





Au fil des ans, on a pu suivre les premiers pas en politique de la plupart d’élus de Beni et de Lubero. Qu’ils aient été appelés « députés », « commissaires du peuple », « commissaires politiques » ou « membres du comité central », tous ou presque eurent recours au peuple pour accéder à ces hautes fonctions. Le parcours des uns fut parsemé d’embûches alors que pour d’autres ce fut « simple comme bonjour » de se voir cooptés ou plébiscités en politique sous la deuxième République, – celle du MPR, le parti unique mis en place par Mobutu.
Quels furent les éléments de langage des uns et des autres pour convaincre leurs électeurs respectifs ? Voyons par cette série d’articles comment les campagnes étaient menées dans nos villages. Ce premier article est consacré sur ce qui se passa à Musienene voici quelques décennies.
A Musienene : une promesse de campagne « insolite »
En zone de Lubero, un candidat commissaire du peuple tenait son meeting à Musienene. Il avait son programme de campagne qui énumérait tout un éventail de projets qu’il promettait de faire réaliser durant son mandat, parmi lequel l’érection d’une prison digne de ce nom. Effectivement, la région avait besoin d’être dotée des maisons d’arrêt modernes, des milieux carcéraux respectant la dignité de leurs pensionnaires.
L’orateur monta au podium. Il prit la parole et choisit de s’exprimer en kinande, la langue parlée à Musienene. Jusque-là tout était parfait. La population était tout yeux tout oreilles, gobant littéralement les paroles de son probable futur député.
Après avoir égrené une litanie de besoins primaires de la population qu’il s’engageait à combler, le voilà conclure fièrement son discours en évoquant sa dernière promesse de campagne. « Si vous votez pour moi, dira-t-il dans sa verve incontestable, je me battrais pour que cette agglomération soit dotée d’une prison digne de ce nom en lieu et place du cachot sale et puant qui y existe ». En entendant ces paroles les visages se figèrent, signe que le message ne fut pas bien accueilli ou alors qu’il aurait été mal assimilé. Oui, la promesse s’avéra indigeste, insolite. Et ce fut une erreur fatale de la part de ce candidat novice en politique. Il en fera les frais.
Un lapsus linguae ou une phrase de trop?
Non, ce ne fut ni un lapsus linguae ni une phrase de trop. Cette phrase fut tout simplement prononcée au mauvais moment. En effet, ce fut par cette « bizarre » promesse de campagne que notre candidat à la députation conclut son discours. Or, un orateur avisé sait pertinemment que les paroles de conclusion d’un speech méritent une attention particulière et doivent faire l’objet d’une préparation minutieuse. En fait, ce sont ces paroles-là que l’on retient généralement et qui continuent à résonner dans le cœur et l’esprit de l’auditoire pour très longtemps.
Dans le cas d’espèce, l’irréparable venait d’être fait. Aussitôt le discours terminé, tout le village commença à ruminer l’unique promesse de campagne qui avait fait dresser les cheveux de la tête. Notre pauvre candidat, fils du terroir de surcroît, rata sa ‘sortie médiatique’ car ce qui revenait sur toutes les lèvres était la « prison promise à la population de Musienene ».
« Ce candidat, – pourtant un fils du terroir!, – nous veut du mal ! Il nous veut du mal en évoquant l’érection d’une prison moderne dans notre secteur ! », disait un vieil homme édenté qui, dans la foulée, revendiquait d’avoir « été enseigné à Kimbulu » [par des missionnaires Blancs], comme pour vouloir souligner que l’analyse qu’il faisait de ce discours était le fruit d’une pensée d’une certaine élite.
Notre piètre orateur réalisa à ses dépens que ses paroles étaient sorties de leur contexte et piqua une sainte colère. Et dans sa fougue, il traita cet auditoire d’ « illettrés incapables d’analyser un discours ». Ce fut alors la goutte d’eau qui fit déborder le vase car cette déclaration faite pourtant en privé tomba dans les oreilles des autres candidats qui en firent écho afin d’assommer définitivement leur concurrent.
Lors du vote, ce fut le retour de manivelle. Ce candidat ruiné par une campagne onéreuse ne recueillit aucune voix à Musienene et tomba dans l’anonymat jusqu’à ce jour…
Kasereka Katchelewa
France
Beni-Lubero Online





