





EXP : Ancêtre Au-delà, le …./…../2007
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Petit fils de mon petit fils,
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C’est avec très grande joie que j’ai lu ta lettre car tu songes encore à moi après ces cent quatorze ans (114 ans) que je viens de passer dans l’au-delà.
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Après l’avoir lue, relue et méditée, j’ai rassemblé tous mes voisins. Tous et alors tous ont été abasourdis comme tu le préconisais déjà. Ceux qui nourrissaient le projet de ressusciter ont été si dégoûtés qu’ils préfèreraient rester à jamais ici dans l’au-delà.
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Tu sembles ignorer que la femme, à force de manger sauterelles, oeuf, poulet et foie risque de devenir friande de viande et manger à la longue son mari ou son enfant en cas de manque de gibier. Ne dit-on pas : » Ameru matsivu n’ivala “[1]. Ne dit- on pas encore : » Omukule angana vugha ati alalire mbeva kwesi inialalire lula lwa mbene « [2].
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Tu dis que c’est la monogamie qui bat son record. Cependant tu dois savoir que si je n’étais pas polygame, tu ne naîtrais pas car tu descends de » Muswagha » [3] ma troisième femme sur sept. Pour toi, fais attention à ce dit Christianisme qui déprave mœurs, us et coutume. Epouse plus de trois femmes comme moi ; tu verras que tu seras renommé et respecté. Même les travaux de champs seront très faciles à faire, grâce à la ribambelle d’enfants que tu auras engendrés. Tu ne manqueras jamais du gibier, surtout les rats et les oiseaux. Tu ne manqueras pas non plus un garçon à ranger derrière les autres pour transporter une calebasse de Kasikisi si ton Papa l’offrait à un ami ou connaissance qui vit à distance. Erivuta n’iluhuka [4].
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Tu ajoutes que la femme a déjà commencé à assurer l’autorité au village voir au pays. Quel blasphème ! La femme est moins différente d’un enfant. Si un enfant se sent hissé ou choyé par ses parents, il domine et néglige les autres enfants comme lui. C’est de même pour la femme. Une fois Chef, elle ne peut qu’écraser les autres femmes comme elle et à afficher autre mesure le complexe de supériorité auprès des hommes comme pour se défouler et se venger. Les parvenus sont toujours dangereux. Vous devez savoir aussi que la femme est un sexe faible et fragile.
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Une femme, manger avec son mari ! La véranda (5), n’existe-elle-plus? Je t’assure que, manger avec son épouse et ses enfants peut conduire à sa propre dérision car les enfants risquent de faire de la barbe de leur papa, un jouet. La barbe d’un homme est sacrée. La femme risque à son tour de classer son mari parmi ses égaux et lui demander à la longue d’aller au puit à sa place, de lui laver les pieds, de faire le lit et de goûter sa cigarette.
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Fais le prophète pour que cessent à jamais ces sales habitudes qui, finalement vont désacraliser la terre que vous hériter de nous et de Katonda [6]
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EXP : Petit-fils du Petit-fils Vuyira, Le…../…../2007
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Mon ancêtre,
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Je profite de ce laps de temps pour te dire bonjour et t’informer sur la situation actuelle d’ici sur terre.
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Je t’assure que si tu ressuscitais, tu serais abasourdi de voir que tout a changé. La vie d’aujourd’hui est toute autre. Le quotidien actuel peut te décourager déjà aux jeunes jours de ta résurrection et t’obliger ipso facto de retourner dans l’au-delà qui est devenu ton milieu de vie.
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Aujourd’hui, en effet, la femme mange sans scrupule aucun le poulet, les sauterelles, les œufs et le foie d’une bête alors qu’à ton époque c’était des interdits parmi tant d’autres.
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Aujourd’hui, encore, une femme ne peut plus tolérer des co-épouses comme dans le temps. Le christianisme prône la monogamie et ne supporte plus les sales habitudes d’antan.
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Aujourd’hui, une femme peut assurer l’autorité d’un village, d’une cité ou d’un pays, Ce n’est plus comme de ton vivant où la femme était cloué à la cuisine après ses activités au champ, inaccessible à la véranda et vouée à se soumettre à son mari.
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Aujourd’hui encore, on peut prendre un repas avec sa femme et ses enfants à table. Personne et alors personne ne peut s’en moquer ni faire un moindre commentaire. C’est l’ère de l’émancipation de la femme et de la parité. J ai fini par comprendre qu’en fait, à ton époque, la femme était une vache à traire et une industrie pour produire des enfants. Elle était négligée, mal considérée et sous-estimée.
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Aujourd’hui, tu peux même te taire lorsque ton épouse te rejoint à domicile à vingt heures où entreprend un voyage de deux jours, deux semaines, deux mois… à cause de son commerce appelé de nos jours « lutte- lutte« (7) ou Mchakamchaka[8]
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Je t’assure qu’aujourd’hui, le monde est devenu tout autre. Aie l’amabilité de ressusciter un jour, tout t’étonnera.
Dans l’espoir que très bientôt, je vais te lire, mon bien cher ancêtre et ne sachant pas le quotidien de l’au-delà, je ferme le robinet en te redisant bonjour.
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Puisse le Bon Dieu te parvenir cette lettre !
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Petit-Fils du Petit-Fils
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Marcel Mutaka
Extrait du Bouquet A Paraitre : « Tradition et Modernité en milieu Yira »
Evêché du Diocèse de Butembo-Beni
Beni-Lubero Online
[1] ivala
[2] Une femme enceinte peut dire qu’elle affiche une option préférentielle pour le rat alors qu’elle a besoin d’un intestin d’ovin.
[3] Muswagha = nom de clan mais qu’une personne peut porter. souvent les polygames citaient les femmes par leurs clans
[4] Erivuta n’iluhuka = engendrer un enfant c’est se reposer
[5] La véranda = pièce à l’entrée du village, barza.
[6] Katonda = Dieu
[7] Lutte – lutte = débrouillage
[8] Va et vient pour chercher de quoi nourrir la maison la maisonnée





