucher le nez et ainsi arrêter la respiration pour quelques instants. D’autres débitent des insanités, d’autres encore, plus farouches, lapident les passants ou ravissent leurs sacs à mains. La présence de ces frères et sœurs malades est indésirable dans des endroits comme le marché, au stade et d’autres endroits publics à forte concentration de la population.
D’après le témoignage rendu par ces « laveurs et coiffeurs des fous », se saisir de ces personnes atteintes de troubles mentaux n’est pas chose aisée. Certains sont très agressifs. D’autres, par contre, n’aiment pas la violence. Ils ne veulent pas que quelqu’un les trouble dans leur quiétude. Les jeunes « laveurs » multiplient donc des stratégies pour les avoir : ils leur tendent des appâts tels que les biscuits, du pain, de la cigarette et autres biens pour les amadouer. Mais, pour les plus violents, ils sont obligés de faire usage de force musculaire.
Malheureusement, les folles ne sont pas encore concernées par l’opération. Jusque là les laveurs-des-malades-mentaux sont tous des garçons. Si les filles peuvent aussi s’y lancer, ne serait-il pas une bonne initiative surtout à ce mois de mars où la femme célèbre sa bravoure et son engagement dans les petites initiatives sociales et engageantes !
Les jeunes « laveurs » s’inquiètent d’un fait : après « l’opération fou propre », celui-ci est aussitôt relâché dans la rue. Ainsi, souhaitent-ils travailler avec un psychiatre pour traiter et réinsérer les malades mentaux « propres » dans la société. L’apport médical doit absolument suivre. Il faut asseoir une bonne organisation avec ces jeunes bénévoles. Et si le gouvernement y apportait sa contribution ! Occupons-nous tous de nos fous. Occupons-nous tous de nos folles et que chacun s’occupe de laver ce qui est fou à lui pour épurer notre environnement de la mauvaise odeur du meurtre, de la haine, de la corruption, du vol, de la méchanceté et de l’impunité. Ainsi, ferons-nous de ce carême un temps de conversion véritable.
François NZANZU
Kinshasa
[1] Cet article est paru dans la rubrique Faits Divers du Journal Le Potentiel No 5179 du Vendredi 18 mars 2011, p.8 et signé SYFIA/LP. Il est réinterprété par François NZANZU. Kinshasa





