





Les nouvelles technologies de l’information, en l’occurrence la téléphonie portable, permet d’obtenir les nouvelles du front directement de combattants sans passer par le filtrage idéologique et politicien des hiérarchies militaires et politiques. C’est ainsi que plusieurs appels téléphoniques aux Fardc au front contre les FDLR dans les territoires de Masisi, de Rutshuru, et de Lubero, au Nord-Kivu, rapportent les lamentations des Fardc sur le manque d’approvisionnement du front en nourriture. Les Fardc au front disent qu’ils n’ont donc pas à manger et quand ils en ont, ils disent que ce n’est pas assez. Sur la même ligne de front, les soldats rwandais seraient très bien nourris et de fois, ils donneraient leurs miettes aux Fardc. Si le front n’est pas un lieu de fête, il est toute de même regrettable qu’il puisse manquer de produits de première nécessité comme la nourriture qui n’est pas un luxe pour un combattant.
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La révélation ci-dessus repose la question de la préparation de la partie congolaise non seulement pour assurer la securité physique des populations civiles du Nord-Kivu mais aussi pour remonter le moral des militaires congolais qui, si l’on en croit les discours optimistes de Kinshasa, devraient assurer la securité de la Province après le départ des soldats rwandais d’ici le 28 Février 2009, c’est-à-dire dans deux semaines. Mais comment assureraient-ils la securité de la Province du Nord-Kivu s’ils sont clochardisés ? Qui a intérêt aujourd’hui que l’armée nationale en pleine restructuration au Nord-Kivu depuis l’intégration rapide en son sein des anciens miliciens de Nkunda soit clochardisée ? Quelle assurance une armée congolaise clochardisée peut-elle donner aux anciens miliciens qui gagnaient leur vie en utilisant leurs armes ?
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La clochardisation des Fardc déployés au Nord-Kivu et ailleurs à l’Est du pays par le gouvernement de Kinshasa est ce qui avait permis à Nkunda de s’imposer militairement au Nord-Kivu. En effet, que vaut un militaire affamé, mendiant, impayé, et par surcroit mal armé ? Les congolais se rappellent que lors du passage du Premier Ministre Muzito au Nord-Kivu, la cagnotte d’encouragement qu’il avait apporté aux militaires congolais avait été détournée comme toutes les soldes précédentes. A son retour à Kinshasa, Muzito avait promis de punir de manière exemplaire les coupables qui se trouveraient dans l’hiérarchie militaire à Kinshasa et sur place à Goma. Une commission d’enquête avait été mise sur pied et les conclusions se font toujours attendre. Comme on dit souvent, quand on veut enterrer une question, on crée une commission d’enquête qui permet de détourner l’attention du public et à la longue de faire oublier la question.
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La famine au front contre les FDLR remet sur la table la question du détournement des soldes des militaires congolais au Nord-Kivu. Pourquoi le Premier Ministre Muzito n’a-t-il pas frappé les détourneurs? Les conséquences de cette impunité au sein de l’armée nationale dont la discipline doit être la caractéristique, sont très graves sur l’évolution de la situation au Nord-Kivu.
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Les zones dites libérées par les miliciens de Nkunda devenus aujourd’hui Fardc, sont victimes des actes de vandalisme des Fardc intégrées. Pour ne citer qu’un exemple, la population du Territoire de Rutshuru n’a pas encore savouré sa libération des atrocités lui infliger par les miliciens du CNDP de Nkunda. Dans la cité de Rutshuru, la population rapporte que certains anciens éléments du CNDP continuent de se comporter comme du temps de Nkunda. D’autres anciens miliciens du CNDP refusent toujours d’intégrer les Fardc et disent à qui veut les entendre, qu’ils voudraient négocier avec Kinshasa les termes de leur intégration au sein des Fardc. Les militaires congolais tout comme les éléments de la Police Nationale Congolaise sont ainsi accusés de voler les biens de la population de Rutshuru déjà appauvrie par trois ans de guerre d’occupation. Dans les champs de fortune que les paysans courageux tentent de remettre en valeur pour leur propre survie, les récoltes sont, non seulement pillées par les hommes et les femmes en armes, mais aussi dévastées par des vaches venues du Rwanda…
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Cette indiscipline des militaires au front qui peut être dû au détournement des soldes ou à une déficience dans l’encadrement de l’Armée et de la Police Nationales est un problème que le gouvernement doit résoudre avant qu’il ne soit trop tard. L’adage selon lequel « ventre affamé n’a point d’oreille » traduit bien les graves risques que court la Province du Nord-Kivu avec une armée affamée et impayée au front.
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A la question de savoir qui affame les Fardc au front contre les FDLR, on peut penser que ce sont les mêmes officiers qui détournaient les soldes des militaires au front et qui ne seraient pas contents de la façon dont la guerre s’est arrêtée brusquement, sans préavis. En effet, plusieurs officiers supérieurs des Fardc en poste au Nord-Kivu se sont enrichis de la guerre de Nkunda. Il suffit de voir les chantiers de leurs villas à Goma comme à Kinshasa. Comme ils n’ont jamais été punis pour leurs vols du passé, ils ne peuvent s’empêcher d’affamer les Fardc au front pour achever leurs multiples chantiers. Cette hypothèse donne raison aux congolais qui avaient voulu que le gouvernement déploie au front contre les FDLR des militaires venant d’autres provinces et qui n’avaient pas encore gouté au lait et au miel du Nord-Kivu. Il est aussi établi que certains officiers des Fardc comme ceux de la Monuc entretenaient des relations d’affaires avec les FDLR. Bannir les FDLR signifie mettre fin au business gagnant-gagnant de ces partenaires dans la guerre. La boutade, « no Nkunda, no job » dit tout de cette économie de guerre au Nord-Kivu. Kinshasa devrait savoir que pour mener a bon port les opérations militaires conjointes contre les FDLR, il fallait des nouvelles troupes au Nord-Kivu ou alors une motivation de celles qui y étaient déjà. Si les opérations militaires actuelles n’arrivent pas à mettre hors d’état de nuire les FDLR, les congolais seront en droit d’accuser Kinshasa d’avoir entretenu le statu quo au front, en affamant les Fardc pour donner avantage à l’ennemi.
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Mais avant d’arriver à cette conclusion, disons que Kinshasa n’était pas préparé à gérer le Nord-Kivu libéré par surprise et qu’il a besoin de peu de temps pour administrer comme il se doit les territoires libérés de Nkunda et de FDLR. Dans ce cas, les congolais demandent au gouvernement de Kinshasa de présenter au public, et sans tarder, un plan global de la pacification des territoires libérés.
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Beni-Lubero Online





