





L’ONGéisation des questions publiques en RD Congo ou la lutte contre l’émergence d’un Etat digne de ce nom
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L’avènement de la guerre d’agression chez nous a coïncidé avec l’explosion des ONG humanitaires. Et le semblant de retour de la paix fait naître des ONG et des Fonds pour la reconstruction du pays et plus particulièrement des coins ayant été (et qui sont encore) visiblement victimes de cette guerre d’usure. Ce double phénomène donne à penser.
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La solidarité humanitarisée avec l’aide des bailleurs de fonds a caché, très mal, pendant longtemps, le fait que ce sont les mêmes qui alimentent les foyers de guerre. Souvent, trouver du boulot pour les humanitaires (et lutter contre le chômage au Nord) ne va pas sans alimenter les guerres et les pillages des ressources du sol et du sous-sol au Sud. Ici, la faim, la misère et la maladie sont interprétées dans le contexte de la guerre comme étant les fruits de « la » violence humaine, sans plus. Et assurer « la sécurité alimentaire » et les soins de santé à leurs victimes participe de la solidarité humanitarisée dont « le monde civilisée » ne peut se passer. Les questions liées aux causes structurelles exogènes de cette violence sont souvent occultées. Un exemple. Le phénomène de sous-traitance des dictateurs du Sud finançant les élections des politiques du Nord et ouvrant leurs économies non-compétitives au marché néolibéral des multinationales vendeuses d’armes est souvent passé sous silence.
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Ce phénomène semble être compris par nos populations de l’est. Elles auraient demandé à certaines ONG humanitaires de partir de cette région de notre pays en soutenant qu’il n’y a pas de pain sans paix.
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Après la mascarade électorale de 2006 dont sont issues les institutions politiques actuelles du pays et au fur et à mesure que notre pays avance vers les élections probables de 2011, les ONG et les Fonds pour la reconstruction du pays se multiplient. Et pourtant, nous avions cru entendre qu’il y a, à Kinshasa et dans les provinces, des Ministères chargés de la reconstruction du pays.
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Comment peut-on lire cette multiplication des ONG et des Fonds ? Comment peut-on expliquer cette ongéisation ? A notre avis, la majorité formée après 2006 n’a pas été le produit d’un débat sur des projets de société des partis qui en sont membres. Comme il n’y a pas eu ce débat, le programme de gouvernement auquel cette majorité a adhéré lui a été dicté par « les bailleurs de fonds » dont le FMI. Son attachement aux « cinq chantiers » (du Président de la République et/ou du gouvernement) trahit ce manque de programme de gouvernement concerté. D’où la navigation à vue à laquelle elle a habitué nos populations jusqu’à ce jour. Donc, il y a au fondement de la majorité au pouvoir un manque de vision et d’orientation politique commune. Réussir une visibilité commune lui devient compliquer à l’approche de 2011. Ainsi, « les plus malins » de cette majorité s’arrangent pour se refaire « de la santé politique » par eux-mêmes ou par des sous-traitants interposés en finançant les ONG ou en cherchant les subsides pour les Fonds de reconstruction. Ils croient pouvoir répondre à l’impératif de la reddition des comptes en 2011 en renvoyant aux réalisations de leurs ONG ou Fonds.
Apparemment, il n’aurait rien à redire eu égard aux services énormes que rendent ces instances. Mais au fond, elles participent de la lutte contre l’émergence d’un Etat digne de ce nom par le court-circuitage des instances publiques ayant le devoir de rendre officiellement compte. Elles engendrent le clientélisme, le népotisme et le néocolonialisme, nuisibles à l’émergence d’un Etat de droit démocratique. Elles promeuvent des oligarchies prédatrices au service des réseaux mafieux nationaux et internationaux. La cour des comptes et le Parlement sont évités au profit des Conseils d’administration ou des Commissaires au compte des ONG et des Fonds. « Les arrangements amicaux » disqualifient le contrôle étatique en bonne et due forme. Et les questions d’intérêt général trouvent leurs réponses dans des instances ad hoc non mandatées par les citoyens.
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Du point de vue des principes démocratiques, le principe de la souveraineté politique est violé. Les décisions publiques relèvent désormais des structures autres que celles voulues par les citoyens. Pour tout prendre, ces ONG et ces Fonds reposent le problème éternel de cette législature : la parallélisation des institutions publiques. Les visées électoralistes et le goût du pouvoir pour le pouvoir donnent des coups tordus à « la jeune démocratie » dont les gouvernants actuels ne cessent de nous rabâcher les oreilles.
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Par ailleurs, ces ONG et Fonds lavent les bailleurs de fonds de leur opprobre. Apparemment ! Dans les faits, cette ongéisation des questions publiques confirme leur hypocrisie et leur cynisme. Soutiens des seigneurs de guerre et autres dictateurs, ils peuvent, en les finançant, donner l’impression qu’ils sont pour la promotion de la dignité humaine, de l’autogouvernement et de l’autodétermination des peuples. L’une des questions sur laquelle nous devrions beaucoup travailler est celle de la sortie obligatoire de ce cercle vicieux. Peut-être que le premier pas sera effectué dans la consolidation de l’Alliance Sud-Sud pour laquelle Hugo Chavez et Mouammar Kadhafi se battent.
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J.-P. Mbelu
©Beni-Lubero Online





