





Les Belges et le Portugais vont mettre leurs lumières et leurs archives à la disposition du Congo et le l’Angola pour les aider à résoudre le différend frontalier connu sous le nom d’ «Affaire Kahemba ». Cela nous promet encore de beaux jours !

Admettons que le différend soit réellement un problème frontalier On peut en douter, et y voir plutôt une question de reprise en main de zones longtemps livrées à l’anarchie et aux trafics de toutes natures… Mais enfin, puisque dispute de frontière il y aurait, à ce qu’on nous dit, acceptons-en l’augure…
Exhumer des archives les discussions de frontières entre Belges et Portugais risque fort d’obscurcir l’affaire plutôt que de l’éclairer. (Mais c’est peut-être ce que l’on cherche…)
Pour le comprendre, il suffit de jeter un regard sur les deux cartes ci-dessous.
Même un myope remarquera immédiatement que la frontière angolaise est celle qui a « bougé » le plus durant la période où l’on a dû passer de la frontière tracée sur la carte à grand renfort de lignes droites sur la carte à Berlin, et sa concrétisation sur le terrain.
Et il n’est pas besoin non plus de sortir une grosse loupe pour voir que, de tous les voisins de Léopold II, les Portugais ont été ceux qui ont eu le plus sujet de se dire « floués » dans l’histoire. La raison en est simple : l’Angleterre, la France et l’Allemagne étaient alors au sommet de leur puissance, alors que le Portugal était depuis longtemps entré en décadence. La frontière angolaise a été la seule où les Belges se sont trouvés confrontés avec un voisin plus faible qu’eux. Ayant assez rarement l’occasion de faire, sur la scène internationale, des effets de biceps, ils ont parfois cédé à la tentation. De leur côté, les Portugais n’ont pas toujours été beaux joueurs et n’ont pas toujours résisté à l’envie de dépasser les bornes (de la frontière) ou de les déplacer…
Une chose est donc certaine, les Africains vont recevoir un cadeau de poids, car le dossier des incidents de frontières entre Belges et Portugais est particulièrement volumineux.
Une autre chose saute également aux yeux, lorsqu’on compare le tracé de 1887 avec celui de 1900 : dans la mesure du possible, on a substitué aux lignes droites, simplement définies par des longitudes et des latitudes, des tracés moins rectilignes, mais correspondant à des obstacles naturels, aisément repérables sur le terrain.
Mais cela n’a pas été possible partout, et le tronçon de frontière sur lequel se situe la borne XXI, contestée dans l’incident de Kahemba, est de celles qui ont été définies par les traités simplement par leur latitude (le 7° parallèle).
Faut-il le dire, un parallèle n’est pas visible sur le terrain et ne l’était pas plus hier, pour les colonisateurs, qu’il ne l’est aujourd’hui, pour les autochtones.
Ceci réduit à néant les deux rapports concurrents au sujet desquels les Congolais se disputent.
En effet, les experts gouvernementaux n’ont pu trouver, dans les archives, que des disputes byzantines où Belges et Portugais ont fait assaut de mauvaise foi.
Et la commission d’enquête parlementaire n’a certainement pu voir le 7° parallèle, même en montant en hélicoptère. Quant à l’avis des chefs coutumiers, même donné de bonne foi, on ne peut s’y fier qu’en faisant bon marché du fait que l’autorité traditionnelle est lignagère, et non territoriale, et du fait que les Cokwe, notamment, sont un population semi-nomade. Enfin, on ne sait si c’est vrai ou non, mais semblerait que le nom même d’un des 11 villages litigieux , « Shayimbwanda » signifierait, dans le dialecte local « l’endroit qui est des deux côtés à la fois », ou « le village à cheval sur la frontière », ce qui donne quand même à penser.
Toujours est-il que le problème « où passe exactement cette frontière ?» se ramène en fait à localiser exactement sur le terrain, en y plantant un jalon, le lieu où passe ce fameux parallèle mentionné dans les traités entre colonisateurs. Et il est quand même évident que le déballage d’archives poussiéreuses datant d’un temps où l’on ne disposait, faute de satellites artificiels, que de mesures extrêmement rudimentaires, ne servira pas à grand-chose pour faire avancer le schmilblick !
Le 26 janvier 2006, « De Standaard » annonçait qu’un cartographe flamand (Filip De Doncker) était chargé de « refaire la carte du Congo ».La raison en était que le cadastre minier n’était plus vraiment fiable et qu’il fallait déterminer les points géodésiques par des méthodes modernes faisant appel aux satellites, méthodes dont on ne disposait évidemment pas au moment où les anciennes délimitations avaient été effectuées à l’époque coloniale.
Or, qu’est-ce qu’un cadastre, sinon a délimitation de frontières entre des propriétés, parcelles ou concessions privées ? Entre la clôture d’un jardin, les limites d’une concession minière et les frontières d’un état, il y a une différence juridique, mais la nature de la limite est la même : il s’agit toujours de tracer une ligne idéale, là où la nature n’a pas eu la bonté de placer une rivière au bon endroit !
Tout ce qui vient d’être dit est un enchaînement de faits plus évidents les uns que les autres. Sauf à supposer que, dans les bureaux de Kinshasa, comme dans ceux de Luanda, il n’y a que des imbéciles, ce qui nous saute aux yeux doit être également visible pour eux. Et l’on sait fort bien, de part et d’autre, que la solution d’un problème frontalier (s’il y en a un !) passe par des observations géodésiques spatiales et qu’il n’y a pas d’autre solution satisfaisante. Les idiots ne sont d’ailleurs pas plus nombreux à Lisbonne et à Bruxelles, et tout ce que l’on peut déduire des attitudes prises par les diplomaties belge et portugaise, c’est que les anciennes métropoles sont d’accord avec les gouvernements africains pour noyer le poisson.
Une façon fort dangereuse d’mauser la galerie !
© Dialogue des Peuples, le 5/08/2007
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Guy de Boeck
Belgie
Beni-Lubero Online





