





Ce n’est pas possible ! La triste réalité c’est de constater que très peu de gens ont défilé le 1er mai 2008. Il n’y a pas de statistiques disponibles mais on n’a pas besoin de faire des enquêtes pour savoir qu’à la date du 8 mars le nombre de personnes qui défilent est de loin plus élevé que celui du 1er mai. Est-ce parce que le nombre d’hommes et de femmes qui travaillent est inférieur au nombre de femmes qui défilent le 8 mars ?
Pour répondre à la question ci-dessus, on est tenté de croire que les gens ne veulent pas se manifester comme travailleurs ou qu’ils ont autre chose à faire que d’aller marcher sous le soleil ardent. Mais, que se passe-t-il le 8 mars parce qu’on voit des milliers de personnes vêtues de toutes les couleurs défiler pour réclamer leurs droits ou pour s’affirmer ? N’a-t-on donc pas besoin de s’affirmer comme travailleur au même titre que s’affirmer comme Femme ou comme Homme ? Ou alors, accorde-t-on plus d’importance à l’expression de sa féminité qu’à l’expression de sa qualité de travailleur ou travailleuse ?
Une chose reste vraie malgré le manque d’éléments chiffrés : La plupart de femmes congolaises ne travaillent pas. Génériquement, c’est erroné de dire que les femmes ne travaillent pas. Je reste convaincu qu’elles font la cuisine, elles vont au champ, elles vendent de bananes le long de la route, parviennent à tenir des familles entières et tout ça c’est du travail. Mais, disons qu’elles ne sont les employées de personne sinon d’elles-mêmes. Le travail qu’elles font leur permet de vivre d’une certaine façon mais n’est pas un travail rémunerable par un tiers. Très peu d’entre elles sont employées même si pour la plupart d’offres d’emplois "les candidatures féminines sont particulièrement encouragées" pour diverses raisons.
Mais si c’étaient les hommes qui avaient du travail, tout de même on aurait plus ou moins au 1er mai le même nombre de défilants sinon un nombre similaire qu’au 8 mars partant du fait qu’on compte environ 50 hommes pour environ 52 femmes en R.D.Congo. Un chiffre de 50 000 hommes au 1er mai serait visuellement similaire au chiffre de 52 000 femmes au 8 mars, nos yeux étant naturellement incapables de distinguer une différence de 2 %. Il revient de ce fait que les hommes ne travaillent pas non plus, non pas qu’ils ne sont pas capables de travailler mais qu’ils n’ont pas de travail. Femmes et Hommes congolais sont au chômage. Pour survivre, tous se débrouillent comme des poulets dans une poubelle qui parviennent parfois à y attraper des restes de grains et quelquefois des vers de terre, les poules étant néanmoins plus souples que les coqs.
Cette réalité de mort devrait nous faire observer une minute de silence qui nous servirait à repenser notre condition de vie, notre futur, notre épanouissement, notre sort. Comment pourrons-nous donc tenir devant la vitesse de développement des Etats développés si nous ne travaillons pas alors que la vie devient mondialement de plus en plus chère ? Mais, dites-moi où nous irons travailler s’il n’y a nulle part où travailler ?
Admettons que des emplois soient créés grâce aux milliers des millions de dollars attendus de la Chine. Si avec ces milliards on nous donne l’occasion de prendre des bêches pour tracer les routes, je suis plus que convaincu que chacun aura du travail. Ceux ou celles qui n’auront pas la force de prendre la barre à mines feront la cuisine pour les ouvriers. Mais je doute fort que l’autoroute qui ira de Kasindi à Niania en passant heureusement par Beni va recourir aux bras d’hommes pour rouler les rochers aux abords du Ruwenzori ou pour renverser des arbres géants dans la cuvette centrale afin d’agrandir la route existante. Pour le faire, on aura assurément besoin de grosses machines que nous n’avons pas et que nous ne savons même pas utiliser. Si l’on considère un à un les 5 ou les 6 chantiers du Chef de l’Etat dont le peuple congolais attend avec impatience la réalisation, on se rend vite compte que nous allons non seulement importer l’argent mais aussi la main d’œuvre qualifiée pour réaliser nos chantiers ambitieux. Je crains que nous (Hommes et Femmes) congolais n’ayons pas assez d’expertise et que les chinois pourront nous faire et l’argent et les ouvriers qualifiés pour nous laisser nous contenter des postes subalternes.
Si personne ne veut me croire, je serai tenté de dévoiler que lorsque l’entreprise chinoise SINOHYDRO a commencé l’aménagement préliminaire du tronçon routier Beni-Komanda, très peu de chauffeurs congolais ont été capables de manier les tracteurs. Et les chefs de chaque peloton de 20 ouvriers étaient tous des chinois facilement repérables à leurs chapeaux vietnamiens. Ainsi donc, pour pouvoir travailler dans le monde contemporain, les congolais ont besoin d’acquérir des compétences. Non seulement toutes les filles doivent aller à l’école des compétences mais aussi les garçons, les femmes et les hommes de tout âge. Les congolais ont besoin des compétences techniques dans tous les domaines, des compétences administratives, des compétences morales (car le vol et le détournement qui rongent la société congolaise au risque de voir les milliards des dollars de la Chine détournés à différents niveaux).
Y a-t-il un seul programme qui cherche à faire acquérir ces compétences sans discrimination aux hommes et aux femmes du Congo ? Y-a-t-il une école vocationnelle où les congolais de tout âge et de tout sexe peuvent apprendre un métier, une nouvelle technologie de pointe ? Le manque criant de cette possibilité d’apprentissage constitue le motif pour une deuxième minute de silence.
Mbusa Kito (kitombusa@yahoo.fr)
Beni
Beni-Lubero Online





