





S’il est vrai qu’il y a toujours eu des conflits liés au partage de la terre dans les chefferies de Beni-Lubero, aujourd’hui le nombre de ces conflits, leur nature, et leur fréquence démontrent que les conflits actuels sont téléguidés par les forces d’occupation. L’octroi de tous les services de l’Etat dont la mission est la gestion des affaires foncières aux membres des forces d’occupation n’est pas indifférent aux conflits terriens actuels qui souvent n’ont pas de logique et sont inédits dans l’histoire des beniluberois.
Les chefs terriens qui étaient les premiers à refuser de vendre la terre aux commissionnaires des forces d’occupation sont enlevés, portés disparus, assassinés les uns âpres les autres par des inconnus. Dans d’autres cas, un membre de famille d’un clan propriétaire terrien qui n’a pas la mission de présider à la vente des terres, peut par on ne sait quelle force, usurper ce pouvoir pour décider la vente d’un terrain de la famille à des tiers. Quand on organise une palabre traditionnelle pour le juger, il fait recours non à la chefferie ou au territoire mais directement à Goma. Ainsi les kapita des villages sont entrain de perdre leur pouvoir de juge au profit de Goma. Même dans les villes comme Butembo et Beni, les chefs terriens qui avaient vendus des parcelles il y a dix, quinze voire vingt ans, reviennent aujourd’hui pour dire que les propriétaires de ces parcelles ne sont pas en ordre, qu’ils doivent ajouter de l’argent s’ils ne veulent pas les perdre de force. Plusieurs beniluberois suspectent ce comportement bizarre de certains chefs coutumiers ou des usurpateurs de participer à la stratégie d’expropriation des congolais par la force ou en utilisant des lois foncières inconnues du commun des paysans.
Le cas ci-dessous porte toute la marque de cette suspicion des forces d’occupation derrière la recrudescence des conflits fonciers violents et parfois avec mort d’hommes.
Au village KIRIMBUNDA en groupement Buyora, collectivité chefferie des Baswagha dans le territoire de Lubero, le torchon brûle dans une famille dont, pour le moment nous taisons le nom.
Les personnes que vous voyez sur la photo ci-haut, ont quitté la forêt le matin du samedi 4 décembre 2010 après trois semaines de cachette pour se rendre au bureau du Procureur de la République près le tribunal de grande instance, siège secondaire de Butembo. Pourquoi ? Leur village est assiégé par cinq éléments de la Police Nationale Congolaise venus régler un conflit terrien.
Dans la dite famille, le cadet a une femme du nom de Joséphine qui fait la loi en lieu et place de son mari qui, selon la coutume, n’a rien à dire étant donné que son frère aîné, qui est chef de cette famille, est bel et bien vivant. Sur la photo, le chef de la famille est celui qui est en veste verte.
Comme il est de coutume, les parents ont reparti la terre ancestrale entre les enfants. Chose drôle, la dame Joséphine qui a son lopin de terre de part son mari, cherche à s’accaparer des lopins de terre de ses beaux-frères qui sont, de part la coutume, ses beaux-pères, car ainés à son mari qui est cadet de la famille !
Nous disions ci-dessus qu’il y a trois semaines que les autres membres de cette famille se sont réfugiés en forêt par crainte de Madame Joséphine. La semaine précédant leur fuite en forêt, un certain jeudi, il y avait chambre foraine à KIRIMBUNDA sous l’autorité du chef de collectivité chefferie des Baswagha de Musienene mais aussi celle du chef de groupement Buyora de Misebere. A ce rendez-vous de haut niveau coutumier, Madame Joséphine avait brillé par son absence. Le jugement avait eu lieu par défaut en défaveur d’elle. Non satisfaite de cette nième assise tant au niveau coutumière que du tribunal de Butembo, madame Joséphine fit appel à la Police Nationale Congolaise, PNC, qui descendit d’urgence sur KIRIMBUNDA, trois jours après les assises c’est-à-dire le dimanche. On apprendra que la mission de ces policiers était l’arrestation de l’agronome local, Monsieur Chrysostome. La PNC trouva ledit agronome à l’Eglise. Incivique qu’elle est, la Police bouscula tout le monde dans l’église pour trouver l’agronome Chrysostome. Elle alla jusqu’à tirer des coups de balles, un fait qui dispersa les fidèles rassemblés pour la prière dominicale. L’agronome profita de la débandade pour s’enfuir dans la vallée où, malheureusement il fut rattrapé par les policiers et ramené au niveau de l’Eglise. Comme tout le monde du milieu connaissait le problème, les jeunes du village, croyant qu’il y avait mort d’hommes à la suite des coups de feu, s’attaquèrent aux policiers qui, dépassés, libérèrent l’agronome provisoirement sous la pression populaire.
Le lendemain, donc le lundi, la police revint bien armée dans un camion Fuso pour rafler quelques trois membres de la famille en conflit. Elle ira les jeter dans la prison centrale de Butembo appelée KAKWANGURA. Pour les libérer il fallait qu’ils paient des sommes faramineuses mais sans aucune preuve de paiement. Encore trois jours après la PNC était revenue à Kirimbunda pour arrêter trois autres personnes dont deux autres sont encore en prison par manque d’argent de corruption à donner aux commandants de la PNC/Butembo.
Fatiguées de conditions de vie en forêt, les membres de famille en question se sont décidés de quitter la forêt pour le tribunal de grande instance, siège secondaire de Butembo voir le procureur de la République. Celui-ci a ordonné au commandant de la PNC de retirer ses cinq policiers qui avaient investi KIRIMBUNDA pendant les trois semaines pour arrêter les fugitifs de la famille concernée. Le procureur de la République a promis s’investir dans ce dossier afin d’y mettre fin.
Ce cas démontre bien combien la palabre locale habilitée à juger des affaires foncières est rendue inefficace par la force qui n’a d’autre autorité que la poudre et le canon. Le conflit reste cependant ouvert et peut resurgir à tout instant.
Remarquons que la PNC a été très active dans ce dossier pour déstabiliser toute une famille, un village, et une église pendant des semaines. Mais quand il faut protéger les citoyens, cette police manque toujours de carburant dans leurs camionnettes. Le jeu de la police et des militaires déployés à Beni-Lubero livre ainsi ses secrets de polichinelle ! Il s’agit d’une force répressive d’occupation, de saisie des terres, etc.
Dossier à suivre!
Correspondant occasionnel de Butembo
© Beni-Lubero Online





