





La rencontre d’Addis-Abeba où il a été décidé le déploiement d’une nouvelle force internationale neutre à la frontière entre la R.D. Congo et le Rwanda pour mettre fin à la rébellion du M23 et des FDLR aura été de l’avis de plusieurs observateurs une opportunité gaspillée pour la R.D. Congo. Cette décision d’Addis-Abeba est en effet en contradiction avec la nature même de la rébellion du M23 et l’inexistence des FDLR comme menace au Rwanda.
La semaine avant Addis-Abeba avait mis le Congo sur la voie de sa libération par lui-même. La mobilisation totale du peuple congolais durant la semaine du 9 au 14 juillet 2012 était au top pour la première fois depuis le 25 août 1998. En ce jour historique, Mzee L.D. Kabila se réjouissant de l’échec cuisant de la guerre éclair de James Kabarehe, adressa ces paroles au peuple congolais: «Tout le monde doit se tenir prêt à faire face à l’ennemi. Dans chaque village, les gens doivent prendre les armes, même les armes traditionnelles, des arcs et des flèches, des lances, etc. L’important c’est d’écraser l’ennemi, sinon, nous allons devenir les esclaves de ces petits Tutsi.»[1] Le fruit immédiat de cette mobilisation du peuple congolais fut la reprise des villes de Matadi, Boma, Kitona, Moanda et Banana par l’armée congolaise et alliés. Cette recette de la libération de la R.D. Congo par les congolais eux-mêmes et leurs alliés avait pris au dépourvu les propagandistes de l’inexistence d’une armée organisée et disciplinée en R.D. Congo qui attendaient renverser le régime de Mzee LDK en un clin d’’œil.
Malheureusement, cette révolution de Mzee L.D. Kabila sera étouffée mais pas anéantie par l’acceptation de la communauté internationale représentée par la Monuc comme arbitre du conflit d’agression par le Rwanda. On peut affirmer sans peur de se tromper que la médiation de la communauté internationale ramena les agresseurs écrasés à Kinshasa au mois d’août 1998 non seulement sur la table du dialogue inter-congolais mais aussi dans les institutions congolaises.
Tout d’abord, les opérations dites de mixage, brassage, et d’intégration des troupes rebelles CNDP dans l’armée congolaise ont eu comme conséquence l’infiltration de l’armée congolaise par l’armée du Rwanda, un pays ayant à côté de son service du capitalisme international néo-libéral un agenda propre, notamment celui d’une occupation territoriale du Kivu-Ituri. Les débâcles consécutives de l’armée congolaise au front du Kivu-Ituri depuis Décembre 2006 s’expliquent par la présence dans la chaine de son commandement des éléments exécutants de l’agenda caché du Rwanda. Sans une purge de ces éléments nuisibles du sein de l’armée congolaise, une nouvelle force internationale ne peut produire le résultat escompté.
Ensuite, l’avènement de la rébellion du M23 a ravivé ce problème d’infiltrés rwandais. En effet, les experts de l’ONU ont révélé que des forces armées rwandaises se battaient aux côtés des rebelles du M23 à l’intérieur de la R.D. Congo. Ainsi, déployée une force internationale le long de la frontière entre la R. D. Congo et le Rwanda avant d’expulser les infiltrés rwandais équivaudrait à une naturalisation congolaise de ces infiltrés qui pourraient désormais ronger le fruit congolais de l’intérieur sans se faire inquiéter par une force internationale déployée à la frontière.
L’agression rwandaise du territoire congolais doit être traité comme l’agression du Koweit par l’Irak de Saddam Hussein, c’est-à-dire par une expulsion forcée des troupes rwandaises du territoire national congolais. Tout dialogue entre le Rwanda et la R.D. Congo avant cette expulsion est contreproductif. On ne dialogue pas avec un bandit armé surpris dans sa maison. Le reflexe premier est d’arrêter le bandit, le déferer au géolier, avant de se faire dédommager par une décision d’un juge au tribunal.
La décision d’Addis-Abeba est ainsi contre-nature et décevante de la part de la R.D. Congo. Aucun congolais ne s’attendait à un tel recul après les preuves de l’agression de la R.D. Congo par le Rwanda établies par des experts de l’ONU. Opter pour le déploiement d’une nouvelle force internationale c’est éteindre le feu de la mobilisation du peuple congolaise, éloigner la libération de la R. D. Congo par les congolais eux-mêmes, et transformer les congolais, victimes de l’agression rwandaise, en ennemis du Rwanda qu’il faut tenir hors d’état de nuire par une force internationale neutre. La vérité est que les congolais veulent expulser de leur territoire national les troupes rwandaises y infiltrées au cours de 12 dernières années. Et pour cela ils n’ont pas de force internationale neutre car ils sont mieux placés à distinguer ces forces rwandaises de forces armées congolaises.
En refusant de traiter l’agression rwandaise comme agression, la proposition ou décision d’Addis-Abeba enfonce davantage la R.D. Congo dans le piège du conflit international, nouveau nom de l’impérialisme du 21 ième siècle. Pour s’inviter à la table de la gestion interne d’un pays souverain, il faut le faire agresser par un mauvais voisin ou par une rébellion mieux équipée que l’armée nationale. Le cas du MALI obligé de résoudre sa crise par les forces de la CEDEAO est une belle illustration du piège du conflit international. Les citoyens maliens sont écartés de la solution qui s’impose. En déplaçant le centre de la résolution du conflit malien vers le Burkina Faso ou la Côte d’Ivoire, les forces occultes internationales décidées à réduire le rôle des Etats africains dans la résolution de leurs conflits marquent des points dans leur démarche de la recolonisation du Mali. La différence de l’exemple malien est que les pays membres de la CEDEAO ne sont pas des pays agresseurs du Mali comme le Rwanda l’est pour la R.D. Congo. La décision d’Addis-Abeba prête ainsi le flanc de la RDC au glaive du capitalisme international néolibéral et constitue en tout point de vue un recul dans la recherche de la solution à l’agression avérée de la R.D. Congo par le Rwanda.
La leçon de la révolution congolaise d’Août 1998 sous Mzee L.D.K est que le remède contre l’agression rwandaise n’est pas une force internationale neutre mais la mobilisation nationale du peuple et le recours aux alliés du peuple congolais. Jusqu’à preuve du contraire, la MONUC/MONUSCO est déjà par définition une force internationale neutre. Les 12 ans de sa prestation en R.D.Congo ont démontré que cette force internationale onusienne n’est qu’un cache-sexe des intérêts égoïstes des grandes puissances et multinationales qui la financent.
Les Casques Bleus de la Monusco lors d’une parade à Goma/ Nord-Kivu
Il en est de même des forces africaines d’interposition qui ne peuvent jamais voir le jour sans le financement d’une grande puissance qui, ipso facto, en contrôle la gestion et la finalité.
L’exemple du Rwanda peut aussi servir à la R.D. Congo. Juste après le génocide de 1994 , la première décision de Kigali fut de mettre fin au mandat de la force internationale onusienne (MINUAR) et des ONG internationales. Aussi, en 1996, pour démanteler les camps des refugiés Hutu rwandais à l’Est de la R.D. Congo, le Rwanda soutenu par les USA et l’Angleterre refusa l’intervention d’une force internationale et obtint l’autorisation du Conseil de Sécurité de l’ONU d’intervenir seul avec des alliés de son choix, notamment l’Ouganda, le Burundi, l’Erythrée, et les USA.
Ainsi donc, si la R.D. Congo veut la paix à ses frontières avec le Rwanda, il n’a d’autre choix que la mobilisation du peuple congolais et le recours à des forces armées alliées. Faire venir une nouvelle force internationale en RDC aux côtés de la Monusco qui souffle le chaud et le froid depuis 12 ans, c’est opter pour la poursuite de la prédation internationale en R.D.Congo avec des effectifs majorés.
Le plus grand perdant d’une nouvelle solution internationale en R.D. Congo ne pourra être que le peuple congolais qui attendrait en vain qu’une force internationale neutre dont il n’aura aucune emprise trouve la solution en sa place. Le bilan négatif de la Monuc/Monusco est là pour prévenir le régime de Kinshasa de conséquences d’une nouvelle souscription à une nouvelle stratégie internationale. Le peuple congolais mobilisé pour prendre en charge sa sécurité et son bien-être est la recette que les ennemis de la R. D. Congo craignent et découragent toujours pour maintenir leur mainmise sur la conduite des affaires en R.D. Congo. Si à un peuple congolais mobilisé on ajoutait la prise en charge d’une armée congolaise entrainée, équipée, et commandée par des dignes fils du pays, le Rwanda réapprendrait à respecter les frontières congolaises comme par le passé. Les grandes puissances alliées du Rwanda seraient aussi obligées de choisir entre faire des bonnes affaires en R.D. Congo et couvrir une occupation territoriale de la R.D. Congo par le Rwanda dont les conséquences ne peuvent qu’être fatales à tous !
©Beni-Lubero Online
[1] Ian Steward, AP, Kinshasa, 30 août 1998 & Ludo Martens, Kabila et la révolution congolaise, panafricanisme ou néocolonialisme? Tome 1, Editions EPO, Anvers-Belgique, 2002, p.420.





