





Les conditions de la fête ne sont pas réunies pour que la visite du Président de la République, Joseph Kabila au Nord-Kivu soit une fête. L’assurance qu’affiche le Rais ainsi que ses promesses que demain sera mieux qu’aujourd’hui ne trouvent pas d’appui sur terrain dans une province où aucune institution de l’Etat ne semble avoir la situation sous contrôle. La cessation des combats est en effet l’oeuvre du Rwanda et de l’Ouganda. D’après le rais, les Fardc prendraient la relève après que le gros du boulot aura été accompli par les rwandais et les ougandais. La cession non concertée d’une fonction régalienne de l’Etat à deux pays responsables de six millions des morts congolais est la toile de fond de la crise actuelle entre Joseph Kabila et le peuple congolais. La visite de Joseph Kabila au Nord-Kivu apparait comme une distraction dans la mesure où elle n’aborde pas les vraies questions que le peuple congolais et ses élus se posent et n’offre aucune garantie que cette fois-ci sera la bonne. A Musienene (Territoire de Lubero), le Rais, a ordonné que le Gouverneur Julien Paluku mette fin aux tracasseries sur la route. Un vrai signal fort comme diraient les médias du pouvoir. Mais, peut-on dire que c’est l’ordre présidentiel qui manquait à Julien Paluku pour sécuriser sa province?
Selon les dires des élus du Nord-Kivu qui ont requis l’anonymat, les mandataires du Gouvernorat et de l’Assemblée Provinciale, seraient devenus prisonniers de leurs bureaux, sans moyens de leur action, et court-circuités par un gouvernement parallèle de Kinshasa qui exerce toutes les fonctions régaliennes de l’Etat au Nord-Kivu sans la collaboration des élus locaux.
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D’autre part, les députés provinciaux du Nord-Kivu viennent de totaliser 4 mois de salaires impayés. Selon plusieurs d’entre eux, l’Assemblée Provinciale du Nord-Kivu est à couteaux tirés avec le gouvernement parallèle de Joseph Kabila. Au menu du contentieux, l’invalidation des députés Pro-Nkunda qui avaient rejoint Nkunda dans son maquis de Bunagana. Les députés provinciaux disent avoir été sous une forte pression du gouvernement parallèle de Joseph Kabila pour ne pas invalider les mandats de ces députés Nkundistes. Mais les députés provinciaux du Nord-Kivu ont bravé toutes les intimidations et menaces du gouvernement parallèle de Joseph Kabila pour invalider les députés Nkundistes et pour asseoir leurs suppléants, conformément à la loi. Cette grande victoire, bien que sans impact direct sur la situation de la Province, pourrait être à la base de la rétention de leurs salaires par Kinshasa.
Du côté de la défense et securité de la Province, les sources sur terrain indiquent que les FDLR ont repris la plupart de leurs positions sans combattre. Les déplacés moisissent toujours dans les camps sans assistance suffisante, les femmes sont toujours violées et mutilées, les innocents continuent de tomber chaque jour sous les balles de ceux qu’on appelle « éléments incontrôlés », les coupeurs des routes attaquent les voyageurs et les humanitaires, etc.
Le signal fort du Rais que les médias du pouvoir voient à chacune de ses sorties serait, dans le contexte du Nord-Kivu décrit ci-dessus, non pas l’annonce de l’électrification de Beni mais d’abord la mise en marche de la machine démocratique de la Province au chômage depuis 2006 à cause du gouvernement parallèle de KInshasa.
Malheureusement après cinq jours de visite au Nord-Kivu, le Rais friand de son pouvoir très personnalisé et de sa grande discrétion, n’a pas encore donné de signe clair qu’il veut aider la Province à user de la démocratie participative pour répondre aux urgences de l’heure. Au contraire, personne, même pas les institutions qui en ont la compétence, ne peut mettre en question ou évaluer les décisions que le Rais a pris seul pour le Nord-Kivu. On se croirait à l’époque du guide éclairé, le dictateur autoproclamé maréchal, et qui avait conduit le Congo à la dérive.
En effet, les gestes et paroles de Joseph Kabila au Nord-Kivu révèlent que, à l’instar de la communauté internationale, il tente de distraire les congolais du vrai problème du Nord-Kivu qui s’appelle « agression et occupation rwando-ougandaise » et non développement, table ronde intercommunautaire, électrification, etc. Cette méprise est à notre avis le nœud du problème que le gouvernement de Joseph Kabila doit débattre avec les congolais du Nord-Kivu. Le reste est une distraction de mauvais goût.
Le conflit du Nord-Kivu tel que traité par le gouvernement de Joseph Kabila et la communauté internationale, est comparable à une maladie dont le médecin traitant fait un faux diagnostic. Ainsi, avec tous les bons médicaments du monde, la maladie mal diagnostiquée sera aussi mal soignée et pour finir, elle emportera le malade si on ne refait pas à temps le diagnostic sur des nouvelles bases, utilisant au besoin un nouvel équipement d’analyse, un nouveau médecin, ou en changeant carrément d’hôpital.
Ce dont souffre le Nord-Kivu, le grenier de la R.D. Congo, est moins le développement que l’agression et l’occupation rwando-ougandaise. A force de ne pas aborder sans gants et masques l’agression et l’occupation du Nord-Kivu, on risque à la longue de tuer le Nord-Kivu par une thérapie inappropriée.
Nous ne voulons pas dire que le Nord-Kivu n’a pas besoin de routes ou d’électrification. Notre argument est qu’il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Les urgences actuelles au Nord- Kivu c’est l’appui à la démocratie participative pour que les décisions qui se prennent aujourd’hui sur l’avenir de la province soit consensuelles et durables ; la dotation de l’armée et de la police de moyens de leur action pour assurer la securité des biens et de leurs personnes, le retour des déplacés dans leurs villages, les élections locales, etc.
Edgar Kahindo
Racodit-Butembo
Beni-Lubero Online





