






À l’allure où vont les choses, évoquer la mémoire du père Vincent Machozi, c’est comme demander à un géant de marcher sur les œufs. Oui, on marche sur les œufs ! Il faut peser les mots, autrement tout pourrait devenir fatal. Fatal ; pas d’abord pour le commun des mortels qui, en réalité, côtoient déjà la mort ; mais fatal pour ces hommes en robes noires qui ont peur de perdre leurs jobs s’ils osent rendre une justice qui, normalement, est la raison d’être de leur travail.
On ne les accuse pas ! Ce n’est pas là notre mission. On constate simplement les faits. Depuis maintenant un an, personne n’a assisté à un quelconque jugement sérieux des assassins du père Vincent. Pauvre lui ! Il avait osé ouvrir sa bouche et prendre sa plume pour les victimes des massacres de Beni-Lubero au Kivu. Il en a payé le prix dans la nuit du 20 au 21 mars 2016. Des hommes armés portant des uniformes des militaires congolais lui ont criblé des balles. Sa mort signale justement comme bien d’autres morts, une certaine complicité du pouvoir avec l’ennemie.
Cette déduction (de la complicité du pouvoir) se justifie même pour un amateur de la politique congolaise à l’ère du Coltan (minerais indispensable pour les appareils dits intelligents). Oui, nous avons une grande affection pour le père Vincent ; il est notre grand frère dans la vie, mais aussi dans la famille religieuse ; toutefois ce ne sont pas ces sentiments qui nous font parler. Les faits sont têtus et ils parlent d’eux-mêmes : comme pour beaucoup de victimes des égorgements dans Beni-Lubero, le gouvernement congolais a aussi gardé silence devant l’assassinat du père Vincent. Il est mort et c’est tout ! Dossier clos ! Ainsi, ils peuvent endeuiller, piller et occuper les territoires en toute quiétude. L’élément gênant est mort !
Il était vraiment gênant pour le système qui paralyse toute une nation. C’est ce dont témoigne son dernier texte avant son assassinat. En voici quelques extraits :
« L’occupation en cours du graben d’Isale-Bulambo démontre que l’avenir de la R.D.Congo ne se dessinera pas seulement dans les urnes mais aussi dans la sécurisation des savanes et forets du Kivu-Ituri. Les deux problèmes doivent être abordés concomitamment si les congolais veulent aboutir au Congo de leurs rêves. Il faut éviter à tout prix que le Kivu-Ituri [soit donné] au successeur de Joseph Kabila. »
Et cet autre texte :
« La connexion tanzanienne de ces deux bandits vient prouver la thèse selon laquelle le gros des troupes de l’occupation rwandaise du Kivu-Ituri sont des anciens réfugiés rwandais de Bukoba-Kagera/Tanzanie. Les tuniques des musulmans aident la diversion qui tend à masquer la face rwandaise de l’occupation pour faire avancer la thèse de l’islamisme EL-Shebab ou Boko Haram qui n’a jamais réussi à convaincre un seul congolais tellement la face du rwanda est visible partout. On comprend ainsi le grave danger de toute rallonge au pouvoir de Joseph Kabila. Les congolais dignes de ce nom doivent refuser toute forme de transition. En effet, au vu de ce qui se passe au Kivu-Ituri, toute transition au-delà de décembre 2016, donnerait du temps et des moyens au gouvernement congolais qui est, de toute évidence, complice de l’occupation rwandaise du Kivu-Ituri en cours » [https://desc-wondo.org/fr/assassinat-a-beni-desc-rend-hommage-au-pere-vincent-machozi/]
Il est finalement grave d’évoquer la mémoire du père Vincent, car on touche directement à l’absurde congolais. Pouvons-nous encore parler d’un État, d’une nation lorsque le pouvoir se substitue à l’ennemie ou moindrement au complice de l’ennemi de son peuple ?
Que dire encore… ? Le père Machozi est mort, mais ses actions ont fortement de forces qui animent les actes de paix et de justice les survivants de Beni.
Paix à toi cher ami et intercède pour ce pays des vivants !
Père Gaston Mumbere, a.a.
©Beni-Lubero Online.





