





Parmi les résolutions de la Conférence de Goma de Janvier 2008, il y a la cessation des hostilités entre les différentes les milices, les groupes rebelles et les Fardc, l’occupation par la Monuc des territoires que les milices et les rebelles dégageraient en se désengageant, le retour des déplacés congolais dans leurs villages, etc.
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Quatre mois après la mise en place du Projet Amani, les résolutions de Goma restent pour plusieurs observateurs une lettre morte. La Monuc est accusée actuellement par les Mai-Mai de céder les zones qu’ils abandonnent au profit du CNDP de Nkunda qui étend ainsi sa zone d’influence au Nord-Kivu. Cette accusation, si elle venait à être prouvée, remettrait de nouveau en cause la crédibilité de la Monuc comme médiatrice dans la crise du Nord-Kivu. Dans cette dépêche nous voulons relever les inquiétudes des Nord-Kivutiens sur une autre zone d’ombre du processus de paix au Nord-Kivu, à savoir, le retour des déplacés congolais dans leurs villages et l’inaction de la coalition Fardc-CNDP-Monuc face à la reprise des hostilités.
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Quand on regarde de près la question du retour des déplacés dans leurs villages, on est étonné que le Projet Amani n’ait pas commencé son programme de développement du Nord-Kivu par la résolution de cette catastrophe humanitaire. En effet, si pour le Projet Amani la paix est l’autre nom du développement, la Personne humaine serait bien au centre de son action et comme conséquence, le retour des déplacés dans leurs villages serait la priorité de ses priorités. Malheureusement, cela n’est pas le cas.
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Aux dernières nouvelles émanant de sources humanitaires, le nombre des déplacés ne fait que s’accroitre. Il serait passé de 800 000 à 1 000 000 dans la seule province du Nord-Kivu. Mais curieusement, les gestionnaires du Projet Amani, le gouvernement congolais ainsi que la Monuc semblent avoir leurs priorités ailleurs. Pendant une semaine, les contrats chinois avaient volé la vedette à la grave crise humanitaire du continent. Les congolais espèrent que les deputés congolais pourront un jour débattre dans leur hemicycle de la question de la paix au Kivu et en Ituri avec autant de passion et d’expertise.
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Le Projet Amani est selon certains une stratégie pour masquer la supercherie de la communauté internationale au Kivu. Il serait fait des carottes et des bâtons. C’est ainsi que, par exemple, les activités de développement sont déjà une réalité dans certains coins de la province du Nord-Kivu où des chantiers poussent comme des champignons avec l’installation des bureaux de développement, la distribution des houes et machettes aux paysans comme moyens de lutte contre la pauvreté, etc. Mais les déplacés qui sont concentrés comme dans un ghetto dans les territoires de Rutshuru et de Masisi sont en marge de ce développement Amani. C’est cette marginalisation de la question des déplacés de Rutshuru et du Masisi qui commence à mettre la puce à l’oreille des observateurs.
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D’après des nouvelles qui circulent au Nord-Kivu mais encore difficile à vérifier, certains villages abandonnés par les déplacés seraient entrain d’être « développés » sans leurs habitants qui croupissent dans les camps de fortune. Est-ce pour préparer le retour des déplacés que des travaux d’adduction d’eau seraient en cours dans certains villages abandonnés par les déplacés? Selon les mêmes nouvelles, certaines maisons des villages abandonnés seraient entrain d’être occupées par des inconnus… C’est à la suite de ces nouvelles alarmantes qui arrivent de Rutshuru et des fins fonds du Masisi que les observateurs s’interrogent sur le sens du développement du Projet Amani qui ressemble beaucoup à celui qu’une certaine communauté internationale entretient au Congo depuis des décennies, notamment, un modèle de ceux qui ne condamnent pas les tueurs de 5 millions des congolais, les violeurs et mutilateurs des femmes, les pilleurs des ressources minières, mais qui s’insurgent contre des partenaires qui tracent des routes et construisent des hôpitaux au Congo ; un modèle des Institutions Internationales qui promettent une relance économique dans les cinq, dix ans et condamnent les mesures économiques d’un gouvernement qui veut soulager sa population ; un modèle de ceux qui ne voient pas la souffrance actuelle des congolais mais promettent paix et bonheur aux congolais de demain sans les aider comment survivre les atrocités d’aujourd’hui. Les congolais d’aujourd’hui sont les parents pauvres de tous ces modèles de développement.
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Devant ce modèle qui maintient les déplacés en marge du développement de la Province du Nord-Kivu, les observateurs commencent à se reposer des questions de toujours sur la volonté réelle de la communauté internationale représentée par la Monuc d’aider le Congo à recouvrer la paix et l’intégrité de son territoire. La question cruciale de la crédibilité de la Monuc comme médiatrice dans la crise congolaise, est de nouveau sur la table. Si la Monuc qui représente l’ONU n’est plus crédible, quelle autre possibilité de médiation reste-elle pour le Congo ? L’heure des médiations post-onusiennes a- t-elle sonné comme celle du monde post-Etasunien de Fareed Zakaria dans son livre « Le Post-American World » ?
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La question des déplacés du Nord-Kivu comme bien d’autres questions, démontre clairement que l’ONU laisse pourrir la situation du Nord-Kivu pour un agenda qui n’est pas celui des congolais. En effet, l’ONU adopte la même attitude comme au Rwanda pendant le Génocide du mois d’avril 1994. Les Casques Bleus de l’ONU s’étaient abstenus d’utiliser leurs armes pour disperser les Interahamwe armés des bâtons et des machettes. L’alibi c’était qu’ils n’avaient pas de mandat du Conseil de Securité de l’ONU. Cette même situation risque de se produire au Nord-Kivu si rien n’est fait pour changer d’alliances et de stratégie dans la résolution de la crise congolaise.
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Pour la petite histoire, les déplacés du Nord-Kivu étaient forcés de fuir leurs villages, abandonnant toutes leurs richesses derrière eux, à la suite des combats entre les Fardc et le CNDP de Nkunda au mois de novembre 2007. A l’époque, le CNDP accusait les Fardc de collaborer avec les FDLR. Mais la débâcle des Fardc avait démontré que le CNDP de Nkunda n’avait pas de problème avec les FDLR ou bien qu’il n’y avait pas de FDLR parmi les Fardc. En effet, s’il y avait des FDLR parmi les Fardc, on aurait vu le CNDP s’en occuper après la défaite des Fardc. Cela n’avait pas eu lieu… A la place, il y a eu la Conférence de Paix de Goma. Les Fardc et le CNDP ont fumé le calumet de la paix. En principe, les déplacés victimes des combats entre Fardc et CNDP, devraient retournés dans leurs villages car les Fardc et le CNDP ne s’y battaient plus. Mais voilà que des Mai-Mai et FDLR ont directement été signalés dans ses villages désertés. Notez que dans plusieurs de ces villages il n’y avait jamais eu de Mai-Mai ni des FDLR. Comment expliquer leur subite apparition dans ces villages jadis sous contrôle des Fardc ou du CNDP, deux belligérants qui ne se battent plus? A quoi sert la coalition actuelle entre les Fardc, le CNDP et Monuc ? Pourquoi cette coalition joue-t-elle au faible devant les Mai-Mai et les FDLR « armés de bâtons et des Machettes » ? Pourquoi la coalition Fardc-CNDP-Monuc ne fait-elle rien pour sécuriser le retour des déplacés dans leurs villages ?
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Cette inaction qui ne s’explique pas constitue aujourd’hui la plus grande zone d’ombre du processus de paix au Nord-Kivu. Au lieu d’agir, la Monuc se complait dans son rôle d’antan, celui de compter les morts, décrire les actes de violation des accords dans ses communiqués de presse, sans jamais agir contre ceux qui violent les accords. Ailleurs dans les salons huppés de Goma et de Kinshasa, on se félicite de l’avancement du Projet Amani. Et pourtant sur terrain l’’inaction de la coalition Fardc-CNDP-Monuc vis-à-vis de la crise humanitaire au Nord-Kivu relance l’idée du complot visant à occuper le Nord-Kivu par des peuplades en provenance du Rwanda, de Burundi, de Tanzanie et de l’Ouganda. Pour préparer le terrain à ces peuplades, les autochtones de Rutshuru et du Masisi doivent mourir dans des camps de déplacés ou prendre le chemin de l’exil. Les déplacés congolais seraient ainsi remplacés par des peuplades en provenance des pays limitrophes. La stratégie consisterait à résoudre un problème en créant un autre , habiller Pierre en déshabillant Jacques. Plus le projet Amani tergiversera sur la question du retour du million des déplacés, plus la suspicion de la préparation d’une colonie de peuplement au Nord-Kivu fera son chemin parmi les Nord-Kivutiens.
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Pour répondre à cette inquiétude grandissante, le Projet Amani qui a déjà supplanté de plusieurs manières le gouvernement provincial du Nord-Kivu dans ses prérogatives, devrait s’investir dans l’opération de retour du million des déplacés dans leurs villages avant d’investir des millions de dollars dans des séminaires de développement. On ne peut parler de developpement au Nord-Kivu quand des déplacés croupissent dans des camps de fortune.
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Rigobert Kanduki
Goma
Beni-Lubero Online





