Le week-end dernier a été marqué chez les Basukali de la Chefferie des Bashu en Territoire de Beni par une réunion extraordinaire de tous les chefs coutumiers de la lignée de Vyavu dans le Kyaghanda de Bulambo à Isale.
Au menu de cette rencontre extraordinaire figurait un seul point, à savoir, la reconcialiation entre les membres de la lignée de Vyavu et la redynamisation des activités coutumières, notamment OVUHERE (sacrifice rituel) que certains chefs auraient tendance à oublier, un oubli qui, selon un orateur de la rencontre, peut conduire au mécontentement des ancêtres et expliquer les dangers qui pèsent actuellement sur la chefferie.
Le débat a commencé par un rappel de l’historique du clan des Basukali connus sous le nom de « Bashu » de la Collectivité Chefferie des Bashu en Territoire de Beni. Pour redynamiser les sacrifices rituels dont le rôle est d’assurer la canalisation des bienfaits des ancêtres vers les vivants, surtout en cas des difficultés de toutes sortes (sécheresse, épidémie, attaques, etc.). Il a ainsi été rappelé que le pouvoir ancestral des Bashu de la lignée de Vyavu se présente de la manière suivante :
– VYAVU est le dépositaire d’ « embita » ou couronne symbolisant le pouvoir ancestral.
– LUSENGE est le dépositaire d’ « ekisara » ou serpette symbole d’ « omukene » (abondance) mais aussi d’ « engavo » ou bouclier symbole de la défense du clan.
– KASUMBAKALI est le dépositaire d’ « omuhamba » ou « omuyali » c’est-à-dire le couteau qui tranche la gorge de l’animal du sacrifice. Kasumbakali est ainsi le sacrificateur qui a failli à sa mission d’offrir des sacrifices pour le bien-être des Bashu. On l’appelle aussi en Kinande « Ow’ekyaghanda » c’est-à-dire le vieux du Kyaghanda (véranda traditionnelle), le gardien de la coutume ou le coutumier.
A l’issue de la réunion, il a été demandé à Kasumbakali (représenté à la réunion par le chef coutumier Musenzi) de procéder à la construction des vyaghanda pour relancer les sacrifices rituels afin de vaincre les ennemis qui assaillent la chefferie des Bashu de tous les côtés mais aussi pour promouvoir la production agricole.
Parmi les participants à cette rencontre, on peut citer :
– Mwami Abdoul Kalemire III, chef de chefferie des Bashu.
– Son Excellence Juma balikwisha, Ministre provincial du Plan, et membre de la famille royale Bashu
– Les chefs coutumiers Mbotole, Kitakya, Musenzi, Kirivuli, Kasuka, etc.
– Le chef de groupement d’Isale- Bulambo, Mwami Kataka
– Une foule immense composée des Journalistes (dont Juvénal Paluku de Beni-Lubero Online) prêtres, enseignants, etudiants, gestionnaires des ONG locales, des mamans, des enfants, des policiers, etc., venus de tous les coins de Beni-Lubero pour être témoins de cette rencontre extraordinaire portes ouvertes.
L’accès au Kyaghanda est traditionnellement ouvert à tous car le Kyaghanda est la maison de tous.
Commencée à 12h00, la réunion a pris fin à 18h00. Pour marquer l’événement, un repas a été offert à tous les participants.
La chefferie des Bashu a grandement besoin de ces genres de réunion pour renforcer sa cohésion et son unité face aux forces capitalistes qui lorgnent déjà sur ses multiples richesses du sol et du sous-sol. Le pétrole inexploité du Graben de la chefferie des Bashu est déjà dans le collimateur des forces capitalistes qui se bousculent en ce moment au portillon du Nord-Kivu. Les montagnes de Kasitu, Muleke, Mughulungu, etc. sont l’objet de plusieurs visites des éclaireurs des transnationales. En voyant des équipes des blancs sillonnées les vallées, collines et montagnes, les villageois qui n’y comprennent rien se rabattent sur la légende des bouteilles de mercure abandonnées par les colons belges dans leur fuite devant les patriotes résistants Simba des années 60.
Les gestes des ONG internationales qui sont souvent les signes avant coureurs de l’arrivée des transnationales capitalistes sont visibles déjà dans la chefferie des Bashu. A part la Jeep neuve reçue il y a deux semaines par Mwami Abdul Kalemire III de mains de Son Excellence Julien Paluku, Gouverneur du Nord-Kivu, on peut citer :
– La construction d’un marché moderne à Bulambo
– La construction de la caisse paysanne d’épargne à Bulambo
L’équipement moderne d’une menuiserie à Bulambo
– L’atelier de couture de Bulambo
– Le traçage d’une autre route qui relie Bulambo au gisement pétrolier non encore exploité du Graben et à la pêcherie de Kyavinyonge sur le Lac Id-Amin. Ce n’est pas par hasard que la localité de Karuruma au centre du Graben est souvent investie de rebelles et des éleveurs armés dont, à part les multiples exactions sur les populations civiles, on ne connait pas les tenants et les aboutissants.
La chefferie des Bashu est ainsi écartelée entre tradition ancestrale et modernité capitaliste, avec le risque que le maître de l’argent paie « le tribut à la tribu pour s’attribuer les attributs de la tribu ». D’où une prudence tous azimuts s’impose aux chefs coutumiers très sollicités ces derniers temps mais qui devraient se garder de vendre leur âme à Mammon.
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Juvénal Paluku
Bulambo
©Beni-Lubero Online