





"Il y en a marre. J’ai honte d’être congolais aujourd’hui quand je vois Kabila junior manipuler les parlementaires voire ce qui reste des intellectuels congolais à Kinshasa. Il nous faut un nouveau président. Même à la manière des malgaches." Ce genre de réactions sont de plus en plus nombreuses à être enregistrées dans certains milieux congolais. Autant à l’étranger qu’à Kinshasa. Voire dans l’entourage du président.
Le spectacle qu’offrent certains députés membres de l’AMP à Kinshasa sous les ordres de "Kabila", n’est pas de nature à rassurer les congolais sur l’avenir de leur pays. Si toute l’actualité politique rdcongolaise tourne autour de la démission du président de l’assemblée nationale, Vital Kamerhe, la procédure quant à elle, a mis au grand jour le degré de corruption de la classe politique congolaise. Il eût été autrement s’il ne s’agissait pas de la souveraineté de la RDCongo. Heureusement qu’il reste un peu de courage au président de l’Assemblée Nationale qui, contre vents et marées, a quand même réussi à ouvrir les travaux de la session parlementaire du 16 mars dernier. Bien que l’hémicycle était clairsemé, un bon groupe de ses fidèles, doublé des membres du corps diplomatique ainsi que le président du sénat, M. Kengo Wa Dondo, ont opposé une sorte de démenti à ses détracteurs de l’AMP. Leur absence aurait été achetée par Kabila à 10 000 dollars US. Aucune retransmission télévisée n’aurait pas été assurée. L’apparatchik, comme il aime se qualifier, Mende Omalanga, ministre de l’information ayant donné l’instruction négative de ne pas diffuser la cérémonie. Il a dit sur les ondes de la voix de l’Amérique, que le parti avait raison de démettre Kamerhe au mépris des pratiques parlementaires qui reposent sur le vote. . Cette attitude rappelle bien l’époque du MPR où ses caciques avaient l’habitude de dire que la parole du président fondateur c’est la réalité. Et Mende, dont l’opportunisme politique de mauvais goût est connu, connaît bien la chanson. Il convient de rappeler qu’il est lui aussi passé chez les rwandais du RCD/Goma avant de revenir à Kinshasa. Mais sur la même radio, Kamerhe a bien répondu, en précisant qu’un député n’avait des comptes à rendre qu’à ses électeurs et non à un parti et qu’il ne remettrait son mandat qu’à ceux qui l’ont élu. Lorsque l’armée rwandaise entre officiellement au Nord-Kivu le 18 janvier dernier, avec l’autorisation de Kabila seul, sous prétexte qu’elle se joindrait aux FARDC pour chasser les hutu des FDLR, les patriotes congolais et ceux du Kivu en particulier sont en colère. Bien plus, ceux qui étaient sensés en être informés les premiers, se désolent de cet isolement. En tête, le chef d’Etat major des FARDC, le général Didier ETUMBA et les responsables de la MONUC.
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Ceci dit, lorsque Kabila exploite la réaction de Kamerhe contre cette opération pour le forcer à démissionner, sa démarche ne peut être que contre productive. Tout simplement parce que les victimes de cette même armée, qui ne se cachait plus derrière les rebelles de Nkunda, n’avaient même pas fini de panser leurs plaies. Pire, d’enterrer dignement leurs morts suite aux massacres de Kiwanja perpétrés par les troupes rwandaises commandées par Nkunda. On peut bien rétorquer que généralement les opérations militaires s’entourent de beaucoup de secret. L’alliance dans cette situation était contre nature et ne pouvait ne pas susciter des violentes réactions. Si le partenaire militaire avait été autre que l’armée rwandaise dont on connaît déjà les visées sur la RDCongo, et dont l’implication dans les pires exactions contre les populations était avérée, le secret serait dans une certaine mesure tolérable. De ce fait, la condamnation de Kamerhe sur ce seul prétexte, paraît aux yeux de plus d’un observateur très injuste.
Kamerhe accusé de haute trahison
L’accusation portée contre Kamerhe par Kabila à Goma, à la connaissance d’un groupe de parlementaires venus de Kinshasa le 15 mars dernier pour recevoir les consignes de sabotage de l’ouverture de la session du 16 mars, est un peu approximative. Selon Kinkiey, député(AMP) de Masimanimba, qui faisait partie de la délégation et propriétaire du journal Le Soft, ancien membre du RCD/Goma, Kabila aurait informé Kamerhe de l’opération militaire rwando-congolaise au Nord-Kivu:" J’ai longuement briefé le président de l’Assemblée Nationale sur l’opération conjointe. La rencontre dure presqu’une heure. Je lui parle des objectifs poursuivis: résoudre les problèmes du CNDP, les problèmes des FDLR, créer un climat de confiance au sein de la communauté internationale. Je lui ai donné même un délai de cette mission des officiers des contingents ou des renseignements (…). Je ne pouvais pas lui dire tous les détails. Je connais Vital. Je le reçois à 11h. A 14h, je reçois un coup de fil: Vital vient de faire une déclaration. Il dit tout ignorer de ces opérations, que cela est très mauvais, que l’Assemblée nationale n’a pas été consultée. Et Kabila de poursuivre:
" En réalité, ce n’est pas la déclaration qu’il a faite qui m’intéresse. Je vois l’objectif que cela vise. Or ici, au Kivu, cette question est sensible, une question hypersensible. En faisant sa déclaration, il visait le soulèvement de la population au Nord-Kivu et au Sud-Kivu. Et on peut deviner la suite." On comprend pourquoi Kabila s’est rendu dans les provinces Orientale, du Nord-Kivu, Sud-Kivu, pour essayer de calmer la colère de la population. Malheureusement c’était pour l’attiser. Il a essayé de promettre à Beni et à Butembo qu’il va alimenter ces deux territoires de Beni-Lubero en électricité à partir de l’Ouganda, personne ne l’a cru. Car aucune des promesses électorales dont les cinq chantiers (fantômes) n’a été tenue. Y compris d’ailleurs la même promesse renouvellée. La population veut désormais juger sur pièce. Elle en a assez des discours creux. Elle n’a plus besoin des polos et des képis frappés à l’effigie de Kabila. Dans cette partie de la RDCongo, la population a l’impression que le chef de l’Etat congolais a fait la part belle aux rwandais. Qu’ils soient hutu ou tutsi. Car, il y a quelques temps, Edmond Garambe, porte-parole des FDLR, circulait librement au Kivu. Il affirmait peu avant son arrestation au cours de la fameuse opération, que son mouvement était en bons termes avec le gouvernement de Kinshasa.
Pourquoi Kabila n’a-t-il pas inquiété son chef d’Etat-major qui a également exprimé son inquiétude sur la fameuse opération pour n’y avoir pas été associé! Beaucoup d’autres voix se sont élevées. Qui de Kabila et de Kamerhe s’est-t-il comporté comme un pyromane pompier? Qui aurait trahi le pays plus que l’autre au regard de l’évolution de la situation! Qui doit démissionner et qui doit être arrêté?
Curieux acharnement contre les ressortissants du Kivu
A la lecture de ces propos rapportés par Kinkiey, on comprend mieux pourquoi Kabila multiplie les arrestations des ressortissants du grand Kivu. Il convient de signaler l’arrestation, la semaine dernière, du député Justin Bitakwira du Sud-Kivu, apparenté AMP. Ce dernier a eu le courage de déclarer sur RFI que Kabila ne doit pas considérer les députés de l’AMP comme des béni-oui oui. Qu’il devrait accepter qu’on lui dise non quand il commet des erreurs même par les membres de son parti. Aux dernières nouvelles, Bitakwira serait libre mais surveillé, sans passeport et pièces d’identité. Confisqués par les agents des services spéciaux qui l’ont interpellé à l’aéroport de N’Djili alors qu’il voulait se rendre au chevet d’un parent, hospitalisé à Nairobi. Floribert Chebeya Bahizire, président de l’Association "La Voix des Sans Voix", lui aussi ressortissant du Kivu, a été arrêté à Kinshasa pour avoir dénoncé la même opération et qu’il se proposait d’organiser une marche avec d’autres associations. On ne compte plus les mutations forcées des agents des services spéciaux ressortissants du Kivu et leur mise au garage sans fonctions malgré leurs grades d’inspecteurs ou de directeurs. La suspicion est à son comble."Les réactions de Kabila montrent chaque jour combien il est complice de la dégradation de la situation de la RDCongo et surtout du Kivu. Il se montre de plus en plus indigne de diriger le pays et d’avoir trahi la confiance des populations du Kivu qui l’ont élu massivement" confie un religieux qui vient de passer ses vacances à Goma. Même si les langues commencent à se délier maintenant sur la manière dont il a été élu. D’après certaines indiscrétions, les élections n’étaient qu’une formalité. Sauf pour les parlementaires. Kabila avait été choisi à l’avance pour ses "qualités"." Les financiers savaient qu’il n’avait pas beaucoup de chance d’être élu. C’est pourquoi la pression a été mise sur les autres candidats pour qu’il se désistent en sa faveur”. Paroles d’un observateur européen qui a participé aux opérations électorales de 2006 en RDC. Aujourd’hui la déception des congolais et des Kivutiens en particulier est à la hauteur des promesses qui portaient sur la paix. Kabila sait bien qu’ils ont beaucoup souffert des affres de cette guerre et continuent à en payer un lourd tribut .Et que leur opposition à toute initiative susceptible d’en rajouter à leurs souffrances est légitime. Vouloir les bâillonner, ne peut être que contreproductif. Et dire que la fameuse opération n’a pas produit les résultats escomptés, il n’y a pas de quoi inquiéter ceux qui la dénoncent.
Maigre bilan de l’opération controversée
150 FDLR auraient été tués, 1300 désarmés sur un total de 7000 à 8000 hommes selon les sources officielles, résultats non encore confirmés par des sources indépendantes. L’essentiel des rapatriés était composé des femmes, des enfants et quelques vieillards. Juste pour la télévision. Aux dernières nouvelles, les hutu des FDLR ont récupérés leurs anciennes positions. Certains témoignages auraient même l’impression qu’ils auraient été livrés récemment. Car ils apparaitraient plus que jamais requinqués. Contrairement aux déclarations de Kagame qui les dits affaiblis. D’ailleurs on a déjà du mal à le croire. Ses derniers reniements de Nkunda dans Jeune Afrique Intelligent n° 2514(du 15 u 21 mars) ne peuvent que énerver davantage les Kivutiens." Je ne connais pas Laurent Nkunda. Je ne l’ai jamais rencontré. Je ne l’ai jamais vu ailleurs qu’à la télévision" dit-il. Il va jusqu’à réduire le passage de Nkunda à l’APR (Armée Patriotique Rwandaise dirigée par Kagame) à des "bêtises", mieux à des "idioties" et ne reconnaît pas lui avoir parlé au téléphone. Il n’y a que les dupes qui peuvent le croire. Mais pas les peuples du Kivu. Ce qui serait crédible, c’est que ces militaires seraient venus ravitailler une faction de veille du CNDP et un groupe des FDLR. Kagame aurait passé un marché avec ce groupe pour qu’il s’installe en RDC contre financement, fourniture du bétail et protection assurée par les fameux officiers des renseignements rwandais. Il n’aurait cependant pas réussi à convaincre un groupe radical composé d’anciens généraux de l’ancienne armée rwandaise. D’ailleurs le dernier rapport des experts de l’ONU sur la RDC, datant de décembre 2008, fait état de plus de 180 000 têtes de bétail qui auraient été transportés du Rwanda vers la RDC. Il cite parmi les responsables de cette opération un certain Rujugiro. Une figure connue parmi les millionnaires rwandais, accusé par ailleurs de financer le CNDP.
Les militaires rwandais sont partis sans partir
La cérémonie de retrait des troupes rwandaises de la RDC qui a eu lieu à Goma, le 25 février dernier, n’aurait été qu’une formalité médiatique. Juste pour tromper la vigilance et pour la consommation extérieure.
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Les dernières informations reçues du Nord-Kivu, font état d’un nombre anormalement important des éléments armés du CNDP.D’autres qui seraient identifiés, suite à leur accoutrement de couleur rose, comme des prisonniers hutu, seraient cantonnés dans d’immenses tentes dans divers endroits. Ce qui pose un problème d’organisation et de sécurité. Car certains éléments du CNDP attendent d’être incorporés au sein de l’armée congolaise. Problème, c’est que bon nombre d’entre eux ne parlent que le Kinyarwanda et l’anglais. Sur le plan logistique, comme rien n’a été prévu pour les accueillir, on signale déjà des rackets, des extorsions et des assassinats nocturnes dans la ville de Goma ainsi que dans les bourgades environnantes. Pire encore, comme si ces exactions et les massacres qu’ils ont commis ne suffisaient pas, ils demandent à n’être affectés qu’au Kivu et leurs chefs demandent l’amnistie générale de leurs crimes de guerre. Ces revendications sont portées par un certain Dr Désiré Kamanzi qui sont inacceptables aux yeux des milliers des victimes du Nord-Kivu.
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L’autre injustice à dénoncer c’est que tous les civils membres du CNDP voudraient tous être affectés au sein des services administratifs de la province. Comme si les jeunes diplômés autochtones congolais n’avaient pas besoin de travail. Certaines sources rapportent que certains services seraient déjà noyautés. Notamment l’ANR (Agence nationale des renseignements) ainsi que la DGM (Direction générale des Migrations), les douanes où l’ordre d’affectation serait venu de la présidence congolaise. Le hic, c’est que l’on ne sait pas si tous ces gens sont des vrais congolais. Personne ne connaissait ni l’identité ni leur lieu de résidence Il en est de même pour les membres de l’opération militaire car personne aujourd’hui n’est capable de dire combien ils étaient à l’entrée et combien se sont réellement retirés.
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Ce désordre révoltant qui fait de la RDCongo une sorte de supermarché-libre service, ne peut qu’entretenir chez certains congolais, le désir de se choisir un nouveau dirigeant, animé d’une certaine volonté politique. Face à l’urgence, tous les moyens sont-ils bons pour y parvenir? L’exemple malgache est-il transposable en RDCongo? L’avenir nous le dira.
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Faustin MBUSA KAHUNDIRA
France
Beni-Lubero Online





