





J’ai toujours regretté de parler de ce dont je ne sais pas grand chose. J’ai même parfois l’impression de perdre mon temps lorsque j’élabore des hypothèses qui pourraient ne jamais être vérifiées. Mais dans la réflexion que j’ai faite sur le report de la Conférence de Goma et que je voudrais partager avec vous dans ce texte, je vous assure que je suis plus satisfait que d’habitude.
C’est exactement après deux heures de tourments que me provoquait la question de savoir qui a reporté la Conférence de Goma, que je me suis décidé d’écrire. Tout est parti du fait que, cette fois-ci, j’ai n’ai vraiment pas été surpris d’apprendre que parmi les motifs de la procrastination du rendez-vous de Goma figurait l’impréparation du peuple du Nord et du Sud Kivu. Je me suis rappelé, qu’au nom du peuple beaucoup de princes ont commis des atrocités contre le même peuple. La procrastination de la Conférence de Goma ne serait-elle pas une simple utilisation médiatique du peuple par des mafiosi qui se cachent derrière ce dernier pour réaliser leurs projets sépulcraux? Est- ce vraiment possible que certains groupes ethniques du Nord Kivu aient porté les décideurs au seuil du précipice pour que cette conférence soit reportée? Bref, qui a reporté la Conférence de Goma?
Je parie que la procrastination de la Conférence de Goma est œuvre d’un décideur plus puissant que le peuple congolais (dit souverain) et toutes ses autorités possibles et imaginables. Qui est ce Léviathan? Ce qui saute aux yeux c’est qu’il devrait disposer d ‘un potentiel de gage supérieur à la souveraineté du peuple congolais (s’il existe) et à celui de toutes ses autorités. Il doit être, en outre, en mesure de proférer de menaces crédibles et d’imposer la collaboration à tous en les emmenant au seuil du précipice. En effet, sans ces caractéristiques il n’aurait pas été à même de suspendre une conférence tant voulue. Qui est donc ce Léviathan?
1. Des groupes ethniques?
Dans la zone concernée, le Tutsi sont la bête noire. Je n’ai jamais su pourquoi. Un récent article du potentiel a pointé le doigt contre un autre groupe ethnique pour expliquer la difficulté à organiser la Conférence de Goma: les Nande. Des rumeurs courent que les Tutsi veulent annexer le Kivu au Rwanda. L’Association Culturelle Nande Goma a adressé au président de la République sa position sur la tenue à Goma de la Conférence sur la Paix, la Sécurité et le Développement des provinces du Nord et du Sud Kivu. Toutefois, ni les rumeurs sur les Tutsi, ni la prise de position d’une Association culturelle n’autorisent à penser que les Tutsi soient pour la tenue de la Conférence et les Nande contre. Disons en passant que les mauvaises langues ne se sont pas retenues à ce propos sans se rendre compte que leurs déclarations, au lieu de contribuer à la pacification du Nord et du Sud Kivu, ressemblent plus à la volonté de voir les Nande et les Tutsi s’affronter. Cette volonté de diviser pour mieux régner appartient à un Léviathan dont il faudrait peut être connaitre le nom avant le prochain rendez-vous à Goma. C’est lui qui a reporté la réunion. J’aurais bien voulu vous dire comment il s’appelle, mais je ne le connais pas même si les faits me portent à postuler son existence. Ce ne sont certes pas des groupes ethniques qui ne disposent que d’un insignifiant potentiel de gage et qui ne peuvent même pas proférer des petites menaces (à part la rédaction de leur position ou la diffusion de rumeurs) crédibles qu’il faut pointer du doigt. Ces groupes n’ont pas la force nécessaire pour s’insérer dans un mécanisme d’inter-obligation. Ce sont des poissons plus petits que ceux que le Léviathan avale déjà (ils n’ont ni richesse ni force militaire à la hauteur du jeu). Ils ne peuvent pas représenter le Léviathan.
2. Et l’Etat Congolais?
Et si c’était l’état congolais le Léviathan? Pourrait- il agir contre lui-même en se mettant contre un Conférence qui pourrait l’aider à se mettre à l’abri de plusieurs tracasseries (selon la version officielle)? L’Etat Congolais (=le gouvernement) a perdu la guerre et ne devrait certainement pas figurer sur la liste des «leviathanables». Dans l’arène il a démontré d’être un contendant de faible calibre. D’aucuns continuent à penser que la Conférence de Goma n’est pas une démission de l’Etat et affirment que c’est une occasion pour réfléchir et faire des propositions au gouvernement congolais sur les voies et moyens de jeter les bases d’une paix durable et d’un développement dans les provinces du Nord et du Sud Kivu. Ils ne se rendent pas compte qu’il s’agit là d’un luxe que l’Etat congolais ne peut pas se permettre après les grandes défaites. Le report du rendez-vous de Goma n’est qu’une ultérieure preuve de la présence sur la scène congolaise d’acteurs plus importants et déterminants que l’Etat congolais lui-même. Dans ces conditions ce dernier ne peut pas faire partie de ceux qui sont en mesure de s’inter-obliger. Il y en a qui pensent qu’il joue la carte chinoise puisqu’elle pourrait faire peur à ceux qui (selon des témoignages pas du tout documentés) fournissent les armes aux dissidents au service de leurs intérêts: les «occidentaux». La Conférence de Goma veut parler principalement de paix et la Chine n’ayant pas la même force militaire établie dans la zone ou dans les environs (nombre des bases militaires, satellites,…) serait un partenaire vraiment insignifiant. En outre, elle devrait être disposée à faire face à la puissance des «habitués» mieux équipés. Je ne crois pas que les chinois puissent commettre l’erreur de l’oiseau qui se jette de lui-même dans le filet de l’oiseleur. Aussi longtemps que la Chine ne sera pas une puissance militaire dans les grands lacs, ses épaules ne serviront à aucun nain, aussi riche soit-il. Il va sans dire que la carte chinoise ne peut pas, pour le moment, mettre l’Etat Congolais dans les conditions de proférer des menaces crédibles et d’emmener ses ennemis sur le seuil du précipice.
Par ailleurs, c’est comme si l’Etat Congolais était déjà conscient de son impuissance. J’ai une piste à ce sujet. Le Président de la Commission Electorale Indépendante était connu comme «l’homme des occidentaux-démocratiseurs» dans bien de places publiques du Congo et avait obscurci la popularité de plusieurs acteurs. Après ses louables efforts dans l’organisation des élections il a été nommé à la tête d’une commission préparatoire d’une conférence qui risque fort d’être un échec pour l’Etat congolais. Or nous savons bien que lorsque le prince ne veut pas se salir les doigts, il envoie les autres le faire à sa place : c’est la politique du bouc émissaire. Cette fois-ci, cette dernière serait utile à tous ceux qui veulent regagner la splendeur de la popularité obscurcie. En effet, le prince est bien conscient d’avoir perdu la guerre et que les «traités de paix» ont presque toujours été des «traités d’imposition de la paix». L’Etat Congolais n’est pas «leviathanable» dans le report de la Conférence de Goma.
3. Les «occidentaux»?
Exclus l’Etat congolais et les groupes ethniques suspects, les mouvements des « occidentaux » sont aussi à analyser de près. Les Etats Unis d’Amérique et l’Union Européenne étaient sur la liste des participants à la Conférence du 27 décembre. Ils figurent sur la liste des mes indicés aussi et surtout puisqu’ils sont non seulement plus intéressés et maitrisent le territoire congolais plus que les congolais eux-mêmes, mais aussi parce qu’ils sont beaucoup plus conscients de l’utilité de ce que la République Démocratique du Congo regorge et disposent de moyens pour imposer leur participation (qui d’ailleurs pourrait s’avérer indispensable du point de vue financier). Sauf qu’il sied de se demander si parmi les acteurs prévus il y en avait un seul qui était en mesure de défier leur force. Est-il possible que leurs intérêts respectifs soient entrés en conflits la veille de la Conférence? Pourraient-ils prostituer leur «accidentalité» en se battant pour un pays qui ne dispose qu’en faible quantité de ressources actuellement retenues stratégiques comme le pétrole? Ou c’est plutôt le cout à supporter qui, s’étant révélé supérieur au bénéfice, les a contraint au report? En somme, peut-on dire que les «occidentaux» n’y sont pour rien?
L’idée des «Etats-Occidentaux-amoraux» me convint de moins en mois lorsqu’elle fait référence aux peuples. J’aime penser qu’il existe des intérêts des individus «occidentaux» qui, ayant rejoint un certain potentiel de gage à l’intérieur de leurs pays respectifs, réussissent à obliger leurs Etats à appuyer leurs sales besognes dans des pauvres pays. Il serait peut-être naïf de croire qu’un Etat qui se respecte ne devraient pas donner la priorité à ses intérêts dans la vente des armes ou l’exploitation illégale des minerais dans les zones où les gens meurent de faim et de maladies affreuses. Mais, est-il que, pour conquérir et conserver le pouvoir, des hommes d’Etat emprisonnent leurs consciences et ferment les yeux devant un drame comme celui du Congo et continuent à vendre ou à appuyer la vente des armes avec lesquels les pauvres gens affamés s’entretuent. Ce sont des jeux qu’ils ne peuvent faire qu’en catimini pour ne pas risquer de perdre la popularité dans leurs «démocraties». Et alors, ils appellent Conférence sur la Paix, ce qui n’est en réalité qu’une réunion des mafiosi pour la planification et la conjugaison des intérêts. Arrivé à ce point, je demande alors pourquoi est-ce qu’ils auraient opté pour la procrastination de la Conférence de Goma. Peut-être qu’ils n’y sont pour rien.
4. Un individu?
Qui a alors reporté la Conférence de Goma si ni les groupes ethniques, ni l’Etat Congolais, ni les «occidentaux» n’y sont peut-être pour rien ? J’exclue les organisations internationales qui sont pour la plupart des créatures et des machines des Etats les plus forts (Occidentaux). Ces derniers ne me semblent pas aussi intéressés au report de ce rendez-vous. Il ne me reste alors que la piste des individus, des privés.
En effet, de nos jours, il y a des individus qui peuvent se constituer en valides interlocuteurs des Etats. Certains disposent parfois d’un potentiel de gage et d’une puissance supérieure à celle d’un Etat (surtout les Etats faibles). Dans le cas de la Conférence de Goma, le Léviathan pourrait être un individu mais pas un individu isolé. Il devrait se retrouver dans un réseau assez puissant puisque les enjeux et les joueurs sont d’un calibre assez imposant. S’il est vrai qu’il s’agit d’un individu, la procrastination de la Conférence de Goma pourrait être due à la difficile conjugaison des intérêts des contendants dans un système où l’unanimité est l’unique procédure décisionnelle.
Ce pourrait être un bailleur de fond pour l’organisation de la Conférence qui n’a pas eu assez de garanties sur ses intérêts d’après la Conférence. Ce pourrait être un acteur individuel puissant de la politique du Congo qui ne supporte pas de redimensionner ses positions dans un pourparler avec d’autres dinosaures. Ce qui est sur, c’est que, s’il s’agit d’un individu, ce ne sera pas n’importe qui. Ce que nous savons c’est qu’il se donne le nom du peuple du Nord et du Sud Kivu et dit de lui-même qu’il n’est pas prêt pour la Conférence. Il pourrait faire parti du groupe de «Tutsiland» qui s’appelle Tutsi sans l’être et «Tutsiland» la terre qu’ils veulent occuper et exploiter. Cette fois-ci, ils ont dit d’eux-mêmes qu’ils ne sont pas prêts pour la réunion en utilisant métaphoriquement le peuple du Nord et du Sud Kivu. C’est probablement un réseau des criminels qui ont un langage dument codé pour dérouter l’opinion. La Conférence de Goma pourrait avoir été reportée tout simplement parce que ces criminels avaient peur d’être pris d’assaut en pleine séance par le peuple. Ils sont bien conscients que nous en avons marre. En plus, la présence des médias pourrait avoir gêné ceux qui espéraient organiser une réunion en catimini.
Je suis arrivé à ma conclusion par exclusion. Mais il ya aussi des faits cités dans la prise de position de l’Association Culturelle Nande (ACN) de Goma qui pourraient renforcer mes conclusions. En effet, l’ACN constate que «la question de l’insécurité au Nord-Kivu étant essentiellement militaire (…) elle nécessite de solutions militaires qui n’ont rien de commun avec les communautés qui vivent en harmonie au sein de toutes les structures sociales, telles que les Eglises, les Ecoles, les Marchés, les Hôpitaux». En outre, elle ajoute que «l’existence au Nord-Kivu depuis bientôt six ans du BARAZA LA WAZEE Intercommunautaire, qui est une structure regroupant toutes les communautés autochtones de la Province du Nord-Kivu et des autres provinces de la RDC, est une illustration éloquente de la coexistence pacifique entre ces ethnies sœurs». Je n’ai pas besoin d’être trop perspicace pour me demander pourquoi les peuples du Nord et du Sud Kivu doivent être impliqués dans le processus de solution des questions qu’ils ont déjà résolu? Une Conférence à Goma sur la paix devrait unir les ethnies qui s’entendent déjà ou des groupes d’intérêts qui ne réussissent pas encore à conjuguer leurs intérêts dans la zone? Il n’est pas difficile de se faire une idée sur le Léviathan qui a reporté la Conférence de Goma. En connaitre le nom est une entreprise sans doute difficile. J’espère seulement qu’il ait le courage de se présenter au prochain rendez-vous et qu’il n’use pas de sa couardise en envoyant des boucs émissaires. Une arrestation populaire des mafiosi qui ont condamné les congolais au triste sort serait une belle victoire du bien sur le mal ! J’attends impatiemment le prochain rendez-vous de Goma dans l’espoir qu’un nouveau jour pour nos frères qui ont longtemps souffert se lève.
Dott. Muhindo Mughanda
Università degli Studi di Siena
Beni-Lubero Online





