





Depuis bientôt une année, beaucoup de Congolais ne savent pas sortir du pays par manque de passeport ordinaire. Que de rendez-vous manqués ! Cette pièce d’identité d’importance capitale pour les voyageurs n’est plus disponible au ministère des Affaires étrangères. Il se constate une rupture totale et inexpliquée de stock. De quoi dire qu’une confusion a entouré la gestion de la passation du marché sur la production et de l’octroi de ce document dont on voulait, pourtant, voir la qualité répondre aux exigences du standard international. Qui bloque le dossier ?
La manière dont on a géré la passation du marché relatif à la fabrication du nouveau passeport ordinaire est l’un des signes qui ne trompent pas sur le difficile fonctionnement de certaines structures de l’Etat et de vrais pouvoirs de leurs animateurs. La question a été tellement inquiétante pour la population que l’Assemblée nationale s’est saisie du dossier. D’autant que le passeport ordinaire est une pièce d’identité que tout citoyen doit posséder s’il désire se rendre à l’étranger.
Le ministre des Affaires étrangères a été appelé à fournir des explications à la représentation nationale. Il ressort des réponses de ce dernier l’existence d’un jeu d’intérêts individuels au détriment de l’Etat et de la population. Comment un gouvernement peut-il trouver normal que la population soit privée de passeports pendant plus d’une année et dormir sur ses lauriers ? C’est qu’il se pose un réel problème de la gestion du patrimoine de l’Etat. De là à dire qu’il s’agit de la banalisation d’une question d’intérêt national, il n’y a qu’un pas, et vite franchi.
La situation actuelle est une rupture totale de passeports. Elle est venue administrer un coup de massue à la rareté qui datait déjà de longues années où un passeport se négociait en urgence jusqu’à 300 Usd. Quid ? Pendant la transition, une commande de 200 000 passeports ordinaires a été passée par le gouvernement à l’Hôtel des monnaies. Ce dernier, pour des raisons non avouées, livrait les documents commandés à compte-gouttes, c’est-à-dire, selon son rythme et son volume. A l’avènement de la Troisième République, une nouvelle commande de 100 mille passeports ordinaires avait été passée par le ministère des Affaires étrangères à l’Hôtel des monnaies. C’était en juin 2007. Ce dernier n’en a livré que 47 mille, au même rythme, en toute désinvolture.
Or, cette commande a été faite pour répondre à la demande pressante en attendant l’aboutissement du projet soumis, en mars 2006, par le ministère des Affaires étrangères au gouvernement relativement à la fabrication d’un nouveau passeport, cette fois biométrique. Cela de manière à se conformer aux normes fixées par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Ce projet concernait aussi les visas qui devront être thermocollants. Ces exigences d’ordre sécuritaire, ont l’avantage de constituer une base de données fiables sur les détenteurs de passeports. Un appel d’offres fut lancé et huit entreprises spécialisées dans la fabrication de ces documents à haute sécurité furent sélectionnées et contactées. Quatre seulement ont pu acheter le cahier spécial des charges confectionné par le conseil des adjudications du gouvernement. La procédure fut stoppée en juin 2006 par le directeur de cabinet du chef de l’Etat de l’époque. Selon celui-ci, il fallait attendre une décision qui devait sortir du Conseil des ministres. Et le temps passa.
En avril 2007, le ministère des Affaires étrangères soumet à nouveau le dossier au gouvernement. Il obtient du Premier ministre de relance la procédure de passation de marché. Et c’est finalement deux entreprises, parmi les huit sélectionnées, qui déposent leurs offres. Il s’agit de RSI-Holding & Indira Sistemas s.a, pour une valeur de 25.433.540,48 Usd et de François Charles Oberthur Fiduciaire pour 9.534.318,76 Usd.
Après ballottage, le Conseil des adjudications retiendra, le 10 septembre 2007, l’entreprise française, pour des raisons évidentes de coût moins élevé de la soumission (Cfr Ordonnance-loi 69-054 du 5 décembre 1969 relative aux marchés publics). L’Etat bénéficiait ainsi de 16 millions Usd, différence entre les deux concurrentes. Il faut tout de suite préciser que la décision prise le 25 mai 2007 par le même conseil des adjudications attribuant dans un premier temps le marché à RSI-Holding n’avait jamais été formalisée. Aux termes du contrat, François Charles Oberthur Fiduciaire devrait fournir un million cinq mille passeports biométriques et un million de visas autocollants. Elle devait fournir dans un premier temps et dès février 2008 200 mille passeports et 200 mille visas pour un montant de 1.906.983,75 Usd.
Malgré ce qui précède, le passeport ordinaire est recherché comme de l’or et du diamant. D’aucuns se demandent à quel niveau se situe le goulot d’étranglement. Au regard de l’évolution dossier, les responsables de l’Hôtel des monnaies et au ministère des Finances ne seraient pas étrangers à l’absence de passeports. Le premier est allé, contre toute attente, déposer au ministère des Affaires étrangères 6.875 passeports ordinaires dont 1.875 biométriques. Pour un coup de théâtre, c’en est un. A quel moment l’Hôtel des monnaies a-t-il pris part à la procédure relative à la passation du marché des passeports? Non seulement, il n’a pas livré le reste de la commande lui passée il y a belle lurette (53 mille passeports ordinaires), mais encore il viole l’Ordonnance n° 69 -279 relative aux marchés publics en s’invitant dans un appel d’offres auquel il n’a pas concouru.
Le ministère des Finances, quant à lui, n’a pas fait de cette question une priorité. Il a gelé le paiement des 50 % de la facture alors que le ministère du Budget a déjà libéré le dossier. Et quand on pense que la persistance de ces deux goulots d’étranglement pourrait conduire à des poursuites judiciaires de la part de la société qui a gagné ce marché, il y a lieu de se demander s’il n’y a pas en toile de fond un conflit d’intérêts non avoué.
Tous les voyageurs congolais fondent leur espoir sur l’annonce qu’a faite sur les ondes de la Radio Okapi ce mercredi 09 juillet 2008, le conseiller juridique au Ministère des affaires, Monsieur Gilbert Kyatsinge, annonce selon laquelle 30000 passeports seront mis à la disposition du Ministère des affaires étrangères d’ici fin juillet pour permettre à ce dernier de répondre à une forte demande pressante. Ce n’est pas la première fois que la République Démocratique du Congo connaît le problème de manque des passeports, alors que sous d’autres cieux, ce document est considéré comme une carte d’identité nationale. Signalons également qu’un agent oeuvrant au Ministère des affaires étrangères, qui a requit l’anonymat, a révélé qu’il existe un réseau maffieux qui se lance dans la livraison illicite de ce document, il est constitué du Ministère des Affaires Etrangères, de la DGRAD et de l’hôtel de Monnaie.
Eugide Lalé Mbunda
Bunia
Beni-Lubero Online





