





Un jour avant la rencontre entre Joseph Kabila et Paul Kagame à Goma, la télévision Arte a fait passer un documentaire sur le procès d’un groupe de nazis à Nuremberg. Ce procès contre les crimes de guerre, les crimes contre la paix et les crimes contre l’humanité perpétrés par les nazis contre les juifs se voulait un rendez-vous juridico-historique important. La condamnation de certains de ces nazis à la peine de pendaison ou de prison à perpétuité devait servir d’exemple pour que les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité ne se puissent plus se répéter. Mais hélas ! Le monde est encore loin de rompre avec « le nazisme ».
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Tourner la page du passé ?
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A la rencontre de Goma du 6 août 2009, Paul Kagame a soutenu que la page du passé devrait être tournée pour que le Rwanda et le Congo regardent ensemble vers l’avenir. Cet appel de Paul Kagame est suspect. A plusieurs titres. La page qu’il demande de tourner est celle des crimes de guerre, des crimes contre la paix, des crimes contre l’humanité et beaucoup d’autres crimes imprescriptibles, aujourd’hui très bien documentés. Ces crimes commis au nom du « génocide rwandais » ont fini par révéler tous leurs secrets. Utilisant « le génocide » comme prétexte, Kagame, ses escadrons de la mort, ses parrains anglo-saxons et ses collabos Congolais ont « planifié » une guerre d’agression visant le pillage des ressources du sous-sol du Congo dit démocratique. Les preuves de cette guerre d’agression et du soutien constant offert par Kagame aux différentes rébellions sur le sol congolais existent. Elles ont poussé certains pays comme la Suède, la Norvège, les Pays-Bas et le Canada à couper leur aide bilatérale au pays de Paul Kagame (-sans rompre avec ses parrains). Les dernières déclarations de Lambert Mende, Ministre la Communication et des Médias après la publication du rapport de Global Witness ont été on ne peut plus claires. Pour Mende, ce rapport venait confirmer les thèses du gouvernement congolais : la guerre d’agression n’a été et n’est rien d’autre qu’une guerre économique.
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Décider que cette page de l’agression de nos population, du viol, du vol, des massacres des masses, etc. soit tournée au nom d’un avenir que Kagame et Kabila veulent construire ensemble, c’est cracher sur la mémoire de nos victimes. Et puis, il semble que ce n’est pas à Kagame et à Kabila qu’il appartient de décréter unilatéralement que cette page soit tournée. Non. Les voix étouffées de nos millions de victimes doivent se faire entendre. (Dernièrement, elles se sont fait entendre à Kisangani en refusant que le Congrès (du RCD) des bourreaux de nos populations se tienne dans cette ville.)
Souvent, sur cette question de l’exigence d’une justice juste sur la tragédie congolaise, nous nous trompons de débat. Des compatriotes mettant l’histoire tragique de nos populations entre parenthèse estiment que le Rwanda étant notre voisin naturel, nous ne pouvons pas ne pas avoir de bons rapports avec lui. Et que toute démarche allant dans ce sens devrait être encouragée. Ces compatriotes font comme si, avoir de bons rapports avec notre voisin Rwandais devrait se passer d’une justice juste rendue à nos millions de morts.
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A notre avis, la question essentielle est celle de la recherche de bons rapports dans la justice juste. Les bases de cette justice juste sont déjà lancées par la décision de la justice espagnole de poursuivre Paul Kagame et ses escadrons de la mort devant les cours et tribunaux. Les critiques de Florence Hartmann contre le fonctionnement du Tribunal Pénal pour le Rwanda à Arusha (dans Paix et châtiment. Les guerres secrètes de la politique et de la justice internationales, Paris, Flammarion, 2007), les témoignages de l’ex-congressiste américaine Cynthia McKinney, la récolte des données faites par Charles Onana à travers ses différents livres, etc. sont autant d’éléments qui appellent à la mise sur pied d’un « Nuremberg Congolais ».
Au fur et à mesure que les années passent (après 1996), la tentation de l’amnésie devient grande dans le chef de certains de nos compatriotes. L’attrait de petites solutions faciles et rapides gagne du terrain. Cela pousse plusieurs d’entre nous à croire que les pyromanes pourraient devenir des pompiers sans qu’ils ne disent pourquoi ils ont mis le feu aux poudres ; sans qu’ils assument leur part de responsabilité dans la tragédie congolaise.
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Un Nuremberg Congolais
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L’attrait pour de petites solutions faciles et rapides peut se justifier dans la mesure où les puissances qui ont facilité la documentation sur le cas des nazis à Nuremberg en Allemagne sont celles-là qui ont armé « les tueurs tutsi » contre les Congolais : la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Cet attrait peut aussi se justifier par un manque criant de culture générale, de formation et d’information. De toutes les façons, ces pays téléguidés par les multinationales nous ont fait la guerre par « les tueurs tutsi » interposés. Attendre d’eux qu’ils contribuent au rétablissement de la justice internationale dans les pays des Grands Lacs est une peine perdue : ils scieraient la branche sur laquelle ils sont assis. Violer les lois de la justice internationale permet à leurs entreprises de tourner.
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Mais dans un monde devenu multipolaire, il est toujours possible de recréer un autre partenariat qui fasse sortir le Congo des sentiers battus. (A ce point nommé, il y a une révolution qui doit se faire dans les têtes de la plupart de nos compatriotes ayant une image déphasée des U.S.A en tant grande puissance. Economiquement, les U.S.A. ont sérieusement décliné et ont opté pour la prédation. Politiquement, ils ont perdu toute caution morale et sont devenus inutiles. Géostratégiquement, l’Organisation de Coopération de Shanghai constituée en 2001 est un contrepoids freinant leurs élans impérialistes. La Russie et la Chine jouent un rôle majeur dans cette Organisation. L’alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA) constitue aussi un contrepoids naissant en Amérique Latine. Les guerres que les U.S.A. ont menées contre les petits pays faibles ou affaiblis tels que l’Irak et l’Afghanistan en appliquant « la théorie du fou » suite une recherche nostalgique d’une caution de puissance militaire déclinante. Lire à ce sujet B. BADIE, L’impuissance de la puissance, N. COMSKY, Les Etats manqués. Abus de puissance et déficit démocratique et E.TODD, Après l’empire. Essai sur la décomposition du système américain.)
Disons qu’il y a lieu d’aller voir ailleurs qu’aux U.S.A. avec son allié traditionnel : l’Europe occidentale. Et la grande puissance sur laquelle les Congolais(es) devraient compter pour un futur « Nuremberg Congolais » est représentée les masses populaires. Prenons quelques deux exemples. Elles ont soutenu (et soutiennent) Hugo Chavez contre « les tout-puissants » U.S.A., leurs multinationales et leurs collabos vénézueliens. Elles soutiennent le président hondurien Manuel Zelaya contre les putschistes. A notre avis, le défit éternel du Congo sera celui d’avoir un leadership responsable, capable de formater et d’être formaté par les masses populaires souveraines. Il y a encore suffisamment de travail à abattre dans ce sens à partir d’une éducation civique suivie et d’une alphabétisation conséquente. Les solutions classiques d’une élite compradore portée par les puissances matérialistes du Nord ont marqué leurs limites : elles favorisent la répression des masses populaires et la prédation. Elles permettent à cette élite d’escamoter les lieux de reddition des comptes indispensables à tout pouvoir pour le peuple.
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J.-P. Mbelu
Bruxelles
Beni-Lubero Online





