





Il est abondamment question, depuis pas mal de temps, des immixtions diverses du Rwanda dans les affaires congolaises. Cela suscite d’innombrables critiques et protestations, dont certaines relèvent même de la malédiction et de l’imprécation. Cela donne lieu aussi à la publication périodique de documents plus ou moins sérieux faisant état d’une conspiration générale, d’un « plan Tutsi ».
On en arrive toutefois ces derniers temps à de dangereuses inexactitudes, lorsque l’on parle d’un « Plan Tutsi de génocide des Bantous ». Ce serait dès lors un plan suicidaire, puisque les Tutsi, en tant que rwandophones, sont eux-mêmes bantous.
Ce terme est en effet LINGUISTIQUE et n’aurait jamais dû sortir de ce domaine.
On désigne par ce terme une très vaste famille de langues, la plus importante de l’Afrique noire. Le regroupement est aussi général que, p. ex. celui des langues indo-européenne. Elles ont en commun d’avoir comme principal mécanisme la présence de préfixes sur lesquelles la phrase s’appuie et s’articule et qui fournissent les indications morphologiques et syntaxiques, telles que savoir si la racine doit être comprise comme action, nom, qualificatif, les renseignement de genre, de nombre, de personne, de fonction, etc… Dans pratiquement toutes ces langues « Hommes » se dit « Bantu »… ou quelque chose de ce genre, p. ex. watu (swahili), bato (lingala), abantu (kirundi/kinyarwanda)
Dans les zones de contact avec les autres familles linguistiques, il y a des langues qualifiées de « semi-bantoues », le critère étant précisément » eine starkere oder schwachere Neigung zur Klassenformung » (B&W).
Comme la langue tient une place importante dans la culture et en traduit, d’une certaine manière, la vision du monde, on a pu parler non seulement de langues, mais de cultures bantoues pour parler des peuples dont les langues appartiennent … cette famille. Il faudrait de toute façon en parler au pluriel, car les bantouphones se retrouvent dans pratiquement toutes les formes de sociétés existant en Afrique. Parler de cultures bantoues est admissible, surtout si l’on parle de faits culturels où le langage intervient, comme la littérature ou la chanson, exactement comme on peut parler de « charme latin », ou du « tempérament slave ».
Malheureusement, on a sauté de cet usage, encore défendable, à l’usage du mot pour désigner l’homme, non pas comme locuteur d’une certaine langue ou appartenant à une certaine culture, mais en tant que type physique ou « racial ». Mais n’y a pas de races humaines, et il n’y a, a fortiori – pas de race bantoue. Y aurait-il même des « races humaines » qu’aucune d’elle ne pourrait être « bantoue », puisque cet adjectif appartient à la sphère de la langue et de la culture, et qu’elle tient donc à l’apprentissage et à l’éducation, non aux caractères physiques et génétiques. Parler de « Bantous » dans un sens racial est évidemment abusif: la langue et les formes sociales sont influencées, au cours de l’histoire d’un groupe, par de multiples facteurs qui n’ont rien à voir avec la typologie génétique.
Du fait de cet usage abusif, et d’ autant plus que cette classification « raciale » avait été utilisée à des fins racistes, on finit par se méfier du mot « bantou » au point de le bannir de son domaine d’origine: la linguistique, où on l’a fréquemment remplacé par l’incommode » nigéro-congolais central ».
« Tutsi », d’autre part, est un terme au départ ethnique qui a pis au fil du temps un sens de plus en plus social et désigne actuellement la classe dirigeante du Rwanda sous le régime Kagame. Il y a mille ans environ, certains de leurs ancêtres se sont détachés des autres peuples nilotiques et se sont établis au Rwanda et au Burundi. Ils ont au fil du temps adopté une langue bantu. Comme les textes renvoyant à la « conspiration tutsi » y rattachent des gens comme Museveni, qui est Nkole, il apparaît que quand on expose ce complot, il conviendrait mieux de le traiter de « nilotique » que de « Tutsi ».
Quant à ceux que l’on se propose d’éliminer, il serait également impropre de les appeler des « bantous ». Car les auteurs de ces textes visent alors principalement les Congolais. Or, les Congolais ne sont pas tous bantous ! Si les quatre langues nationales du Congo se attachent bien au tronc linguistique bantou, certaines ethnies ont des parlers relevant du domaine soudanais et, même génétiquement, il y a des Congolais indiscutables, et d’ailleurs indiscutés, de souches pygmée, soudanaise ou … nilotique.
Pourquoi vouloir parler des problèmes tragiques qui se posent au Congo en termes de « races ». Le Congo est en proie à une agression de pillage de la part de l’impérialisme bourgeois, international et interracial. C’est suffisamment clair sans aller chercher des vocables qui n’y ont que faire et qui ne font qu’occulter la véritable dimension du problème !
© Guy De Boeck, le dimanche 30 août 2009





