





Voici un panorama du Rwanda actuel, du point de vue des vaincus, c’est à dire de la majorité de la population. Ce sont les choses que les visiteurs occidentaux ont difficile à voir. Nous leur demandons au moins d’écouter, au lieu de faire fi à leurs seules impressions, souvent habilement créées par les détenteurs du pouvoir.
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Dès qu’approche le 6 avril, anniversaire de l’attentat contre l’avion qui portait les présidents rwandais Habyarimana et burundais Ntaryamira et du génocide qu’il a déclenché, une atmosphère de tristesse envahit le Rwanda. Chaque fois, le régime a fait déterrer des ossements, en disant que ce sont des Tutsi tués lors du génocide, et a obligé la population à les brosser et laver, pour ensuite les mettre dans le mémorial : « Ces gens ont été tués par vos frères, c’est à vous d’arranger leurs os ». Or, parfois ce sont des Hutu tués par le FPR après sa victoire. Les gens sont angoissés, certains en tombent malades. Est-ce ainsi qu’on marche vers la réconciliation ? Quatorze ans après le génocide, dix-huit ans après le commencement de la guerre au Rwanda, quelle est la situation de la population rwandaise ? Je toucherai quelques aspects essentiels.
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Le Gacaca, au lieu de résoudre les problèmes des Rwandais, continue à remplir les prisons, à appauvrir les Hutu dans le pays et à pousser d’autres à l’exil. Les « rescapés » peuvent se permettre de mentir pour s’enrichir, écarter les Hutu en politique, en économie et dans la vie sociale. Beaucoup de Hutu qui ont un emploi ambitionné ou sont parvenus à une bonne position économique, sont accusés de génocide. L’injustice arrive jusqu’à la violation de femmes et de filles des accusés comme prix pour leur épargner la prison. Si elles refusent, leurs familiers accusés n’ont plus de chance d’échapper à l’emprisonnement à vie ou pour 30 ans, à moins qu’ils parviennent à fuir le pays pour aller mourir ailleurs. C’est ainsi que nos femmes, sœurs, filles ont été violées par des militaires, des rescapés, des juges de Gacaca et des autorités. Ce qui est plus dommage, c’est le fait que certaines d’entre elles ont été infectées de SIDA. Des prévenus ont été trompés par les juges, qui après leur avoir demandé de l’argent en échange de leur acquittement, les ont ensuite accusés : « Si vous êtes innocent, pourquoi avez-vous cherché à corrompre ? ».
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Souvent on utilise des voyous corrompus pour imputer des innocents, surtout pour convaincre le public présent à la séance du Gacaca que l’accusé est coupable. C’est ainsi que Jean-Pierre Kagubari, conseiller du Premier ministre, chargé de la bonne gouvernance, a été obligé de fuir le pays et depuis un mois se trouve à Bruxelles ; Niyitegeka Théoneste, candidat président en 2003, est dans la prison de Gitarama depuis le 29 janvier 2008.
Les enlèvements et les assassinats continuent, sous commandement du géneral. Emmanuel Ndahiro et du col. Rushema, les responsables de la D.M.I. Depuis un mois Siméon Ndahayo est disparu à Ruhengeri ; le commerçant Rwigara Assinapol, tutsi et membre fondateur du FPR, soupçonné d’appuyer le roi en exil Kigeri , a été enlevé, et a été retrouvé dans les mains de la police après deux semaines, suite à une haute pression de la presse locale et de la communauté internationale ; Francine Mutumwinka a été enlevée le 25 décembre 2007 à Nyimirambo, quartier de Kigali ; l’ingénieur Charles Uwineza, le professeur Ndimurwango Félicien, le directeur Etienne Nteturura, les docteurs Kamanzi et Emmanuel Mbabajehe et d’autres, ont tous disparu en ces derniers temps. A Cyangugu, dans le secteur Karangiro, Kanyarutoke Aimable a été assassiné par grenade sur la route le 20 mars 2008, alors qu’il accompagnait un ami, qui a été blessé. Il était accusé de collaborer avec les FDLR et d’héberger leurs infiltrés. Ainsi accusait-on aussi le commerçant Muvunyi Jean-Paul, assassiné chez lui la nuit entre le 23 et le 24 mars 2008, sans qu’on touche à ses biens. La radio dit toujours : « assassiné par des inconnus ». D’où peuvent venir ces « inconnus » qui assassinent les gens, dans un pays où les militaires sont éparpillés partout ? Ces assassinats ont l’effet d’intimider la population, afin que tout le monde reste soumis au pouvoir.
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Etouffement de la presse et de la liberté d’expression. Les journalistes et les directeurs de journaux qui fonctionnent sans rendre honneur au régime sont chaque fois convoqués par le géneral. Emmanuel Ndahiro et le col. Rushema, et accusés de semer l’insécurité ou de collaborer avec l’ennemi du pays, les FDLR. Plusieurs fois des journalistes ont été tués ou ont disparu. C’est ainsi qu’Emmanuel Ndahiriwe est décédé le 24 septembre 2007, suite aux coups et blessures que des policiers de Kigali lui ont infligés, à cause de son travail de journaliste ; la journaliste Agnès Uwimana du journal Umurabyo a été tuée chez elle à Kigali le 22 octobre 2007, trois semaines après avoir subi l’interrogatoire de la D.M.I., qui l’accusait d’injurier le pouvoir et d’avoir l’idéologie de la division. Mujyambere Jean-Bosco, journaliste du journal Umuco, a été enlevé le 8 janvier 2008 à Kigali et retrouvé mort par la suite; le journaliste Bosco Gasasira a été enlevé fin janvier 2008, toujours à Kigali, et son cadavre a été retrouvé au quartier Muhima une semaine après, le 2 février.
Eteindre la démocratie au Rwanda. En vue de mieux monopoliser le pouvoir, l’économie, la vie sociale du pays, le pouvoir de Paul Kagame et de son groupe – dont certains ont été cités par les magistrats espagnol et français – continue à terroriser, tuer, enlever les Hutu et certains Tutsi qui osent revendiquer leurs droits fondamentaux.
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Monopolisation du pouvoir Personne n’a le droit de contester le régime. Si quelqu’un ose demander où l’on va de cette manière, on l’accusera d’être génocidaire ou collaborateur de l’ennemi (les FDLR), d’avoir l’idéologie génocidaire et divisionniste, d’être un voleur. Kabera Assiel, ancien conseiller du président Kagame, le major Rutayisire, ancien directeur de l’Orinfor, Kanyarengwe Alex, ancien président du FPR, et d’autres ont trouvé la mort; l’ancien ministre Seth Sendasonga a été assassiné à Nairobi en 1998 ; le parti MDR a été destitué sans jugement et ses adhérents ont subi arrestations arbitraires et massacres ; le parti PDR Ubuyanja a subi le même sort ; le président Pasteur Bizimungu, le ministre Charles Ntakirutinka et d’autres membres fondateurs de ce parti ont été arrêtés .
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Personne n’est autorisé à former un parti politique. Les partis soi-disant d’opposition sont regroupés dans le forum du FPR, qui donc les contrôle. D’ailleurs, les présidents de trois d’entre eux sont venus en transfert du FPR et de la RDF, pour imposer l’idéologie du FPR ; c’est ainsi que Mitali Protais, chargé de la politique au sein de la RDF est devenu président du Parti Libéral, et tous les députés qui on refusé sa présidence ont été chassés du parti et de la vie politique par le FPR.
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Le FPR est le seul parti qui fonctionne au Rwanda et chaque fonctionnaire ou commerçant doit, bon gré mal gré, lui verser sa contribution : si quelqu’un se refusait, il serait considéré collaborateur des FDLR ou promoteur de l’idéologie génocidaire ou divisionniste. Il est ainsi difficile différencier les taxes du « Rwanda Revenue Autority », qu’on prélève sur les revenus de toute activité commerciale, et celles du FPR.
Maintenant le pouvoir est en train de former de jeunes miliciens qui travailleront pendant les élections législatives de septembre 2008 et présidentielles du 2010, en reconstituant et renforçant le groupe qui avait déjà agi pendant les élections de 2003 et qui entre autre avait brûlé les bulletins favorables à Faustin Twagiramungu. Chaque cellule choisit et envoie en formation dix jeunes ; officiellement, ils doivent aider le FPR pendant ses réunions et activités, en réalité tout laisse croire qu’ils superviseront et intimideront encore une fois les électeurs. Ils n’ont pas de tenues, mais sont armés, comme les Tutsi les plus influents. Leur formation militaire se fait en cachette à Gisakura, dans les forêts de Nyamirundi à Cyangugu et de Gishwati à Gisenyi, et en beaucoup d’autres endroits. Le président du Comité des Elections, Karangwa Chrysologue, membre du FPR, est parmi leurs formateurs.
Monopolisation de la vie sociale. La ségrégation règne dans l’enseignement secondaire et supérieur. Les enfants des rescapés et des membres du régime étudient gratuitement et assistés, depuis l’école secondaire jusqu’à l’université. Ils occupent toutes les places à la Faculté de Droit et de Médecine, et sont destinataires de toutes les places ou bourses à l’étranger. Les enfants des Hutu n’étudient que par l’effort de leurs parents, ou de leurs frères, car beaucoup de leurs parents ont péri en RDCongo ou se trouvent en prison. Leurs familles vendent une partie de la récolte de leurs petits champs ou des têtes de leur petit élevage pour leur permettre au moins de terminer les études secondaires.
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Monopolisation de l’économie. La monopolisation du pouvoir permet aux militaires et aux dirigeants du FPR d’habiter les maisons d’anciens commerçants et hommes politiques, qu’ils accusent de collaborer avec l’ancien régime ou avec les FDLR. Ainsi, la maison de feu Ntivumwa Vincent au Quartier Commercial de Kigali est occupée depuis 1994 par le gén. Freddy Ibingira ; celle de l’ancien commerçant Nzeyimana François est occupée par le gén. Karenzi Karake. Sont aussi occupées les deux maisons de François Serubibi à Kigali, aux quartiers Nyamirambo et Kicukiro, et la maison de Munyankeka Calliste à Kigali, quartier Muhima.
Presque tout commerce est dans les mains des officiers supérieurs, des membres du pouvoir et de ceux qui le soutiennent ; tous ceux-là occupent aussi une grande partie des terres dans la province de l’est, en les destinant aux pâturages : chacun possède 35 hectares. Nous citons entre autres les généraux Freddy Ibingira, Kayumba Nyamwasa, Charles Kayonga, Muhire, Dany Gatsinzi, Jack Nziza, Cyiza Césaire, Sam Kaka, André Rwigamba, le président Paul Kagame, le ministre Musoni Protais, le député Mitali Protais, le Commandant de la Garde Présidentielle, la secrétaire d’Etat Rose-Mary Museminari, le ministre Mutsindashyaka Théoneste, le Gouverneur de la ville de Kigali, Ragangaza (petit-frère du président Kagame), directeur de la Société de commerce « TAC-STAR » du FPR, le commerçant John Rusagara et sa femme Consolée Rusagara, gouverneur de la Banque Nationale du Rwanda (BNR).
Les membres du pouvoir bénéficient des crédits des Banques sans conditions ; du fait que parfois ils restent insolvables, quelques banques sont tombées en difficulté : telles que l’Union des Banques Populaires, la Bacar, la BCDI, la ICT et d’autres.
Insécurité dans la Région. L’insécurité qui règne toujours en République Démocratique du Congo, au Burundi et au Rwanda est en bonne partie alimentée par le régime rwandais, en vue de protéger le pouvoir retrouvé en 1994 et réaliser tous ses objectifs. Dans ce cadre, en R.D.Congo, l’armée rwandaise infiltre la province du Sud-Kivu, et occupe clandestinement celle du Nord-Kivu ; on déclare que c’est la guerre de Laurent Nkunda, mais c’est une guerre du Rwanda contre la R.D.Congo.
Au Nord Kivu la guerre se déroule aux ordres du colonel Kazungu du RDF : leur base arrière se trouve à Ruhengeri, sous commandement des gén. Freddy Ibingira et Mubarake Muganga. Le commandement des Rasta agissant au Sud-Kivu est depuis longtemps en main au major Tom, qui habite tout près de l’aéroport de Kamembe. La base arrière de tous les infiltrés au Sud-Kivu se trouve à Bugarama, sous commandement du gén. Wilson Gumisiliza.
Dans le FPR, il y a le service chargé du commerce ; dans ce cadre des membres du FPR s’occupent jusqu’à présent de l’exportation illégale des richesses minières de la R.D.Congo, surtout coltan, cassitérite et or. Le 15 septembre 2007 le gén. Charles Kagonga, chef d’Etat Major des forces terrestres, a organisé à Kigali une réunion de démobilisés, qui réclament les arriérés de salaire des années 1996-‘98 ; il les a invités à « revenir au service militaire pour aller combattre au Congo, où vous allez gagner beaucoup de richesses ». Le budget du Rwanda de 2008, de même que celui de 2007, prévoit cette guerre, qui permettra de conquérir l’est de la R.D.Congo et d’instaurer l’empire Hima. En cas d’échec, la Communauté internationale et l’ONU seront convaincues de la nécessité de revoir les frontières entre les deux pays. Le Rwanda affirme que les vraies frontières se trouvent à 350 km à l’intérieur du Congo, ce qui ne correspond pas au Traité de Berlin de 1885, que l’Union Africaine considère normatif par rapport aux frontières.
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Attitude de la Communauté internationale. La politique d’intimidation, de terrorisme, de ségrégation, qui règne au Rwanda, est à la base de la souffrance dans le pays et de la guerre et de la déchéance du Nord et Sud Kivu, où la confiance n’existe plus entre les Tutsi, les Hutu et les autres ethnies du Congo. Ce pouvoir ressemble au régime d’apartheid qu’a connu l’Afrique du Sud, et aux différentes dictatures qui ont sévi dans le monde au XXe siècle et quelque part jusqu’à présent. Ce qui étonne est le fait que la Communauté internationale refuse d’ouvrir les yeux sur cette situation et permet que la population continue à périr par la baïonnette du régime de Paul Kagame et de son groupe. Pire, beaucoup de pays, et surtout les Etats Unis et la Grande Bretagne, continuent de soutenir financièrement politiquement, diplomatiquement, militairement cette dictature. Le président Georges Bush a déclaré que Paul Kagame est son ami particulier; l’ancien président Bill Clinton et l’ancien premier ministre britannique Tony Blair déclarent aussi d’être les conseillers particuliers du président Kagame. Les autorités américaines et britanniques qui devraient soutenir les mandats d’arrêt internationaux lancés par las magistrats français et espagnol, continuent à les bouder. Et pourtant ils se disent promoteurs de la démocratie dans le monde !
Recommandations
Que la Communauté internationale, en particulier U.S .A. Grande Bretagne, Union Européenne :
– en collaboration avec les Nations Unies, fassent pression sur le régime rwandais afin qu’il s’ouvre à un multipartisme effectif;
– qu’ils le poussent à un véritable dialogue interrwandais, dans un pays neutre, afin que les citoyens rwandais Hutu et Tutsi retrouvent la confiance réciproque, le pardon mutuel et se concertent en vue d’une amnistie générale, qui faciliterait le retour des réfugiés, la paix durable dans la Région, la réconciliation et la réhabilitation de la communauté rwandaise.
– que les défenseurs internationaux des droits humains défendent tous les êtres humains sans différence aucune, en sachant que même les enfants des Hutu qui sont en train de périr dans des forêts de la R.D.Congo ont été créés par le Dieu tout-puissant ;
– que les autorités internationales suspendent le projet de pousser par la force les réfugiés rwandais en R.D.Congo à rentrer au Rwanda, sans abri ni protection ; cela risque de faire encore couler du sang d’êtres humains rwandais et congolais ;
– qu’ils suspendent l’extradition de prisonniers du Tribunal Pénal International d’Arusha au Rwanda : ce serait les mettre dans les mains des vainqueurs qui ont aussi tué ou fait tuer d’innombrables Hutu au Rwanda et en R.D.Congo.
– que les auteurs de cet autre génocide soient aussi traduits en justice ; que les mandats d’arrêt internationaux lancés par les magistrats français et espagnol soient exécutés sans condition.
Fait dans la Région des Grands Lacs Africains, le 28 mars 2008.
Musa
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Gacaca : l’injustice continue au Rwanda
Institution traditionnelle rwandaise visant la réconciliation, le gacaca a été présenté comme moyen pour accélérer l’examen des dossiers des personnes accusées de génocide qui se trouvaient par dizaine de milliers en prison depuis 1994. Grâce au soutien économique de la Communauté internationale, la juridiction gacaca est entrée en fonction le 15 janvier 2005 et a largement semé dans le pays peur et injustice. Voici un témoignage direct et actuel.
Gacaca prolongé
En principe le gacaca aurait dû se terminer en 2007, mais la liste des gens à juger est encore longue, c’est pourquoi les autorités ont prolongé son activité jusqu’à cette année 2008, pour les provinces où la liste des procès n’est pas terminée. A ces endroits, c’est même pire qu’auparavant : on est pressé, on n’a pas le temps d’écouter les témoins à faveur. Jusqu’à présent, le jour du gacaca, tout est fermé, sauf les hôpitaux et les écoles, et la population est obligée d’y assister. Pendant le procès il est interdit de rire (parfois on en a envie, un rire de déception), d’applaudir, de montrer un sentiment quelconque : les local defense qui surveillent interviennent et bousculent les gens, jusqu’à les frapper.
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Actuellement il y a deux aspects qui prennent plus d’importance et nous font peur: le viol et l’idéologie génocidaire. Une femme peut venir déclarer au gacaca : « Pendant le génocide, tel m’a violée ». Ce sont des femmes souvent manipulées par Ibuka . Leur accusation provoque l’immédiate arrestation de l’accusé. Par la suite, Ibuka cherche de témoins à charge, qui provoqueront une condamnation à vingt-cinq ans de prison. Dans le cas d’un viol récent, c’est l’hôpital qui donne son avis. Il est vrai, des viols se sont passés, mais maintenant c’est devenu une accusation facile pour se défaire de certaines personnes.
Quant à l’idéologie génocidaire, les parents sont accusés de l’enseigner à leurs enfants. Or, c’est le système scolaire d’aide aux enfants des rescapés qui fausse tout : on leur paie les taxes scolaires, l’uniforme, le matériel scolaire ; on leur donne la priorité dans l’accueil aux internats. Mon enfant m’a dit de ne pas lui acheter l’uniforme, il l’achètera bas prix à l’école auprès des camarades qui la reçoivent gratuitement de la part du FARG (Fond pour les rescapés du génocide). A l’école, Ibuka fait des réunions pour les seuls enfants des rescapés. Parmi eux certains ne sont pas sérieux à l’école, parce qu’ils disent qu’ils ne payent rien. Et malheur au professeur qui ose les corriger. Tout récemment un professeur a été condamné à cinq ans de prison et au dédommagement de 500.000 francs rwandais , parce qu’il a osé exhorter un enfant de rescapé indiscipliné à s’engager et à songer à son avenir.
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Une fille rescapée s’entendait bien avec d’autres filles de l’internat, en particulier avec deux sœurs. Lorsque la maman de ces dernières venait leur rendre visite, elles partageaient avec leur copine la pommade et tout ce qu’elle leur amenait. Le père de ces deux filles était en prison, et un jour l’aînée alla lui rendre visite. En rentrant, elle dit à la cadette que son père la saluait et qu’il ne prévoyait pas que les hommes puissent le libérer, Dieu seul pouvait le faire. La fillette se mit à pleurer. En voyant cela, la fille rescapée, leur amie, courut dire qu’on était en train de l’insulter. La fillette a été chassée de l’école.
Maintenant les députés descendent dans les écoles secondaires, soi-disant pour prêcher la réconciliation, mais ils expliquent le histoire du pays d’une façon déformée et les parents craignent qu’ils prêchent la haine. A mon petit enfant à l’école on dit d’éviter l’idéologie génocidaire. « Est-ce que j’ai l’idéologie génocidaire ? », m’a-t-il demandé. On est en train d’intoxiquer la nouvelle génération. A l’université, c’est grave aussi : dans les campus, ce sont les rescapés qui ont la priorité. Une fille de ma parenté a été renvoyé de campus, soi-disant qu’il n’y avait pas de place, et sa place a été occupée par une étudiante rescapée. Ce sont des choses qui blessent les jeunes.
Le gacaca de remboursement du dégât et pillage
On dit qu’il y a des provinces où les gacaca ont déjà terminé leurs listes : on se tourne alors vers les biens. On cherche à arracher aux gens les biens qu’ils ont : si un hutu a une vache, on lui dit qu’il l’avait volée pendant le génocide. Si un rescapé dit qu’avant les massacres il avait dix vaches et une maison, on part à la recherche de ceux qui ont mangé ses vaches et abîmé sa maison. Bien sûr, il y a eu des pillages et des vols, et ceux qui les ont commis ont payé juste après la guerre. A ce moment-là, c’était terrible : on frappait les gens, même si tu n’avais rien volé, il te fallait payer.
Maintenant, il suffit que le rescapé désigne celui qui lui aurait volé un bien pendant le génocide, et cette personne est mise sous procès. Souvent on cherche de faux témoins pour qu’elle cède ce bien ; par peur, personne n’ose contredire l’accusateur, seul l’accusé essaie de se défendre.
Une personne de ma connaissance avait régulièrement acheté un champs dans les années ’80. L’ancien propriétaire, malheureusement, fut tué pendant le génocide. La commission d’enquête sur les biens instituée après les massacres avait reconnu que le champs appartenait à celui qui l’avait acheté auparavant. Maintenant, des gens sont allés suggérer à un membre de famille de cet homme de prétendre le champs. C’est ainsi qu’on a appelé en jugement le propriétaire du champ.
Ibuka toujours à la recherche
Ibuka est une organisation à différents niveaux : elle a des représentants au niveau national, provincial… jusqu’à la plus petite entité, la cellule. Le niveau le plus bas est chargé d’identifier les intellectuels hutu du milieu qu’on peut accuser. Il en transmet la liste à l’échelon suivant, jusqu’à ce qu’elle parvient au niveau supérieur : là on décide comment procéder et on donne l’ordre aux comités de juges qui dirigent les gacaca de condamner certaines personnes . Jusqu’à présent, dans un quartier on peut trouver deux jeunes hutu qui ont terminé l’Université, qui n’ont de problèmes avec personne, mais les gens d’Ibuka les regardent : « Celui-là, pourquoi vit-il en de bonnes conditions ? ». Ils peuvent venir poser des questions, provoquer, pour dire enfin : « Vous avez échappé d’être mis sur la liste des accusés, mais maintenant c’est votre tour».
Avant que le procès gacaca n’ait lieu, Ibuka prépare les gens qui y assisteront pour qu’ils accusent l’inculpé. Quand celui-ci commence à parler pour se défendre, les juges et des personnes présentes à la séance l’interrompent en posant beaucoup de questions souvent insensées. Avant même qu’il commence à répondre à l’une, ou à peine a-t-il commencé à parler, un autre intervient pour lui en poser une autre. Découragé et énervé, l’accusé se taît, et les juges partent délibérer.
Le premier jugement se fait à niveau de secteur, où il y a aussi une deuxième chambre, d’appel. Si après cet appel on n’est pas satisfait, on peut recourir à la suprême responsable de Gacaca, qui peut donner l’autorisation de représenter appel – le dernier – dans un autre secteur
La peur continue
La peur dans la population hutu, majoritaire dans le pays, continue : nous avons peur du pouvoir, parce que le pouvoir n’a pas de pitié. Lorsque les gens se rencontrent, ils se disent discrètement : « Faites attention, ne dites pas…, ne faites pas… ». La population garde l’espoir qu’un jour la paix reviendra, mais chaque fois que les puissances du monde félicitent le pouvoir rwandais, elle sent cette paix plus lointaine. Nous espérons qu’un jour la Communauté internationale connaîtra à fond le problème du Rwanda. Peut-être faudrait-il un pouvoir neutre qui donne la liberté aux deux ethnies. Nous espérons qu’on enlèvera l’idée que tout hutu est méchant : tous n’ont pas tué, il y a des tutsi aussi qui ont tué ! Pendant la guerre commencée en 1990 et le génocide de 1994, d’un côté et de l’autre il y a eu des morts ; FPR et MRND se battaient pour le pouvoir.
Si les autorités n’incitaient pas à la haine, nous la population serions déjà retournés à la situation d’auparavant, lorsqu’on se mariait sans problème entre différentes ethnies. Maintenant les autorités disent aux tutsi : « Ce sont vos ennemis, il ne faut pas les marier ». L’Etat avait souhaité que chaque enfant orphelin puisse quitter l’internat et aie une famille : c’est ainsi que beaucoup de familles, tutsi et hutu, ont accueilli des orphelins, en provenance de l’orphelinat ou de familles victimes de la guerre.
Grâce aux aides reçus, on a maintenant dans le pays beaucoup plus d’écoles. Quand il y a des calamités, le gouvernement intervient rapidement ; par exemple, à l’occasion du récent tremblement de terre, l’Etat a mobilisé le personnel médical, a transporté par hélicoptère les blessés plus graves à Kigali, a fourni des soins gratuits aux sinistrés. En général, toutefois, les aides enrichissent les autorités, plutôt que secourir les pauvres. Les Eglises se taisent par peur : car si vous osez dire que tel chose n’est pas bonne, on vous accusera de développer l’idéologie génocidaire, de lutter contre le programme du gouvernement.
Fait dans la Région des Grands Lacs, le 25 mars 2008.
Habineza
De l’Internet ( Media Congo Monitor)
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Mis en ligne par Beni-Lubero Online ce Mecredi 2 Avril 2008





